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4,03

sur 101 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
ArMen, ce pourrait être le journal de bord d'un jeune homme qui a décidé de mener la vie de gardien de phare au large de Sein. Jean-Pierre Abraham nous emmène bien au-delà. Il a choisi cette vie, qui ressemble à s'y méprendre à celle d'un moine laïque. Cellule qui sert de lieu de couchage, repas frugal, rituels immuables, répétition des taches, silence, attente. Mais surtout quête de lumière et de paix intérieures. Cette recherche essentielle constitue la trame de ce livre.
Ce livre est très cher à mon coeur. Je souhaiterais remercier l'ami qui me l'a offert fort judicieusement à un moment où j'en avais besoin. Cher également, car il m'a permis de réfléchir sur l'importance de la méditation pour m'aider à donner un vrai sens à ma vie.
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« Il faisait le même temps lorsque j'ai vu Armen, pour la première fois. La mer était grise, comme toujours lorsqu'on navigue sur un bateau de guerre. J'ai cru reconnaître cet endroit. J'ai souhaité vivre dans ce phare. C'était la meilleure façon pour ne plus le voir. Quand j'ai posé le pied, la première fois, sur ce débarcadère-jouet, je me suis cru chez moi. »

Jean-Pierre Abraham (1936-2003) n'a guère plus de 20 ans quand il a cette première vision du phare d'Armen, au large de l'île de Sein. Il en a 23 quand il y débute son stage de gardien de phare, et 25 quand il en devient gardien titulaire. Qu'est-ce qui a fasciné à ce point le jeune étudiant en lettres ?
Il emporte trois livres avec lui : un sur les peintures de Vermeer, le deuxième à propos d'un monastère cistercien, et le dernier, de poèmes, de Pierre Reverdy. Il y revient inlassablement, ces trois ouvrages nourrissent son regard, sa pensée et, infiniment, son écriture.

Que cherche-t-il ? L'attente, la patience, l'oubli, la fuite, la claustration en pleine mer, la violence primaire de l'océan ? Ou bien savait-il avant d'arriver, « de monter » pour la première fois au phare, que les mots seraient au rendez-vous des nuits et des quarts ?

Des mots qui disent l'incertitude, la peur, le questionnement, le doute. Mais qui racontent aussi une histoire de lumières. Celles des lampes, celle du phare, celle du temps d'hiver, celle qui se brise dans les vagues devant les fenêtres, celle des cuivres et des boiseries qu'il nettoie pendant des heures, pour faire sourdre un reflet, un éclat. Celles des tableaux de Vermeer, qu'il distingue, nuance par nuance.

Et puis l'entente silencieuse, la complicité rude, parfois rieuse, avec le compagnon, l'autre gardien présent.
Et puis un monde vertical, l'escalier de pierre dans lequel les sabots résonnent, des chambres à chaque étage, et celle au sommet, de la lanterne, avec ses verres et son mécanisme précieux. Un monde de bruits mécaniques, qui affronte celui des déferlantes et de leurs coups de boutoir. Et celui de la sirène de brume qui fait sursauter, toutes les quarante-cinq secondes, et affole les oiseaux de mer.

Ce texte est d'une absolue beauté. On voudrait le garder et on voudrait l'offrir. Sa raison d'être est parfaitement insaisissable. Comme son auteur, « tout serré à l'intérieur », elle n'offre « aucune prise ». Peut-être ce livre n'est-il si beau que parce qu'inexplicable.

« Armen : tour à tronc blanc, base sombre et sommet noir. 37 m. 48° 03,3 N – 4° 59,9 W – hauteur 29 m – portée 23 milles – 3 éclats blancs, 20 secondes. Aujourd'hui automatisé, donc inhabité. Ce qui rend ce livre encore plus précieux... »
(4ème de couverture)
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Armen est un phare mythique situé à l'extrémité de la Chaussée de Sein, à dix kilomètres de l'île de Sein, en Bretagne. Ce phare, Jean-Pierre Abraham, a voulu en être gardien, tant cet élément le fascinait. Il le sera durant trois ans et rédigera, au fil de ses périodes d'activité, un journal, « Armen », publié une première fois en 1967.

