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Okonkwo est un homme respecté au sein de son clan. Il a trois épouses et 9 enfants. Sa prospérité, il la doit à son seul courage et à sa détermination; non à l'héritage d'un père qu'il méprise tant pour sa paresse que pour sa couardise. En toute circonstance, Okonkwo veille à ne montrer aucune faiblesse. Comme celle des autres membres du clan, son existence est régie par un ensemble de rites et de croyances figés auxquels il obéit aveuglément. Même lorsque ces règles le conduisent à poser des gestes qui vont à l'encontre de son inclination personnelle, jamais il ne les remet en cause....

(lire la suite)...

http://coupsdecoeur.wordpress.com/2010/02/23/le-monde-seffondre/
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EX-CEP-TION-NEL !
Waouh ! Ce n'est pas si fréquemment que je me laisse aller à un tel enthousiasme, mais là, là, il faut bien reconnaître que c'est un très, très grand livre, de l'ordre de l'exception. Par siècle, très peu d'endroits du monde sont capables de produire un livre comme celui-ci, car il faut une conjoncture d'événements particulière, et parmi ces endroits, encore faut-il avoir la chance d'avoir un Chinua Achebe sous la main.

Par exemple, nous autres Français, aussi orgueilleux que nous puissions être de notre littérature et de son histoire, nous ne pouvons pas nous targuer d'un Chinua Achebe. Les Islandais le peuvent, éventuellement les Grecs et les Italiens le peuvent, et encore, c'est assez discutable pour ces deux derniers, mais nous, non. Les Anglais, les Allemands ou les Espagnols non plus.

Comment vous dire ? Pour avoir un Chinua Achebe en France, il aurait fallu que la conquête des peuples gaulois par les Romains nous ait été décrite dans un récit riche et structuré par un écrivain du cru, un Éduen, un Arverne ou un Rème, par exemple. Il aurait fallu qu'il nous décrive de l'intérieur ce qu'était la (les) société(s) gauloise(s) et comment s'est effectuée la conquête, étape par étape. Là, nous aurions eu un Chinua Achebe, mais tel n'est malheureusement pas le cas.

Oui, en fait, le seul livre tant soit peu comparable que je connaisse est la Saga de Njáll le Brûlé, l'une des sagas islandaises du Moyen Âge qui nous conte l'implantation du christianisme en Islande et de la perturbation que cela a causé dans toute la société d'alors. Elle aussi avait son héros, c'était Gunnar en Islande, c'est Okonkwo au Nigéria. D'ailleurs, ces deux-là ont un destin très similaire.

Waouh ! Je le redis car j'ai peine à le croire tellement c'est fort. Quel témoignage ethnologique exceptionnel ! Merci monsieur Achebe d'avoir sauvé de l'oubli dès 1958 — c'est-à-dire avant l'indépendance du Nigéria — toute cette culture, toute cette tradition aujourd'hui disparue pour l'ethnie des Igbos. Imaginez si nous avions un livre qui nous parlait de la société néolithique qui a élevé les menhirs de Carnac, imaginez si nous avions un témoignage écrit du mode de vie à l'époque des pèlerinages de Stonehenge. Imaginez le bonheur que serait le fait de pouvoir lire de la main d'un Aztèque l'arrivée des Espagnols ou bien l'implantation de l'Islam en Asie centrale vue par un Ouzbek d'alors. Eh bien c'est ça qu'il nous offre, rien de moins. Ça et, évidemment, comment cela s'est terminé, d'où son titre.

La quatrième de couverture cite un proverbe africain qui colle merveilleusement au propos du livre et qui m'évoque immanquablement La Guerre Des Gaules de César : « Tant que les lions n'auront pas leurs propres historiens, l'histoire de la chasse glorifiera toujours le chasseur. »

En somme, nous suivons donc le destin d'un homme au caractère bien trempé, Okonkwo, un homme qui a envie de s'élever dans son clan et qui est attaché à la tradition des ancêtres. Dans la première partie, l'écrivain nous dresse le tableau de cette société traditionnelle disparue et, ce qui est remarquable, sans angélisme aucun. Il montre tant ses bons que ses mauvais aspects. Il n'hésite pas, par exemple, à nous montrer le rituel d'un sacrifice humain en réponse à de supposés oracles, exactement comme ils devaient se dérouler en Europe au néolithique et à l'Antiquité.

