CHAIR DES CHOSES, Renée Vivien, in Sillages (1908)
Je possède, en mes doigts subtils, le sens du monde,
Car le toucher pénètre ainsi que fait la voix.
L’harmonie et le songe et la douleur profonde
Frémissent longuement sur le bout de mes doigts.
Je comprends mieux, en les frôlant, les choses belles,
Je partage leur vie intense en les touchant.
C’est alors que je sais ce quelles ont en elles
De noble, de très doux et de pareil au chant.
Car mes doigts ont connu la chair des poteries
La chair lisse du marbre aux féminins contours
Que la main qui les sait modeler a meurtries,
Et celle de la perle et celle du velours.
Ils ont connu la vie intime des fourrures,
Toison chaude et superbe où l’on plonge les mains,
Et l’odorant secret des belles chevelures
Où la brise du soir effeuilla des jasmins.
Semblables à ceux-là qui viennent des voyages
Mes doigts ont parcouru d’infinis horizons,
Ils ont éclairé, mieux que mes yeux, des visages
Et m’ont prophétisé d’obscures trahisons.
Ils ont connu la peau subtile de la femme,
Et ses frissons cruels et ses parfums sournois…
Chair des choses ! j’ai cru parfois étreindre une âme
Avec le frôlement prolongé de mes doigts…
Paul Adam (vers 1895)
*** Le poème invite à modifier la fin du deuxième vers de chaque strophe, de manière à ce qu'il rime non plus avec le dernier vers de la strophe, mais avec le premier. ***
La première fois quand je l'ai vue
J'ai tout de suite remarqué son regard
J'en étais complètement hagard
Dans ce jardin du Luxembourg
Je me suis dit Faut que je l'aborde
Pour voir si tous deux on s'accorde
J'ai déposé mon baluchon
Alors j'ai vu tes gros yeux doux
J'en suis devenu un peu comme fou
Quand je t'ai dit que tu me plaisais
Que j'aimerai bien te revoir
Tu m'as donné rendez-vous le soir
Et je t'ai dis Oh Pénélope
Que tu étais une sacrée belle fille
Que je t'aimerai toute ma vie
Quand dans ce lit de marguerites
Tu m'as caressé doucement la tête
Ma vie entière est une fête
Et sous les regards de la foule
J'ai posé ma main sur ta main
Vous voyez bien que ce n'est pas malsain
À l'ombre des eucalyptus
Je t'ai dit Je veux que tu me suives
Je te sentais d'humeur lascive
Alors comme ça dans les tulipes
Tu m'as fait une petite promesse
Gage d'affection et de tendresse
Si notre amour devait céder
Je n'aurais plus qu'à me faire prêtre
Je ne pourrai jamais m'en remettre
Car si un jour notre amour rouille
Je m'en mordrai très fort les doigts
Chérie vraiment je n'aime que toi !
Que ne suis-je quelque chose
Que touche ta blanche main?
Que ne suis-je cette rose
Que tu places dans ton sein?
Que ne suis-je cette puce ,
Qui t'irrite quelques fois,
Qui si librement te suce
Et qui meurt entre tes doigts.
Gabriel Charles de Lattaignant