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Critique de sylviedoc


Même si je ne suis pas une grande adepte des nouvelles, quand elles sont réunies et présentées par Yvan Fauth (@Gruz sur Babelio), il m'est difficile de résister ! Cette collection sur le "Noir" dont chaque volume est axé sur un sens différent est particulièrement attractive, les meilleures plumes du genre s'y trouvent réunies, parfois en duo, comme c'est le cas pour les deux premiers récits. Contrainte à respecter : chaque histoire doit donner une large place à l'ouïe.

Barbara Abel et Karine Giebel (rien de moins que deux de mes auteures préférées, quand même !) ont co-écrit "Deaf", où se mêlent l'histoire d'un couple de jeunes fugueurs sourds qui craint d'être séparé, et celle d'une mère prise en otage par des braqueurs et coincée dans le coffre de leur véhicule. Terrifiant, je me suis mise dans la peau de cette femme et me suis rongé les ongles d'angoisse ! Une de mes nouvelles préférées, suffisamment longue pour bien l'apprécier.

On passe à "Archéomnésis" de Jérôme Camut et Nathalie Hug, qui eux ont l'habitude d'écrire ensemble leurs romans, comme "Islanova" par exemple.
Le registre est très différent, on est plus dans la science-fiction. Une réunion virtuelle entre un "gardien" terrien, une femme décédée depuis longtemps, un tricentenaire, une Intelligence Artificielle et une jeune femme envoyée avec des milliers d'autres pour coloniser une nouvelle planète. le thème du son est bien présent, mais pas vraiment en accord avec le reste du recueil à mon avis, j'ai trouvé ce récit assez inintéressant, et ne m'y suis pas attardée.

"Tous les chemins mènent au "hum" " de Sonia Delzongle (encore une de mes chouchoutes). Là, on revient au coeur du sujet avec cet homme qui souffre de Bruit dans la tête, tout comme d'autres malheureux "humeurs" comme on les surnomme, répartis dans des endroits précis sur la Terre. Ce qui pourrait n'être qu'un banal problème d'acouphènes va se révéler un véritable fléau... Une quinzaine de pages seulement, mais une histoire complète et bien construite, pari réussi pour ma part. Cette nouvelle est d'ailleurs développée dans un roman : "Le dernier chant"

"Ils écouteront jusqu'à la fin" de François-Xavier Dillard, un auteur que je ne connais pas encore, mais dont je note le nom. Sa nouvelle est construite en plusieurs chapitres et conte l'histoire d'un violoniste virtuose que sa quête d'une oeuvre inédite de Tchaïkovski va mener aux frontières de la folie, et bien plus loin encore pour ses auditeurs... Une histoire surprenante et originale, dont j'ai apprécié la chute, même si je l'ai vue venir.

Ensuite arrive "Bloodline", de R.J. Ellory, l'histoire de soeurs jumelles, Janine et Carole, très fusionnelles comme le sont souvent les jumeaux. Janine est sourde, ce qui n'empêche pas une totale compréhension mutuelle. L'histoire alterne entre des souvenirs, en italique, et le temps présent où un homme se fait violemment percuter par une voiture et est pris en charge à l'hôpital par Carole, infirmière. J'ai aimé cette histoire de "liens du sang" que rien ne rompt, cet amour indéfectible d'une soeur prête à tout pour sa jumelle. Les passages en italique sont particulièrement touchants.

On change de registre avec "Un sacré chantier", de Nicolas Lebel, dont je n'avais jamais rien lu, et si je me base sur cette nouvelle, je ne lirai rien. Elle est très courte, elle parle d'une femme qui est convoquée au commissariat, où elle va se retrouver confrontée à son patron contre lequel elle a porté plainte pour agression sexuelle. le commissariat est en travaux, et le bruit engendré va perturber l'entretien... Bon, la façon dont la jeune femme est traitée est très choquante, mais à part cela, je ne comprends pas bien ce que ce texte vient faire là, excepté le bruit ambiant il ne rentre pas vraiment dans les critères.