C'est un tableau vivant et d'une richesse rare. Les parties deux et trois font le récit de l'implantation progressive des blancs, via la religion et les missionnaires dans un premier temps, mais aussi et surtout, par son bras armé ensuite.

Chinua Achebe, montre, démontre ou remontre s'il était besoin, que la religion — tout au moins les grandes religions monothéistes encore dominantes de nos jours — sont et ont toujours été des éléments de pouvoir et de soumission. Depuis l'empereur Constantin c'est particulièrement vrai de la religion chrétienne. Christopher Marlowe, un témoin d'époque, n'en pense pas moins au moment des guerres de religion du XVIème siècle en France. La radicalisation religieuse que nous vivons en ce moment n'en est qu'un autre et énième avatar.

Bref, j'ai adoré m'imprégner de la culture de l'igname, du mode de pensée et des structures claniques, avec leur fonctionnement propre qui, je me répète, me rappellent énormément le fonctionnement social de l'Islande pré-chrétienne.

Oui, c'est donc un immense coup de coeur que ce Tout S'Effondre, un livre que j'avais emprunté à ma bibliothèque fétiche mais que je vais me dépêcher d'acheter, car c'est un livre que je tiens à avoir sous la main dans ma propre bibliothèque ; un livre d'une rare valeur. Mais bien sûr, ce n'est que mon avis, c'est-à-dire très peu de chose.
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Ce livre raconte en trois parties l'histoire d'Okonkwo, un homme ambitieux et dur. Durant toute sa vie Okonkwo travaille à devenir un grand homme dans son clan. Mais il tue accidentellement un jeune homme et doit s'exiler pendant sept ans. Quand il revient d'exil, les Blancs ont pris le pouvoir dans son village.

J'ai beaucoup aimé ce livre et je le trouve très bien écrit. L'auteur prend vraiment le temps de décrire les coutumes et le fonctionnement du clan et cela souligne le clash entre le Blanc colonisateur et les membres du clan.
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Un petit village de cases dans la forêt équatoriale au sud-est du Nigéria. Deuxième partie du XIXe siècle.

Okonkwo est devenu chef de clan à la force des poignets. Travailleur infatigable, il a voulu compenser la paresse de son père qui faisait de l'ombre à son orgueil. Société patriarcale d'agriculteurs, les Ibos cultivent principalement l'igname, le maïs et le gombo et fabriquent un vin de palme fort apprécié. Au cours d'entretiens avec les sages des tribus voisines, les hommes partagent la noix de kola après leurs palabres interminables.

Le respect des traditions, le culte des ancêtres et la communication avec les nombreux dieux sont indissociables de leur vie hiérarchisée. Les us et coutumes ainsi que les superstitions sont évoqués dans une première partie qui m'a fait instantanément penser à ces « rendez-vous en terre inconnue », à ces tribus qui vivent loin de la civilisation – où qu'elles soient dans le monde – mais qui, tôt ou tard, disparaîtront ou seront absorbées par les villes.

Depuis qu'un jour, pour respecter la vision du sorcier, Okonkwo tue le meilleur ami de son fils, qu'il avait adopté et qui comblait son ambition, sa vie va changer irrémédiablement : les anciens l'avaient dissuadé de cette exécution, son fils fuit le village, Okonkwo tue le sorcier par maladresse et est condamné à un exil de sept ans, toujours selon la loi tribale. La séparation devient inévitable à tous les niveaux. le village perd son chef, la famille est démantelée, les valeurs ancestrales prennent un coup dans l'aile et, pour ne rien arranger, des étrangers européens sillonnent le pays pour imposer leurs moeurs et leur religion.

Le début du colonialisme britannique désorganise l'ordre social, les missionnaires blâment les sacrifices humains – ces sauvages n'enferment-ils pas les nouveau-nés jumeaux dans des jarres pour les enterrer dans la forêt, ne font-ils pas appel aux incantations du représentant des dieux pour rendre la justice ? Ils dénigrent tout autant la polygamie, la violence entre clans, ridiculisent les coutumes ancestrales tout en vantant les merveilles des techniques et des outils européens qui facilitent la vie et apportent la richesse. Un dieu remplace tous les autres, il est bon et miséricordieux.

