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Le couloir étroit" est la traduction du livre "The narrow corridor - States, Societies and the Fate of Liberty" écrit par
Daron Acemoglu, économiste, et
James A. Robinson, économiste et politologue. Ce livre touffu prolonge les analyses que ceux-ci avaient publiées sous le titre "Why nations Fail ?".
La thèse principale des auteurs est que les pays qui échappent à l'anarchie sans pour autant tomber sous la coupe d'un despote sont caractérisés par un Etat fort maîtrisé par une société forte. L'Etat fort garantit les libertés et assure efficacement, sans discrimination, ni favoritisme, la sécurité de ses ressortissants, une justice équitable, des prestations sociales étendues. Et une société est forte si elle est capable de se mobiliser pour infléchir l'action des pouvoirs publics, capable de s'organiser pour répondre à des besoins que l'Etat, s'il est fort, saura ensuite prendre en charge et, surtout, capable de faire émerger au sein du pays un consensus capable de mettre une sourdine aux divers intérêts catégoriels.
Pour illustrer leur thèse, les auteurs s'appuient avec constance sur un grand nombre d'exemples historiques (souvent très intéressants, parfois un peu longs).
J'ai trouvé des faiblesses à l'ouvrage.
Tout d'abord, à quelles valeurs se réfère-t-il ? Est-ce uniquement la liberté comme le dit le sous-titre ? Mais n'a-t-il pas aussi en vue une égalité qui ne serait pas qu'une égalité des droits ? Par ailleurs, peut-on envisager un Etat fort sans une société qui soit d'abord prospère ? Comment les auteurs voient-ils alors arbitrer entre liberté, égalité et prospérité ?
Ensuite, j'ai trouvé très simpliste de réduire toute société à une opposition entre Elite et Peuple, l'Elite étant constituée de ceux qui profitent matériellement d'une organisation de l'Etat qui maintient les autres, le Peuple, dans la pauvreté par une privation plus ou moins étendue de leurs libertés. Et j'ai trouvé très facile de conclure que les composantes de la société devaient cependant trouver entre elles un accord "gagnant-gagnant" en dépit de leurs divergences d'intérêts.
Enfin, j'ai retrouvé dans "
Le couloir étroit" le péché des économistes : peu avares d'explications après coup, mais pas prêts à reconnaître que trop de paramètres interfèrent dans la vie économique pour qu'on puisse vraiment prédire l'effet des politiques.
Pour terminer, l'ouvrage se lit sans plaisir tant le style est maladroit, probablement du fait d'une traduction médiocre (partiellement automatisée ?). Certaines phrases sont même obscures.