Heureusement, ensuite on enchaîne avec "Zones de fracture" de Sophie Loubière. Même si je n'avais pas particulièrement apprécié "Cinq cartes brûlées", son dernier roman, cette nouvelle d'une quarantaine de pages, racontée de cinq points de vue différents est plaisante et aboutie. On entendra la victime, qui n'a rien "entendu venir" justement, son mari, qui a entendu trop tard, sa fille, qui ne supporte plus ces bruits-là, son amant, qui n'a pas tout compris, et le témoin de la scène qui n'a pas tout vu mais a tout entendu. Une nouvelle bien construite qui fait partie des meilleures du recueil à mon avis.

"Echos" de Maud Mayeras, (dont j'ai hâte de lire la dernière parution : "Les Monstres") prend la suite avec son héros Charlie, un petit garçon de 7 ans qui souffre d'hyperacousie, et dont le grand frère Lucas est mort écrasé par un chauffard. Mais voilà, un an plus tard Charlie entend Lucas qui pleure en appelant leur maman, elle qui est partie après le drame...
Sans doute la plus noire de ces histoires, qui m'a littéralement fait frémir.

Avec "La fête foraine" de Romain Puertolas, on change à nouveau complètement d'univers, c'est bien plus léger, ce qui permet de souffler un peu ! Romain et Patricia ont loué un appartement par le biais d'une de ces plateforme que nombre d'entre nous utilisent, ils ont choisi de passer des vacances en amoureux aux Canaries. L'appartement est vaste, très lumineux et surtout...très sonore ! Où l'on se dit qu'il faut parfois se méfier des petites annonces. C'est drôle, rafraîchissant au milieu de toute cette noirceur et même si l'on voit gros comme une maison où l'auteur va en venir j'ai souri de bon coeur.

L'accalmie est de courte durée, "Quand vient le silence" de Laurent Scalese se charge de nous remettre dans un bain sombre et glauque. Xavier vient de se faire virer comme un malpropre de son boulot et il a noyé sa rancoeur dans l'alcool avec un copain avant de rentrer chez lui en voiture, bien éméché. Une silhouette surgit dans la nuit, il ne peut éviter la collision. Mais la jeune fille qu'il a heurté est encore vivante...
C'est l'histoire d'une vengeance horrible, glaciale, avec une touche de fantastique, ça vous prend aux tripes et vous laisse hébété, tous vos sens en déroute.

Et ce n'est pas avec "Le diable m'a dit...", de Cédric Sire, que vous allez reprendre vos esprits ! Joan, écrivain, a perdu sa femme Dahlia dans d'horribles circonstances 12 ans auparavant, tuée par un maniaque qui laissait toujours le même message auprès de ses victimes : " le diable m'a dit de le faire". Après celui de Dahlia, les meurtres ont pris fin, mais Joan vient seulement de retrouver goût à l'écriture quand il est brutalement enlevé et séquestré dans un endroit où le seul son est celui de l'eau qui s'écoule. Ce son est une allusion aux endroits où ont été retrouvés les cadavres autrefois, toujours immergés dans des lacs, des rivières ou dans le réservoir du château d'au pour Dahlia. La suite relate le face-à-face (aveugle) entre Joan et son ravisseur, jusqu'à l'explosion finale.
J'ai moyennement apprécié, certains éléments sont à la limite de l'incohérence, mais l'ambiance est prenante.

Et nous voici au bout de ce recueil très varié, avec d'excellentes surprises et deux ou trois déceptions. La plupart de ces nouvelles sont fort bien construites et n'ont pas engendré chez moi de frustration même si certaines sont très courtes. Je félicite Yvan Fauth d'avoir réussi à rassembler tous ces talents autour de cette thématique pas si évidente. Comme il l'explique en introduction, le sens de l'ouïe revêt une importance particulière pour lui qui souffre d'acouphènes et d'hyperacousie, mais qui a réussi à transformer ce handicap en élan positif.
Ma note un peu mitigée est due aux trois nouvelles qui m'ont moins "parlé", mais à peine "Ecouter le Noir" terminé je me suis précipitée à la médiathèque pour y récupérer " Regarder le Noir", que je me réjouis de découvrir très bientôt !

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