Les missionnaires sont rompus aux belles histoires de la Bible et les Africains adorent les contes.

Le titre du livre est extrait du poème de Yeats « The Second Coming » :
« Tournant, tournant en cercles toujours plus larges, le faucon n'entend plus le fauconnier. Tout s'effondre, il n'y a plus de centre. L'anarchie se déchaîne sur le monde »

Chinua Achebe est né en 1930 dans le Sud Nigeria, de parents chrétiens d'expression anglaise. Ses études universitaires le conduisent à travailler dans la communication (radio, rédacteur en chef, professeur d'anglais). Il voyage beaucoup en Afrique, en Angleterre et aux Etats-Unis. Il est professeur dans plusieurs universités. En 1960, le Nigéria obtient son indépendance mais n'évite aucunement les clivages ethniques et religieux. Chinua Achebe a toujours soutenu les sécessionnistes du Biafra (sa région natale) et il est le premier écrivain africain à raconter d'un point de vue africain les déboires de son peuple face à la colonisation.

Plusieurs fois, il a été pressenti pour recevoir le prix Nobel de littérature et les plus hautes récompenses dans son pays, prix qu'il a refusés en protestation à la politique dictatoriale du Nigéria.
Il est mort à Boston en 2013.

L'écriture de Chinua Achebe est très expressive et simple. le traducteur a gardé des expressions de la langue ibo, ce qui rend hommage à la culture de ce peuple et donne au texte une sonorité ardente et énergique.

Lecture attachante proposée par NastasiaB que je remercie vivement.
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D'emblée, le style évoque une ambiance de conte. Une fable transmise par la tradition orale, telle qu'un griot aurait pu en égayer une assemblée au cours d'une veillée. le héros se dresse au coeur du récit, droit, puissant, courageux, figé dans ses certitudes d'autant plus ancrées en lui qu'il est le fils d'un homme peu méritant, à l'aune des valeurs des tribus nigérianes de l'époque que l'on situe au début de la colonisation.

Les coutumes tiennent lieu d'armature sociale, les luttes tribales réaffirment si besoin la suprématie de tel ou tel groupe, l'animisme tient la population captive sans qu'une quelconque remise en cause ne vienne troubler les traditions. Mariage, justice, maladie, obsèques, tous ces temps forts d'une assemblée sont décrites avec précision , conférant une dimension ethnologique au récit.


Il en va autrement dans la dernière partie du roman, lorsque les blancs viennent troubler l'ordre établi, brandissant le vrai dieu, incompatible avec les croyances jugées primitives.

Le style simple est en accord avec le message passé et donne une couleur authentique au récit. Mais il n'empêche pas une réflexion argumentée sur la religion lors de la confrontation des idées.

