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EAN : 9782070136049
512 pages
Gallimard (07/03/2013)
3.89/5   9 notes
Résumé :
Il n'est pas facile d'entretenir une relation adultérine quand on est fonctionnaire au sein d'une institution culturelle sous le règne de Ceausescu, dans la Roumanie des années soixante-dix. La politique s'infiltre partout, que ce soit dans les bureaux et les couloirs de l'édifice où travaillent Letitia Arcan et Sorin Olaru, à l'ombre de la statue de Lénine, ou dans l'appartement miteux que leur prête un ami en banlieue pour leurs ébats. Sorin cherche l'amour et Let... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Il s'agit du deuxième volume de la trilogie dans laquelle le personnage principal est Letitia Branea ou plutôt maintenant Letitia Arcan, car elle a épousé Petru. Mais leur mariage ne se porte pas bien et Letitia a une liaison au long cours avec Sorin Olaru, l'un de ses collègues. Compliquée à gérer, Sorin emprunte l'appartement d'un ami, il faut dissimuler, mentir, ne rien laisser voir. En arrière plan, de plus en plus présent au fur et à mesure du l'avancement du roman, la situation politique et sociale de la Roumanie de l'ère Ceaușescu. Décrite non par les événements fixés dans l'histoire, sinon incidemment, mais par la manière dont les gens vivent leurs conséquences. La quasi interdiction du divorce par exemple, pour les fonctionnaires, les gens qui ont quelque chose à perdre à être mal vu, qui fait que Letitia ne peut se permettre de quitter Petru pour tenter de vivre une vraie histoire avec Sorin. Les personnages principaux appartiennent à une sorte de classe moyenne instruite, qui a des ambitions, qui se sent un potentiel, qui n'est pas la plus à plaindre sur le plan matériel, même si la dégradation de la situation la touche progressivement. le durcissement du régime entame peu à peu les marges qu'elle s'est octroyées, mais il y a la peur de tomber encore plus bas. D'autant plus que le pire est possible : au-delà d'un réel sombre, il y a un passé proche encore plus terrifiant. Qui resurgit petit à petit. Car le père adoptif de Sorin a côtoyé les frères Branea, les oncles de Letitia qu'elle même n'a pas connu, et dont elle ne sait presque rien. L'histoire de la famille, et au-delà celle de la Roumanie va refaire surface, par-à-coups, par petites touches, jamais complètement clairement, car on ignore des choses, ou on préfère ne pas savoir.

J'ai eu un plus de mal à entrer dans ce deuxième tome, l'histoire de l'adultère de Letitia m'a paru un peu longue, et pas forcément très intéressante. J'ai eu aussi un peu de mal à suivre un certain nombre d'événements liés à l'histoire roumaine. Mais après un tiers du roman j'ai de nouveau été happée. Gabriela Adameşteanu maîtrise à la perfection l'art de bâtir une structure romanesque, et tout commence à un moment à prendre forme, à faire sens. Les liens entre le passé et le présent apparaissent, les fils se nouent. C'est un tableau très sombre, certes, mais très juste, des relations humaines viciées par le contexte dans lequel évoluent les personnages, celui de mensonge, de la délation, un contexte qui pousse en haut ceux qui sont sans scrupules, sans morale, prêts à tout. Letitia, l'éternelle candide, dépourvue d'ambition, laisse glisser tout sur elle, ne s'aperçoit pas de grand-chose, dans une forme d'innocence assumée. Nous avons le sentiment de savoir avant elle, y compris ce qui la touche au plus près. Car petit à petit l'horreur quotidienne se révèle, ainsi que les êtres, comme Sorin, dont l'image finale est bien pitoyable, entre médiocrité et opportunisme, le tout dissimulé derrière une façade lisse et rassurante de bonnes manières et de délicatesse apparentes.

Gabriela Adameşteanu dresse un tableau saisissant de la violence des rapports sociaux, dans un univers qui l'exacerbe certes, mais qui est présente partout et de tout temps. Lorsqu'elle décrit les licenciements massifs, ceux qui sont appelés et repartent avec leur enveloppe de renvoi, en larmes, alors que les autres observent et malgré tout se réjouissent de ne pas être parmi les exclus, voire qui jubilent, je n'ai pas pu m'empêcher de faire le lien avec d'autres situations de même type, ailleurs, dans d'autres temps. Et on peut se demander comment on réagirait, comment on ferait face dans la même situation. le roman est très subtil, n'assène pas, mais pose la question des valeurs, de choix que l'on fait, parfois en refusant justement de choisir, des compromis plus ou moins bancals que l'on construit pour survivre, pour garder une image acceptable de nous-mêmes.