Par petites touches, il vient décrire son quotidien, non pas en premier lieu le spectacle du dehors qui s'offre au gardien en haut de son phare, mais plutôt la résonnance que ces éléments, le plus souvent déchaînés, peut avoir tant sur le phare que sur son travail de gardien, ses paysages intérieurs et son travail d'écriture.
Les tâches sont d'une régularité métronomique, d'une monotonie rude. Hiver comme été, l'auteur rend bien compte de celles-ci. Il évoque le temps de la relève lorsque les conditions climatiques le permettent, le lien entre gardiens (ils sont toujours deux), l'amitié qui peut naître au-delà des mots. Car, pour éviter de vaciller, l'économie de mots s'avère parfois vitale. Au coeur de cette solitude recherchée, bien des dangers menacent, outre les éléments du dehors : l'ennui, la peur, notamment, figurent en première place. Face à cela, le gardien construit ses défenses. Il emporte avec lui trois ouvrages : l'un de Vermeer, un autre sur un monastère cistercien ainsi qu'un recueil de poèmes de Pierre Reverdy. Et puis, il écrit, pose, juxtapose des mots, ombres sur le blanc des feuilles, pour donner contour, forme au chaos liquide, à la furie des éléments, la solitude voulue et l'ennui, le vide, la monotonie des jours.

Jean-Pierre Abraham est fasciné par les contrastes entre ombres et lumières ; cet amoureux des peintures de Vermeer cherche en ses oeuvres un écho à son expérience sensible. Il traque dans les moindres recoins du phare les parts d'étincelles au creux de la noirceur d'un quotidien douloureux.
On comprend, au fil de son journal, combien il s'efforce de transmuer l'expérience du quotidien, de l'attente, de l'itération en une expérience quasi-mystique, celle d'un moine dans un monastère offrant sa vie et la rythmant par des rituels, autant de scansions vitales pour soi et la communauté.

Et peu à peu, le monde extérieur vient épouser son monde intérieur. Choisit-on un lieu parce qu'il se fait écho de nos paysages intérieurs ? Ou bien notre monde interne devient-il poreux au contact des turbulences du dehors ? Ombre et lumière, le dedans et le dehors viennent se confondre, en une sorte de Yin-Yang, et de cette fusion naît la mélodie des mots.

Ce journal de Jean-Pierre Abraham est une expérience de lecture bouleversante par son caractère inédit et le regard particulier que l'auteur porte sur ses années à Armen.
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Je suis désolé; cette critique n"est pas de moi et je n'ai pas gardé mes références mais elle est tellement ce que je ressens que je ne peux resister à la reproduire ici.


Introduction à une forme de méditation à travers l'ouvrage.

Jean-Pierre Abraham, moine laïque. Il ne pouvait pas être autre chose que gardien de phare, de prison, de musée, de monastère abandonné.
La majesté d'un grand poête en plus.

Une quête de soi perpetuelle, un travail de sape de tunelier, dans les méandres de l'âme. Interrompue (quoique ?) par la veille du feu, les travaux d'entretien et les échanges avec son collegue.

La lumière est le support de sa quete ; lumière du feu du phare, mais aussi de sa lampe, des éclats du cuivre, du soleil à travers les vagues, des demi teintes créées par les petites ouvertures du phare.

A n'en pas douter la lumière est son médium ; bien plus que sa mission ou que le phare lui-même.

La lumière il la cherche aussi dans l'éclat des mots mais encore dans le lisse des choses ; lisse de l'horizon, lisse de la brume, de l'enduit à la chaux, de la peinture fraiche, des reflets du bois fraîchement verni.

Au fil du temps se profileront des blessures de l'âme qui l'on assurement conduit à une grande fragilité, une peur continuelles, une sensibilité outre-coutumière, un abandon de la vie ordinaire, un replit dans la « tour » du phare.