C'est le premier volet d'une trilogie dont hélas les tomes 2 et 3 ne sont pas traduits. Il est tentant de les lire en anglais tant on a envie de découvrir la suite et les conséquences de l'invasion des colonisateurs. Ou de supplier Actes sud de donner une chance à ces romans.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Les peuples d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique qui ont eu la primeur, et l'immense et infini bonheur de voir de leurs propres yeux l'arrivée des Européens, ont eu le privilège, en même temps, d'assister à la fin d'un monde – celui qui rythmait leurs vies. En Indonésie, sur l'île de Bali, ils appelèrent cet épisode tragique du nom exotique de « Poupoutan » : la fin. (que Vicki Baum décrit dans son très beau roman « Sang et volupté à Bali », que je ne saurais trop conseiller, même si l'auteur, dans sa préface, considère la colonisation comme une oeuvre... « civilisatrice » !).
Le célèbre roman de Chinua Achebe décrit ici un épisode similaire de la colonisation, en pays Igbo, au Nigéria, et qu'il a choisi de nommer, sans exotisme cette fois, « Le monde s'effondre ».
Le monde qui s'effondre, la fin du monde, voilà la sempiternelle conclusion de la rencontre entre les si gentils missionnaires et soldats envoyés de l'Europe, et ces communautés villageoises de paysans et d'artisans disséminés alors sur la planète. Mais pour les colonisateurs, pour ces officiers qui deviendront généraux (aussi bien un monarchiste comme Lyautey qu'un républicain comme Gallieni, décrivirent de ce point de vue la colonisation, dans de nombreux rapports et mémoires), on parle plutôt de « pacification des tribus primitives » !
Alors, certes, la vie de ces communautés villageoises n'était pas rose, vivant selon des coutumes tribales parfois violentes et injustes, rythmées par des croyances magiques sinon religieuses, en tous cas irrationnelles, ce qui n'est pas toujours idéal pour les hommes, et encore moins pour les femmes. Ces sociétés étaient rarement « pacifiques », certes, mais cela donne-t-il le droit à une société technologiquement plus avancée et politiquement plus structurée, d'imposer sa religion toute aussi intolérante, sa civilisation toute aussi violente, et son économie, beaucoup plus spoliatrice et exploiteuse ?
Chinua Achebe montre un peu tout cela, en filigrane. L'essentiel du roman est la description de la vie au village d'Umuofia, les histoires qu'on se raconte, les relations entre les villages, jusqu'à l'arrivée de ces européens. Ces européens qui ne font pas partie de la fraternité humaine, non, car ils sont manipulateurs, dominateurs, deviennent vite des ennemis, mais un ennemi si puissant qu'on ne peut rien contre lui, ni le raisonner, ni le chasser.
[C'est précisément le cauchemar décrit par tant d'auteurs de science-fiction : la rencontre avec une civilisation venue d'ailleurs, technologiquement surpuissante, mais qui ne vient pas pour être amis, non, ils ne sont pas là pour boire un coup et manger quelques amuse-gueules, pour causer, jouer ou écouter de la musique, chanter et rire, non pas du tout.]
Ceux qui viendront auront de plus en plus des rêves de fortune (même si certains des premiers arrivant « blancs » étaient parfois de gentils explorateurs inoffensifs, hommes de science ou curés bienveillants), et ils viendront pour dominer, asservir, piller, et tuer ceux qui résistent.
Le cauchemar des romans et des films d'anticipation n'a pas été une fiction pour des millions d'êtres humains, ce fut le quotidien de la colonisation, et c'est peut-être la raison du succès mondial de ce roman d'Achebe.
Cependant, à mon avis, ce n'est pas le meilleur que j'ai lu sur ce thème, et j'ai trouvé quelques défauts au roman. Par exemple, à partir de l'arrivée des européens, Achebe dit des choses, là où je préférerais qu'il les montre. (Par exemple, il dit que les blancs ont amené avec eux un gouvernement, mais cela reste abstrait, il ne montre pas concrètement ce qu'est ce gouvernement). Alors que la vie des africains était montrée de manière très concrète dans la première partie, soudain tout cela devient très vague à partir du moment où les européens sont là. Et les considérations sur ces colons sont vagues, générales, il n'y a rien de concret, ou si peu. Ce livre est présenté comme un chef-d'oeuvre, d'où peut-être ma légère déception sur la fin.
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Ils sont rares les livres qui redonnent vie et dignité à tout un monde révolu.

C'est avec beaucoup d'émotion que j'ai reçu cette formidable ouverture sur une culture disparue, méprisée, une culture jusqu'alors sans voix, celle des Ibos dans le Nigeria pré-colonial. Oui, l'Afrique est bien entrée dans L Histoire, à sa façon.

Les trois quarts des pages décrivent la société du peuple Ibo, bien organisée, ultra hiérarchique et autarcique, construite à son image, singulière, autour de cultes, de tabous, de rituels, de luttes et de danses traditionnelles, de la culture de l'igname, de titres d'honneurs et d'une forêt maudite où on enterre vivant les nouveaux-nés jumeaux. Une société où la puissance se mesure au nombre de femmes, de tubercules d'igname et à l'ardeur au travail.

