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Extraordinaire récit !
L'auteur - un fou sans doute - un génie sûrement - nous permet de lever un voile sur un nouveau monde et de découvrir un univers tout simplement merveilleux... C'est une fantasy sobre, parcourue de moins d'elfes, de moins de trolls, de moins de mystères que l'oeuvre de J.R.R. Tolkien mais tellement belle... que j'ai le sentiment en la lisant de rêver en plein jour.
Et les textes sont si délicieusement écrits, de cette langue française si précise et si noble, que l'on boit du miel à chaque page.

Jacques Abeille est certes un grand conteur et je vous encourage à le découvrir.
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Sans doute encore plus abouti que "Les jardins statuaires" !

Publié en juin 2011, ce nouveau volume, inédit celui-ci, du cycle des Contrées fait bien entendu écho à la fois aux « Jardins statuaires » et au « Veilleur de jour ».

Terrèbre est tombée sous l'offensive annoncée des nomades des steppes, et le narrateur, universitaire local et unique spécialiste du langage des steppes et des jardins, se retrouve en possession du manuscrit qui deviendra justement « Les jardins statuaires ». Enrôlé par le prince des nomades et sa garde rapprochée dans une quête difficile, à la recherche des personnages-clé du livre, le narrateur reviendra transformé, après nous avoir guidés dans l'inextricable agencement de ces sociétés après invasions et catastrophes, et poursuivi habilement de nouvelles révélations sur plus d'un mystère...

« À cet égard, ces barbares du tout au tout différaient de nous ; là où nous cherchons un surcroît de force dans un appesantissement de notre présence au monde, eux s'efforçaient à l'effacement, si bien qu'un même principe les prédisposait autant aux violences guerrières qu'aux raffinements de la courtoisie. »

« Les demeures évacuées finissaient par se laisser pénétrer et parfois disloquer par des coulées de verdures toujours plus exubérantes dans leurs empiètements insidieux et des massifs buissonnants jusqu'à se faire inextricables, où s'installa bientôt toute une population de bêtes timides et alertes. »

« Et il s'engagea dans une si minutieuse description de la métamorphose d'un manuscrit en livre proprement dit, précisant étape par étape les plus minces détails auxquels je devais veiller, que je compris, effaré, que du fond de son lit, brisé par la maladie et jour après jour un peu plus dépecé par les chiens de la mort, il n'avait cessé dans tous ses moments de répit de se représenter et de concevoir l'état définitif du fruit de notre aventure. Je le quittai – il me chassa presque afin que j'allasse au plus tôt m'enquérir d'un imprimeur – ébahi par cet esprit d'entreprise assoiffé d'avenir et qui ne désarmait pas. »

Si Gracq, Jünger et Saint-John Perse résonnent toujours avec bonheur dans ces pages, cette deuxième publication des éditions Attila permet à Jacques Abeille, dans le parcours labyrinthique de son narrateur sur les pas de l'opus précédent, de nous bercer d'étonnantes réminiscences d'un Giono du « Chant du monde » ou de l'atmosphère paisible, inquiétante et onirique du jeu « Myst ». Encore un intense bonheur de lecture, qui donne à attendre avec impatience le futur tome, prévu à l'automne...
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Je suis très étonné de voir si peu d'études sur une oeuvre aussi riche que celle de Jacques Abeille, qui a tout à fait sa place à côté d'un Michon ou d'un Volodine. Suis-je (sommes-nous) trop ébloui(s) par ses talents de styliste, faisant de cette composante presque le sens de la littérature ? Il faut reconnaître que ce sens de la langue est, à travers les aléas de la narration, le coeur secret du livre Les Barbares.

Il y a d'un part le fait qu'on dirait le livre traduit d'une une langue étrangère, perdue et presque oubliée – du Gracq, pardon, du grec ancien ? – avec une assurance faite de longues périodes, de balancements, de beauté et de grâce d'un classicisme réinventé. Il faut écrire le français comme en langue étrangère disait Proust et comme le redit Volodine, certes avec d'autres accents dans l'interprétation. La « langue étrangère » de Jacques Abeille est celle de l'abstraction.