Le lecteur des nuits d'Abraham dans son phare, cherche, lit et écrit en même temps les siennes propres. Accompagner Abraham oblige à s'écouter, à entendre sa propre nuit. C'est une sorte d'accompagnement. Dans ce livre les phrases vous poussent comme un vent fort dans le dos. En le lisant on devient aussi gardien de phare, mais de son propre phare.
Dès les premières pages, on sait que c'est sans retour possible, je pourrais dire sans repentirs ni regrets possibles, et qu'il faudra attendre la relève, qu'on ne peut même pas dater ni prévoir. Cela dépendra du temps qu'il fait...
Quand on commence ce livre, on sait qu'il faudra aller jusqu'au bout...et attendre...Il y a comme un suspense. On attend une catastrophe...
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Jean-Pierre Abraham a été gardien du phare d'Armen pendant trois ans. Son récit est à la fois très réaliste et tout emprunt de poésie et de philosophie.Son observation très fine des éléments , toute imprégnée d'émotion est un atout majeur de cet inoubliable ouvrage!!!!!
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Jean Pierre Abraham a été vraiment (pendant un temps) gardien de phare sur le phare d'Armen ,au large de l'ile de Sein.
Mais ce livre dépasse de loin la simple description de la vie d'un gardien de phare.
C'est du très fond de l'âme humaine qui remonte .
Humanité de soi même et de l'Autre.
Dans un style simple et sans fioriture mais au combien suggestif.
un livre culte................................................................................................................................................................................................................
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Je n'en avais jamais entendu parler, mais j'espère que cet étonnant récit de phare figure depuis longtemps dans la bibliothèque de tous les voileux de la côte atlantique (sinon, il devrait, point).

Extraordinaire histoire d'une vocation : à l'occasion de son service militaire dans la Royale en 1956, Jean-Pierre Abraham croise au large de Sein et Ar-Men.
Séduit par la position et l'isolement du phare, comme envoûté, le jeune homme se promet de revenir pour y travailler.
D'abord une période d'essai de 9 mois en 1959 qui confirme son intention, puis la formation exigeante de gardien de phare au Cap Gris-Nez et à Saint-Nazaire, et enfin l'embauche. En 1961, il a 25 ans, il est gardien en titre à Ar-Men !
Ce qu'il faut savoir, c'est qu'avant tout ça, ce jeune homme précoce originaire de Nantes était monté à Paris pour étudier les lettres, s'était fait remarquer dans les milieux intellectuels, et avait publié un premier récit au Seuil à 20 ans (Le Vent). Mais l'appel d'Ar-Men avait été plus fort que les sirènes germanopratines.

Écrit près de Forcalquier après sa démission comme gardien de phare et son mariage, Armen a paru au Seuil en 1967 ; il a été réédité en 1988 par les éditions le Tout sur le Tout. Mon exemplaire vient du quatorzième tirage en décembre 2017.

La photo de couverture à été prise par J.-P. Abraham depuis la galerie supérieure d'Ar-Men (on distingue la rambarde, au premier plan) : c'est l'ombre de la tour portée sur l'écume qui s'abat sur le socle du phare ; le sujet est sûrement beaucoup plus spectaculaire que l'image de son ombre, mais l'évocation de l'âme du phare par ce reflet grisâtre imprécis et mouvant est puissante.

De novembre à mai (sans doute 1963, non précisé), Jean-Pierre Abraham tient un journal de son quotidien sur Ar-Men avec l'un des deux autres gardiens (Martin, Clet) en alternance, pour des périodes de vingt jours, suivies de dix jours de repos sur l'île de Sein, quand la météo le permet. Il n'écrit pas pour être lu par qui ne connait pas le fonctionnement d'un phare, il faut donc se couler dans son rythme, accepter de découvrir peu à peu la routine de cette étrange vie enfermée. L'escalier devient vite un lieu familier..., comme la chambre de veille, la salle des machines, l'optique, les rideaux que l'on tire sur les vitres de la lanterne le jour, etc. Il m'a fallu un peu de temps pour comprendre les gestes qu'accomplissent les deux gardiens, car le fonctionnement technique du " feu " n'est jamais expliqué. Mais cela n'est pas frustrant. Intriguant au début, jusqu'à ce que cela devienne presque évident.