Le regard est complètement «  déseuropéocentrée » et ça fait un bien fou ! D'autant plus appréciable que jamais l'auteur ne verse dans la nostalgie d'une Afrique exotique primitive perçue comme idéale. Cette société ibo n'est pas idéalisée, on sent toute sa violence, sa cruauté et sa rigidité à travers le personnage principal d'Okonkwo, notable dont on suit le destin jusqu'au choc culturel provoqué par l'arrivée des Britanniques à la fin du XIXème siècle sous le règne de Victoria.

Le dernier quart du livre décrit très finement le bouleversement des croyances traditionnelles à cause de l'irruption du christianisme. le flux et le reflux de l'Histoire, des civilisations rend humble.

On pourrait très bien lire ce roman de loin, comme un essai ethnologique, sans vibrer, mais sa portée est intensément universelle grâce à des personnages complètement incarnés et évoluant dans une tragédie au final très contemporaine. On y croise un héros certes peu aimable car enfermé dans sa dureté, mais surtout hanté par la déchéance de son père, obsédé par le fait d'apporter à ses enfants une situation sociale, adorant une de ses filles qu'il juge plus «  virile » que son fils ainé trop faible.

Remarquable et rare.
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Dépaysant. Factuel. Dérangeant.

Je viens de refermer le livre de Chinua Achebe, dégusté à petites goulées comme un vin de palme un peu fort. J'en ai encore la tête qui tourne.

Lentement, je me suis imprégnée de la vie d'un clan nigérian, régie par des règles et des traditions tout à fait étrangères à notre mode de vie et de pensée, et évoquées avec une grande clarté, un souci de la réalité quotidienne, un détachement objectif qui, curieusement, leur confère une étrangeté plus grande encore.

Okonkwo, le chef de clan, le héros – ou plutôt le « sujet »- de ce livre, est un homme dur et intransigeant, brutal avec ses femmes, sévère avec ses enfants, et vétilleux sur l'observation des règles et des codes d'honneur auxquels doit se plier, s'il veut rester respecté , un homme « titré « comme lui de trois bracelets à la cheville.

Il lutte contre toute faiblesse : celle de la tolérance envers un père jouisseur et bon à rien auquel il ne veut en aucun cas ressembler, celle de la tendresse pour un enfant pris en otage à une autre tribu, auquel il s'est attaché comme à un fils et qu'il lui faudra exécuter, celle de la préférence pour une de ses filles, fragile et forte à la fois, qui lui ressemble et qui est le fils qu'il aurait voulu avoir, celle, enfin, de la clémence envers ces missionnaires blancs, venus implanter leur église au sein de leur village, et qu'il soupçonne d'être les signes avant-coureurs d'une sujétion et d'un anéantissement de tout ce à quoi il croit et obéit.

Ce n'est pas un homme sympathique. J'allais dire : il n'est pas là pour ça.

Jamais Achebe ne tire sur la corde sensible, ni même sur celle du récit romanesque qui nous permettrait une quelconque identification. Tout au plus quelques figures moins entières, plus humanistes s'attachent à nous quelque temps comme les grattons des fleurs de coton à une étoffe : des vieux qui ne craignent plus rien et voient la mort venir avec sagesse, des jeunes hommes en plein désarroi et surtout de belles figures de femmes- la première épouse d'Okonkwo, qui a perdu tous ses enfants sauf une, et cette enfant rescapée, justement, sa fille, Ezinma.

Okonkwo, lui, est là comme un jalon rigide - terrible et pathétique, sur la route inexorable du basculement, de l'effondrement total d'un monde.

Celui du monde tribal, avec ses rites, ses dieux, sa magie, ses superstitions, ses codes, sa cruauté parfois, face à la prise de pouvoir insidieuse, d'abord, et faussement joviale d'un Dieu qui accueille les jumeaux au lieu de les exposer aux bêtes sauvages, qui ouvre ses bras aux exclus , les « osus », et les traite humainement, bref qui sape allègrement, au nom de l'humanisme, tout ce qui faisait le tissu social millénaire de la vie tribale…pour laisser la place, bientôt, à des missionnaires moins tolérants, à une administration britannique autoritaire avec ses lois, ses codes, ses prisons, ses châtiments, ses exécutions…

A tout l'appareil colonisateur, sorte de machine à broyer l'Autre. Tous les autres. Ceux qui ne nous ressemblent pas.