Le livre le murmure parfois, entre les lignes, cette dimension métalittéraire, que l'on pouvait déjà lire dans les Jardins Statuaires. D'ailleurs Les Barbares s'inscrit dans la continuité des Jardins statuaires, reprenant l'histoire où elle s'était arrêtée avant l'invasion des Barbares, et ne se prive pas de donner, discrètement, de temps à autre pour des lecteurs avisés, des « clés » sur son précédent ouvrage :

« Si les hommes donnent forme aux statues, les statues font l'homme d'un animal nu et dispersé sur la terre, dont la seule qualité de pouvoir rêver en contemplant les sursauts de la matière. »

« …l'acte d'écrire, ainsi que je l'entends, ne se sépare pas d'un sentiment de la terre, de la germination, et non de la production, que nous avons perdu. »

C'est la réflexion sur la langue qui se glisse dès le début du récit, avec son narrateur-traducteur du livre des "Jardins Statuaires" (l'histoire est donc celle d'un narrateur à la quête d'un autre narrateur...), jusqu'à l'assimilation finale du narrateur aux Barbares, en passant par des passages sur la langue sorcière et des récits d'écriture du peuple Inilo.

Les Barbares est un livre double et un livre-miroir des Jardins Statuaires qui sait déjouer les attentes romanesques des lecteurs et produire une réflexion souterraine au récit qui va bien plus loin que la remise en question annoncée du rapport barbarie/civilisation.

Car la richesse des Barbares ne se résume ni à cette dialectique, ni à l'élégance et l'envoûtement absolu de la langue et fourmille de réflexions – marquant ainsi pour moi un grand écrivain et une oeuvre capable de se renouveler au sein même d'une certaine répétition.

Je n'aurais qu'un regret, c'est l'intempestif de Jacques Abeille, qui, pour qualifier la concentration extrême mêlée d'une conscience élargie réservé aux grands guerriers barbares a choisi le terme « l'oeil du tigre » (parfois « le regard du tigre », mais quand même). On ne peut s'empêcher de sourire, car on a du mal à lire en s'imaginant Rocky accompagné d'un rugissement pop de Katy Perry.

Lien : https://lucienraphmaj.wordpr..
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Les barbares nous propose une nouvelle incursion dans les Jardins statuaires, ou plutôt ce qu'il en reste après que la menace tout juste effleurée dans le premier opus ait été consommée. le temps a passé en effet ; les cavaliers des steppes ont envahi l'ensemble des Contrées, occupé la plus grande cité, Terrèbre, et détruit purement et simplement les jardins.
Dans le contexte troublé de l'occupation, le narrateur, jeune linguiste qui seul connait le langage des steppes, est enrôlé par le Prince des barbares. Ce dernier, qui n'a manifestement plus toute sa tête, entend retrouver le narrateur du premier roman, lequel a laissé un témoignage écrit que notre linguiste a traduit. C'est ainsi que débute un voyage de plusieurs années à travers les Contrées en général, les Jardins statuaires en particulier.
C'est aussi, et surtout, un voyage intérieur et contemplatif similaire à celui du premier roman. On y découvre un univers singulier à travers lequel sont évoqués des thèmes universels ; le caractère surréaliste est toutefois moins prononcé dans Les barbares que dans Les Jardins statuaires, du fait que les statues n'existent quasiment plus. le propos de Jacques ABEILLE est de montrer que les barbares ne sont pas forcément ceux que l'on croit, à tout le moins que chacune des deux parties a sa part de responsabilité dans les méfaits perpétrés dans les Contrées. Comme dans Les jardins statuaires, il est également très attaché à la place des femmes dans la société.
L'écriture d'ABEILLE et le livre en tant qu'objet étant tout aussi beaux avec Les barbares qu'avec Les jardins statuaires, le lecteur comprend qu'il tient là un nouvel ouvrage hors norme de l'auteur qu'il se plaira à lire et à relire, et même à exposer dans sa bibliothèque. On notera enfin que ce roman peut se lire indépendamment du premier, mais qu'il serait dommage d'ignorer cet ordre pour une compréhension fine du cycle.
N'oublions pas non plus que si l'on veut appréhender l'ensemble du cycle des Contrées il faudra se référer à d'autres romans et recueils qui s'insèrent chronologiquement entre Les Jardins statuaires et Les barbares, respectivement 1er et 5ème tomes du cycle. Ceux-ci sont publiés par de multiples petits éditeurs (Deleatur, Ginkgo, Zulma et Ombres).
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Les Barbares, pour résumer, c'est le récit d'un cheminement de la sphère intellectuelle vers la sphère spirituelle. Un grand roman à mon avis.
Techniquement c'est un roman de fantasy, mais il a laissé au placard les poncifs et les facilités du genre. L'univers n'est pas ici dépiotté à grands renforts de chroniques, pas de magie, pas même vraiment de religion et surtout pas de Mal ni de force obscure et simplificatrice, mais des non-dits et des sous-entendus qui en font un univers à la fois empreint de mystère et qui nous semble très proche.
Le style d'écriture employé ici par Jacques Abeille est tout à fait désuet et complètement anachronique. On y trouve des imparfaits du subjonctifs et même les barbares s'expriment au passé simple. En ayant lu les Jardins Statuaires on comprend que c'est véritablement un choix de l'auteur pour coller à son personnage-narrateur qui est un professeur, classique et universitaire comme peut l'être un professeur. le style n'en est pourtant pas pesant, et se met ici au service d'une précision extrême.
En prime un beau travail éditorial: de belles illustrations suffisamment discrètes pour ne pas proposer d'interprétation, beau papier, belle couverture, mise en page et typographie originales et soignées.
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Faisant directement suite et référence aux Jardins statuaires, "Les barbares" nous font plonger dans le monde de ceux qui sont venus assaillir "la civilisation" des sédentaires. On pense inévitablement aux barbares mettant à bas l'Empire romain.
On assiste d'un côté à la décadence de sociétés civilisées (ou fossilisées), décadentes, pétries d'us et coutumes qui les figent dans une agonie longue et pathétique. C'est le propos des Jardins statuaires. de l'autre on suit l'invasion des barbares, à la renommée violente, impitoyable. On les suit encore tout au long d'un voyage qui forme le coeur de cet ouvrage. Comme tout récit de voyage, on s'interroge sur la relativité de nos perceptions : qui sont donc les barbares ? Quelles sont réellement les plus civilisées des sociétés de ce monde ?