Il y a les corvées, les réparations, incessantes, nécessaires, qu'on peut imaginer monotones et ennuyeuses à la longue, mais il y a aussi, même s'ils sont rares, les temps morts, inoccupés. Le gardien Martin qui relit indéfiniment pendant des semaines, des mois, le même vieux journal. Abraham n'a dans sa chambre que trois livres qu'il connait par coeur : un catalogue des peintures de Vermeer, un recueil de poèmes de Pierre Reverdy, et un ouvrage sur une communauté monastique cistercienne. Cet hiver-là, il s'occupe en essayant d'écrire des textes pour accompagner les dessins que lui confie son ami Yves Marion (voir plus bas), un jeune peintre installé sur Sein.

Je ne voudrais surtout pas donner l'impression de conseiller la lecture d'une sorte de Manuel du Parfait Gardien de Phare (non-automatisé)...
Car Armen est bien autre chose, qui n'est pas facile à décrire, et qui tient à l'écriture particulière, atmosphérique, de Jean-Pierre Abraham.
Je vous dois l'honnêteté de dire que quelques (rares) fois, je n'ai pas tout compris aux beaux développements poétiques sur la peinture, notamment, ou à d'autres, plus introspectifs.
Par contre je me suis laissée emporter sans résistance par la force des descriptions de la mer, de la houle, par l'évocation des éclairages, de la pénombre, et encore plus, des bruits.
C'est magnifique.

ps - On peut voir/entendre J.-P. Abraham parler de son "métier" de gardien de phare dans l'émission Les Coulisses de l'Exploit, Ar'men du 19 décembre 1962 (vidéo ina.fr)
Lien : https://tillybayardrichard.t..
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Authentique journal de bord d'un gardien de phare. Phare d'Armen. le plus isolé de France. le plus inaccessible. Surnommé « l'enfer des enfers ». Littéralement au milieu des vagues. Quand la houle le frappe, il disparaît et vibre tout entier. On vit au rythme de ses journées. Il ne se passe rien, il arrive toujours quelque chose. Un petit livre pour prendre une pause, regarder la lumière sur les pierres, les bateaux à l'horizon ou, pour les plus pragmatiques, découvrir un métier désormais perdu.

Lien : https://www.instagram.com/p/..
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Difficile de mettre des mots sur ce qui s'apparente autant à un témoignage brut car un recueil poétique d'une grande noirceur. Difficile également de ne avoir envie de le ré-ouvrir au hasard pour en lire quelques extraits à haute voix.

Dès les premières pages, j'ai eu envie de regarder des images de ce phare, afin d'illustrer une vie qui, même illustrée, semble difficilement imaginable. Sur internet, on tombe rapidement sur ce vieux documentaire d'époque où Jean-Pierre Abraham apparaît. On a presque du mal à le prendre au sérieux tant sa présence en ces lieux semble étrange. Et cette phrase, héritée de son père, clôture le document : mieux vaut réussir sa vie que réussir dans sa vie.

Une phrase qui fait drôlement écho à un extrait de cette si belle-oeuvre : « il y a une chose dont je suis sûr : cette lumière connue dans l'enfance, pour la retrouver maintenant, il faut s'appliquer tous les jours à vivre dans la plus grande incertitude ».

Il n'est pas si commun d'avoir un accès aussi direct, aussi brut, au ressenti d'un auteur. Il est encore moins commun que cet auteur vive une vie tellement étrange que je manque de mot pour la qualifier. Il y a évidemment cette solitude de l'auteur vis-à-vis de la société, vis-à-vis de son compagnon d'infortune également. Mais il y a surtout cette dissolution quasi-totale de l'individu dans de cette nature si violente et dans de ce phare dont la seule existence semble nécessiter un quota d'âme humaine. .

Au final, Armen semble être une souffrance nécessaire sur le chemin spirituel de cet auteur de 26 ans, et c'est ce mystère qui me fascine le plus.
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