J'ai très envie de découvrir la suite.
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Situation provisoire c'est une vie qui s'écoule entre les draps froissés d'une garçonnière et les commérages de bureaux pour Létitia. Mariée au bourru Petru pour lequel elle n'éprouve que des sentiments de lassitude et de culpabilité mêlées, elle guette chacun des gestes, chacun des regards conspirateurs de son collègue Sorin pour des rendez-vous clandestins.

Cet amour au goût d'interdit pourrait être frivole, distractif, une parenthèse de joie et de liberté. Mais sous la Roumanie qui n'en finit pas avec le communisme stalinien, la romancière dessine une relation désenchantée, baignée par un sentiment de tristesse et d'amertume lancinantes pour Sorin et Lety qui appartiennent à cette génération d'après-guerre coincée entre deux temps, deux mouvements, deux révolutions.
Ils naviguent dans un monde « où les modèles sont des idoles déchues », ils ont été éduqués par le Régime, « c'est lui qui [leur] a serré la cravate de pionnier autour du cou, lui qui [leur] a mis en main le carnet de l'Union des Jeunesses communistes ». Ils ont appris à ne dire à personne ce qu'ils entendaient à la maison, surtout les histoires de famille qui ont tremblé toute leur vie. L'auteure prend bien le temps de dérouler l'histoire de ces familles bourgeoises inévitablement traversée par l'histoire politique du pays, sous l'oeil inquisiteur de Moscou puis de la Securitate.
Ici et nulle part ailleurs, ce sont des histoires de famille qui sédimentent et laissent une empreinte indélébile sur les dossiers personnels et les histoires d'amour … de sorte que, même si Létitia préfère se laisser porter par ses rêves littéraires, elle garde en elle des réflexes de méfiance marxiste et une mémoire saturée de vieilles histoires qui la conduisent à porter un regard distant et écoeuré.

