Khaled racontait qu'il était né au Texas. Pour les beaux yeux de Linda, disait-il, il avait consenti à vivre ici.
Il racontait que là bas, il y avait un très beau phare,
une grande roue, une corniche de bord de mer, des restaurants, des magasins illuminés
des marchands ambulants, des cafés trottoirs
et surtout, les meilleurs "merry creams" du monde.
" ...et la Méditerranée à perte de vue! "
Le Texas ...C'était ce que Khaled avait trouvé de plus éloigné pour désigner le quartier de Beyrouth-ouest où il avait vécu et dont la guerre l'avait privé.
Pour éviter le franc-tireur, les habitants du quartier avaient mis au point un système de circulation entre les immeubles. Pour traverser les quelques rues qui nous séparaient, il fallait respecter une chorégraphie complexe et périlleuse
- (...) Vous les jeunes, vous pouvez encore partir et sauver votre avenir !
- Ou rester... et essayer de sauver le pays !
Mais tu sais, parfois, je me dis que c'est peut-être eux qui ont raison.
Et puis, qui sait, si j'avais un enfant, peut-être que j'aurais tout fait
pour partir moi aussi. Après tout, cette guerre qui a pris Papa, elle ne
me concerne pas.
Vous savez, je pense qu'on est quand même, peut-être, plus ou moins, en sécurité ici.
Ici, c'est l'espace qui nous reste dans cette étrange moitié de ville. Francs-tireurs, barils métalliques, conteneurs, fils barbelés, sacs de sable, découpent une nouvelle géographie.
Les personnes contrôlées pouvaient se faire arrêter, enlever ou assassiner sur la simple base de leur religion, inscrite alors sur la carte d'identité.
Dans cette maison, mon père nous a lu la suite de Cyrano. Un an plus tard, j'ai appris à écrire mon nom. Et il fallu, une fois de plus, partir.
On n'a pas besoin de ça maintenant.
L'architecte, c'est comme ça que tout le monde ici appelait Ramzi, même si en fait, il n'avait jamais eu le temps d'exercer son métier.
Heureusement que Farah ne doit pas accoucher ce soir ! Je ne vois pas comment on serait arrivés à l'hôpital.