Tel Dino Buzzatti, JL Borgès ou Julien Gracq, la beauté baroque de l'écriture nous incite à prendre notre temps de façon à profiter de la sensualité à fleur de peau (érotisme ?), des implications philosophiques de chaque paragraphe.
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Le préambule au récit est la conquête de la ville de Terrèbre par les cavaliers des steppes, ceux qu'on appelle les Barbares.

Le narrateur, obscur professeur linguiste à Terrèbre, se trouve au moment de l'invasion être le seul connaisseur de la langue des cavaliers. Rattrapé par sa culture, il va prendre des responsabilités dans la résistance des lettrés, qui veulent comprendre la langue et les moeurs de l'occupant.

Capturé par le Prince des Barbares pour être son historiographe et l'accompagner dans son voyage de retour vers les jardins statuaires, il va suivre la longue chevauchée des cavaliers, à la suite de ce Prince qui part à la recherche de ses racines. Et il découvre progressivement la bienveillance et la culture de ceux qu'il appelait et pensait comme des Barbares.

A la lecture de ce récit où chaque mot semble élu, on pénètre un monde énigmatique et hors du temps. Récit mythologique, il l'est d'abord par le personnage du prince, Prince des Barbares ici déchu, personnage énigmatique aux mobiles obscurs, devenu fou par excès de lucidité, hurlant à la nuit comme une grande bête solitaire, hanté par le souvenir de ses hordes lancées dans l'ivresse de la destruction, « un esprit envahi par la béance du monde ».

Les Barbares est un voyage dans les contrées intérieures de la pensée et de la mémoire. Dans les méditations et conversations du narrateur avec ses compagnons de chevauchée se développent des thèmes universels, la question de l'identité de celui qui est suspendu entre deux mondes, un questionnement sur le statut du livre et de l'écrivain, la méditation sur un univers qui disparaît, celui des Jardins Statuaires, étouffé par ceux qui en avaient fait la grandeur.

Le lecteur est possédé par le rythme lent du voyage et du texte, possédé par les visions de mort et le chatoiement de la sensualité, du texte, de la nature (parfois) et de la femme bleue, compagne du Prince immensément sensuelle et bienveillante.