C'est donc un récit dense qui laisse peu de place aux moments de légèreté et d'allégresse. On assiste à une progression lente vers quelque chose qui mène à un sentiment d'impuissance des personnages, écrasés par les fantômes du passé et par le poids de leur résignation face à un futur voilé. Gabriela Adamasteanu ne cesse de rappeler que l'État policier est partout, il voit tout, entend tout et sait tout ; et ce qu'il ne sait pas, il l'invente. de fait, il épuise toute résistance et toute patience, broie les individus comme les intentions nobles.
Ce sentiment d'impuissance est d'autant plus fort qu'il est au coeur d'une relation entre des personnages indécis et timides qui ont choisi une vie hasardeuse, faite d'improvisation et d'heures volées au quotidien. Dés lors, rongée par le doute et une insatisfaction croissants, la voix intime de Létitia est parfois étouffante pour le lecteur. On se désespère parfois de ses envies avortées, de son aveuglement, des crises d'angoisse permanente, de son mutisme et de son immobilisme … et si c'était finalement une évolution des sentiments qui dépasse la question de l'emprise politique ?
Roman magnifique et exigeant.
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Gabriela Adamesteanu est un grand écrivain qui s'est hissée à la place qu'elle occupe aujourd'hui au prix de beaucoup de luttes et de ténacité. Son livre est empreint de toute cette frustration, de cette peur au quotidien, qui paralysent et contre lesquelles il est difficile de lutter. Letitia Arcan et Sorin Olaru, ses héros sont traqués, épiés par cet oeil multiforme qu' était la Securitate où même s'aimer était interdit. L'écriture est belle, âpre et exigeante et la lecture en est passionnante de bout en bout. Ceux d'entre vous qui ont vu le film de Cristian Mungiu: 4 mois, 3 semaines, 2 jours palme d'or en 2007 et qui l'ont aimé comprendront ce qui les attend: une impression d'étau qui se resserre inexorablement. Il serait dommage de passer à côté d'un tel roman.
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Un très bon livre, presque un "grand" livre... Ceci dit, la littérature du ou issue du rideau de fer est fréquemment d'une incroyable profondeur.
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critiques presse (2)
Actualitte
07 octobre 2014
Gabriela Adameşteanu maîtrise parfaitement cette capillarité du récit qui fait que les personnages – nombreux – ne soient jamais nets : des branches occultées (ou tenues en réserve par le régime oppressif) de leur arbre généalogique peuvent à tout instant refaire surface. Le tissu tendu à outrance des relations peut se déchirer à tout moment.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Lexpress
22 avril 2013
La grande Gabriela Adamesteanu fut le porte-drapeau de la dissidence roumaine. Avec Situation provisoire, elle signe un récit terrible sur le viol de la vie privée en régime totalitaire.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Notre amour, promené de lits étrangers en lits étrangers, à l’abri des silences et des mensonges, tracassé par les soupçons réciproques et les désirs constamment ajournés, par l’habitude et le ressentiment, sous les yeux de ces femmes et de ces hommes qui nous épient. Nous parlons toujours en chuchotant, l’oreille collée à la porte, nous nous comprenons en échangeant des regards étrangers, ironiques, en cachette ! Combien de temps résisterons-nous de la sorte, et où tout cela nous conduira-t-il ?
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Après sa discussion avec Serghei, ce soir-là, Letitia a compris que ce n'est pas l'avenir qui nous réserve le plus de surprises, mais le passé, que nous ne finissons pas de relire pendant toute notre vie.
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Tous les stagiaires ou presque s'ennuient un peu et sortent souvent fumer, à la grande joie de leurs collègues de bureau, qui, enfin, peuvent se mettre à papoter à leur sujet. Le degré de dangerosité présenté par les nouveaux venus croît à mesure qu'ils se font des contacts dans l’Édifice. [...] Mais ils ne seront pas toujours perçus comme dangereux, car les cafés du matin stéréotypés serviront à leur extorquer tout ce qu'ils savent, comme on presse un tube de dentifrice, et le mystère les quittera dans un long goutte-à-goutte. Si l'Institution ne les recrache pas lors de la prochaine réorganisation, ils seront englobés, très progressivement, dans la pâte institutionnelle, et ils ne seront plus visibles que par leurs défauts, figés comme des raisins secs dans une brioche. Ecoeurés par leurs refoulements, leurs réussites, leurs échecs et leurs vices bien inventoriés, les autres ne se référeront plus à eux autrement que par sèches allusions ironiques. (pp. 239-240)
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Elle glisse la clef dans la serrure, tu es là ? crie-t-elle, mais personne ne répond, quelle chance ! Elle se rue à la salle de bains, et quand elle en ressort, sa culotte écrasée dans son poing pour ne pas voir la tache sombre, son visage cerné s'est détendu, qu'est-ce qui lui a pris d'être aussi furieuse ? Elle est humiliée par l'idée que ses états d'âme sont dirigés par des réactions chimiques, mais elle savoure la douleur salvatrice qui lui presse le bas-ventre et le dos. Elle rassemble ses forces pour allumer le gaz dans la salle de bains, et quand elle sortira de la baignoire, elle s'enroulera d'un peignoir mou, elle remplira sa culotte propre d'un grand morceau de ouate et elle ira s'étendre et apprécier ses gargouillis veloutés. Elle s'en est encore sortie ce mois-ci !... (p. 375)
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Il avait recours à quelques jongleries pour accroitre l'élasticité du système bureaucratique, mais il prenait soin de rester irréprochable. Les fils administratifs s'accumulaient dans sa main et si quelqu'un s'en était mêlé il aurait pu déclencher une catastrophe. L'impression générale qu'il donnait était d'être devenu irremplaçable. [...] Les jours de popularité de Sorin Olaru continuaient : dans l'histoire de chaque institution il existe un moment où quelqu'un acquiert un éclat maximal, impérial.
C'est néanmoins à ce moment-là, et sans qu'il comprenne pourquoi, que la chute commence. Dès lors, Sorin se sentit glisser, et glisser encore, sans parvenir à s'arrêter. (pp. 328-329)
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Vidéo de Gabriela Adamesteanu
Gabriela Adameșteanu / LIFE ANEW. Writers Imagine the World after the Pandemic Romanian Cultural Institute New York Sous-titres en Anglais
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