Sans argumenter, sans plaider, sans trancher, simplement en laissant, pour une fois, le lion parler de la chasse et non le chasseur, Achebe nous fait toucher du doigt le saccage de la colonisation.

Même si nous trouvons les rites barbares, les superstitions ineptes, le machisme et le patriarcat insupportables, la longue et patiente première partie nous fait sentir et comprendre que ce monde tribal avait tout en lui pour évoluer à sa mode, sans fracas, et pour corriger lui-même ce qui nous paraît, en lui, injuste ou cruel.

Et que provoquer son effondrement en lui imposant des lois et des règles qu'il ne comprend pas, en lui prenant ses terres, en bafouant ses croyances et en ridiculisant ses dignitaires, ce n'est pas civiliser, c'est ajouter la violence à la violence, ce n'est pas éduquer, c'est vouer un peuple à se perdre en perdant ce qui fait le sel de sa vie : sa culture.

Un très beau livre. Qui n'a pas fini de m'interroger et de me faire réfléchir..
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J'ai eu envie de lire ce roman (presque un témoignage) après avoir découvert le commentaire enthousiaste de MaggyM.
J'aimerais trouver les mots pour vous entraîner vers ce livre à cheval entre le roman et le témoignage, Nous sommes en Afrique, au Nigeria. Avant que tout ne s'effondre, c'est-à-dire avant l'arrivée des Blancs colonisateurs et missionnaires. L'auteur va raconter la vie d'un clan, ses rites, sa culture, ses codes, la vie quotidienne (repas, relations avec les autres clans...), ses fêtes religieuses. C'est passionnant de découvrir comment était l'Afrique qu'on qualifiait de "primitive".... Cette partie représente les 2/3 du livre. Je me suis attachée aux personnages, j'ai aimé découvrir et apprendre les rites pratiqués...
.
Et puis arrivent les colons, mais pire encore les missionnaires, avec leur nouvelle religion qui affronte les anciens rites. Tout s'effondre alors. En moins d'1/3 du livre, le clan, ses rites, ses habitudes, est détruit. C'en est impressionnant, triste, décourageant. Je ne m'attendais pas à une telle rapidité. Les dernières pages sont bouleversantes : on voit vraiment un monde disparaître sous nos yeux. Au nom de la "civilisation" !
Un roman exceptionnel. Je remercie MaggyM qui m'a permis de le découvrir . Je m'empresse de le conseiller autour de moi !
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" Tout s 'effondre"est un roman de l 'écrivain nigérian ,Chinua Achebe .Ecrit en Anglais , il est traduit au français par Pierre Girard .Il fut publié en 1958 .Son auteur jouit de l 'estime de ses pairs et des intellectuels africains .Nelson Mandela disait de lui :"Un auteur en compagnie duquel les murs de prison s 'écrouleraient ".Ce roman est une méditation sur la décomposition du monde Ibo au contact des institutions occidentales .
Ce roman retrace le destin d 'Okonkwa ,un notable de son clan .Okonkwa a trois épouses et neuf enfants .Il est courageux et fier .L 'auteur évoque le choc culturel qu 'a représenté pour les autochtones l 'arrivée des Britaniques à Igbos ,à la fin du XIXe Siècle et la colonisation du Nigéria par
les Britaniques .Avant l 'arrivée de ces derniers , les autochtones vivaient
paisiblement et en harmonie avec tout ce qui les entoure .Ils vivaient dans la
forêt équatoriale dans un monde à leur image , fait d 'une multitude de dieux ,de cultes des ancètres , de rites et de tabous .L 'arrivée des Européens et de leur religion , le christianisme ,bouleverseront les croyances traditionnelles :"Tout s 'effondre", le titre évoque bien cette rupture avec le passé , vécue comme un seisme .Malgré le reproche que fait
l 'auteur à cette intrusion étrangère , il n idéalise pas le passé .Chinua Achebe est ulcéré , touché par le sacrifice humain de son meilleur ami . le fils d 'Okonkwa rompt avec les pratiques de son village ,ouvrant ainsi une brèche dans l 'unité du clan .
Cette lecture m 'a permis de découvrir un grand auteur : Chinua Achebe .





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