« J'étais presque endormi quand le rideau de feutre fut soulevé. Libérée de tous ses voiles, celle que je n'osais attendre se tenait sur le seuil, immobile, d'un bras levé soutenant les plis de feutre de la lourde tenture. Les lueurs qui l'éclairaient à contre jour faisaient de son corps une triomphale statue de bronze, telle que je l'avais vue déjà dansant devant un feu, inaccessible et promise. Son bras s'abaissa. La nuit se referma et je ne la connus plus que dans la douceur de sa chair fiévreuse et immensément bienveillante. »

« Il convient peut-être de se fier aux rêves qui nous projettent au-delà de nos limites. »

Vive le rêve de Jacques Abeille et qu'il se prolonge encore longtemps. Les Barbares nous projettent hors de nos limites et on semble nous aussi acquérir l'oeil du tigre, ce regard étrange des princes des steppes qui englobe tout ce qui peut être vu.
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Publié en 2011 mais entamé bien plus tôt, Les Barbares serait donc le sixième roman du cycle des contrées dans l'ordre de parution. Pourtant dans la chronologie interne de l'univers d'Abeille il suit immédiatement les Jardins statuaires et le Veilleur du jour, puisqu'il s'ouvre sur la conquête de Terrèbre par les cavaliers des steppes. L'édition (impeccable) par le Tripode des romans du cycle ne fournissant pas d'ordre de lecture, je me permettrai de suggérer à ceux qui voudraient se lancer dans une lecture intégrale de placer celui-ci en quatrième position (après les Jardins, le Veilleur et la Clé des ombres).

Ce long roman s'inscrit directement dans la continuité des Jardins statuaires, puisqu'il a pour protagoniste un professeur, dont on ignorera le nom, qui serait le traducteur de celui-ci en terrébrin. Homme tranquille confronté aux aléas de l'histoire, ce professeur se retrouve propulsé sur le devant de la scène en tant que seul spécialiste de la langue des jardins statuaires mais aussi des steppes. Terrèbre envahie par les cavaliers venus de cette région, sa compétence s'avère donc particulièrement utile. Contrairement à d'autres intellectuels qui préfèrent fuir la ville et les combats, le professeur fait le choix de rester en ville et d'enseigner aux terrébrins la langue de leurs envahisseurs. Entré par hasard en possession d'un manuscrit venu des jardins statuaires (le texte du premier roman, donc), il en fait la traduction et entreprend de l'éditer avec l'aide du professeur Destrefonds (l'un des personnages du Veilleur du jour). Cet acte pousse le Prince des cavaliers à le retrouver et à l'emmener avec lui dans un long voyage à la recherche de l'auteur du manuscrit.

Ce roman nous fait enfin le récit de l'invasion des cavaliers, sur laquelle s'achevaient les deux premiers romans du cycle. En compagnie de Félix, jeune terrébrin adopté par les cavaliers, de Uen Ord, seigneur de guerre des steppes, du Prince, moitié philosophe moitié délirant, le professeur va parcourir l'ensemble des contrées dans un long voyage qui renoue avec la veine presque ethnographique des Jardins, agrémentée de combats et de poursuites qui en font un véritable roman d'aventure, en plus d'une profonde méditation sur les notions de barbarie et de civilisation. Car, bien entendu, les plus barbares ne sont pas ceux qu'on croit.


« Voyez-vous professeur, les hommes ne savent combattre la barbarie, en eux-mêmes d'abord, que par une barbarie plus grande encore. C'est pourquoi les vaincus sont toujours les plus civilisés. »
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Autant j'avais été interpellée, voire charmée, par l'inventitvité, l'onirisme et la violence du premier tome, autant ce deuxième m'a semblé une redite. Comme le Narrateur qui a l'impression de vivre en miroir l'aventure du Voyageur du tome précédent, j'ai eu l'impression de lire une histoire légèrement décalée mais qui ressemble fortement -avec aussi des jardiniers, des Barbares, des Cavalières... Un élargissement du monde plus qu'un approfondissement. Une belle réflexion néanmoins sur l'identité et la culture : qui est le barbare de qui ?
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très belle écriture
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