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Critique de le_Bison


L'horloge affiche ses vingt-deux heures quand je me lève de mon fauteuil en cuir noir. Une envie de me servir un whisky. Si je me serais trouvé dans un film j'aurais allumé en plus une cigarette et me serait posté nu devant la fenêtre à regarder la nuit étoilée, les néons qui clignotent, les passants qui passent furtivement ou s'embrassent dans la pénombre du porche, et les volutes de fumées qui s'enveloppe en dessinant des rosaces autour de moi. Mais voilà, je ne suis pas acteur de cinéma, laisse de côté la cigarette, et me sers juste un whisky, nu quand même, avant de retourner m'installer dans mon fauteuil et ouvre les premières pages de ce vieil Olivier Adam que j'avais presque oublié sur une étagère, les pages jaunies par le temps. Une histoire de boxe et de solitude, une virée poignante dans la pénombre d'un paumé.

Le jour, Antoine travaille pour les pompes funèbres, creuse des tombes, regarde des familles pleurer, descend six pieds sous terre des cercueils. le soir, il boxe, il boit. Pour oublier sa peine, pour effacer le temps, pour ne pas se projeter dans un avenir qu'il ne voit pas. Je l'imagine avec son air de chien battu, ses envies de chialer, ses peurs qui l'enferment dans cette profonde solitude. Je me sens bien, seul dans le noir, jusqu'au jour où je ne pourrais plus en sortir. le père d'Antoine vient de décéder, sa soeur Claire, très proche jusqu'à présent, qui s'éloigne, la belle Su, une fille sublime qu'il a croisé un soir mais qu'il ne saura pas aimé, Chef son entraîneur avec toujours le même survêtement qui met les voiles dans le sud…

Je me sers un second whisky, me lève lourdement pour me poster derrière la fenêtre. La lune éclaire le pavé, une paire de jambes bas résilles et mini-jupe passe sous son halo. L'odeur de tabac qui me prend lorsque le whisky coule dans ma gorge. A la radio, un disque de Bashung passe, un coup de latte, un baiser, j'passe pour une caravane. Je reste quelques instants à la fenêtre. Mes pensées se bousculent comme celle du pauvre Antoine. Je me replonge dans ma lecture, seconde partie du roman qui s'enchaîne alors que la radio enchaîne son spleen musical avec un titre de Murat.

Fidèle à son habitude, Olivier Adam broie du noir. J'aime toujours autant, le noir. Paint in Black ou Back in Black. Cette nuit est sombre, le sommeil me fuit. Alors, je poursuis la vie d'Antoine dont je ne sais rien de son passé. Je sais juste les coups qu'il se prend sur le ring et dans la vie. Je bois un verre avec lui, à la table voisine dans ce bar de quartier où, à cette heure-ci, ne traînent qu'alcooliques ou solitaires. Dans quelle catégorie je me retrouve ? Je n'ose réfléchir à la question, l'heure de la psychanalyse viendra surement avec mon réveil mais pour le moment j'ai un roman à finir.

Une musique de Christophe se fond dans le noir, j'éteins la radio. Les camions poubelles font grincer leurs mécaniques trop mal huilées, jusqu'à en réveiller les mouettes et les corbeaux. Dehors, une pluie fine s'abat, les derniers solitaires rentrent en titubant, les putes aux pieds gonflés et aux cernes fatiguées retournent chez elles. le jour se lève, la ville s'éveille et la bouteille de whisky est finie, le roman aussi. J'ai partagé une nuit avec Antoine, il m'a bousculé un peu dans les cordes, un peu en dehors du ring. Et si je descendais sur la côte…

« Poids léger », un coup de latte, un baiser.
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