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Pierre Clinquart (Traducteur)Mélanie Amaral (Illustrateur)
EAN : 9791090724273
544 pages
Monsieur Toussaint Louverture (15/09/2016)
4.22/5   1162 notes
Résumé :
C’est dans les fourrés de collines verdoyantes et idylliques que se terrent parfois les plus terrifiantes menaces. C’est là aussi que va se dérouler cette vibrante odyssée de courage, de loyauté et de survie.

Menés par le valeureux Hazel et le surprenant Fyveer, une poignée de braves choisit de fuir l’inéluctable destruction de leur foyer. Prémonitions, malices et légendes vont guider ces héros face aux mille ennemis qui les guettent, et leur permettr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (284) Voir plus Ajouter une critique
4,22

sur 1162 notes
« Rien ne rend plus humble que d'arriver dans un endroit merveilleux et inconnu ». Je ressens en effet beaucoup d'humilité à la lecture de ce livre merveilleux et féérique.

Vous êtes-vous déjà demandé…Ce serait quoi une vie à hauteur de trèfles ? Des élans poétiques joliment bucoliques me viennent après m'être transformée littéralement en lapin quelques jours durant…j'ai vu la vie en rose, en vert, un peu en noir durant cette parenthèse enchantée.

La vie à hauteur de trèfles, ce serait une vie où la fleur dentelée, avec ses ombres et ses vides, sculpterait la lumière, faisant éblouir l'intime, niché dans ses interstices…Une vie où le parfum orange de la rose juste après l'orage, ce parfum terreux de rosée sur les pétales poudrés, de pourpre bleuté, serait d'une telle beauté, d'une telle intensité…Une vie où des bulles irisées éclatant à la surface des feuilles seraient paroles d'escargot…Une vie à observer le périple automnal dans son éternel recommencement, la migration du vert tendre pour le noir de l'humus…Une vie où le tapotement des gouttes de pluie sur le cuir des feuilles mortes se ferait air envoutant presque chamanique aux senteurs de tourbe et d'orge … Une vie à s'enivrer aux effluves de valériane à fleurs roses et d'orchis pourpres.

« Dérangés par les lapins qui broutaient, deux coléoptères orange et brun, accouplés sur la tige d'une graminée, s'envolèrent et disparurent, encore accrochés l'un à l'autre ».

Vous êtes-vous déjà demandé à quoi ressemble un terrier, de l'intérieur, ses cavités, son dédale de tunnels, son plafond fait d'un subtil entrelacement de racines des différents arbres proches, ses différentes chambres dans lesquelles se blottir ? D'un doux vert gris, comme la menthe sauvage au duvet laineux, ces milles et un frissons ressentis au contact des doux poils de mes congénères blottie contre eux, en boule…

Ce livre champêtre est magique. Car si on le démarre avec des yeux d'humains, cherchant dans cette épopée des références connues telles que l'exode biblique ou l'odyssée d'Homère, ou si on retrouve avec trouble des événements de l'actualité comme ceux relatifs à l'émigration, petit à petit il vous embarque tellement dans sa poésie que vous arrêtez de réfléchir et d'intellectualiser pour suivre cette histoire avec vos yeux rouges de lapins, votre touffe de poil au sommet du crâne, vos longues oreilles tombantes, allant farfaler dès l'aube dans l'herbe grasse jusqu'à krik-zé tout en se méfiant du vilou, faire raka, écouter le soir avec émerveillement les contes de l'héroïque et malin Shraavilshâ enracinant votre identité.
Pourtant, je vous assure je l'ai démarré avec beaucoup de scepticisme. Une histoire de lapins, qui plus est de plus de 500 pages, avec un auteur qui veut se la jouer original en développant un vocabulaire lapinesque ? Ah, ah, je me réjouissais déjà de pouvoir mettre une mauvaise note à un livre, une fois n'est pas coutume, être à contre-courant de tous mes ami.e.s Babeliotes qui ont toutes et tous été sous son charme, n'est pas Contrevent pour rien moi…vous parlez, je l'ai adoré, vraiment adoré…je l'ai croqué comme on croquerait une carotte, avec mes grosses dents de devant, goulument, frappant frénétiquement du pied de joie, faisant rebondir mon arrière-train voluptueux…Les éditions de Monsieur Toussaint Louverture nous offrent vraiment des livres différents et savoureux. La traduction est impeccable, le livre est un petit bijou.
J'ai eu de plus la chance de faire cette lecture en duo avec Anne-Sophie (@Dannso), nos avis respectifs ont très vite convergé. Toutes deux avons été étonnées par la façon dont se livre est parvenu si rapidement à nous happer.

L'histoire dans tout ça ? Deux frères lapins, Hazel et Fyveer, réussissent à persuader d'autres congénères de les suivre, de fuir leur garenne située en pleine campagne anglaise suite aux prémonitions très inquiétantes de Fyveer. Ce dernier, petit lapin frêle, a en effet un don de clairvoyance. Démarre alors une véritable Odyssée pour trouver un endroit où démarrer une nouvelle vie, cet endroit idyllique se trouvera être sur le mont de Watership Down, dans le Hampshire, coteau à l'herbe grasse. Puis il leur faudra trouver des hases, des femelles, pour le peupler et assurer leur descendance. Ce livre est ponctué d'ingrédients qui le rendent incroyable et étonnant : du suspense, des rebondissements, des personnages bien campés auxquels on s'attache avec chacun leur petit nom, leur caractère, de multiples émotions, et, vous l'aurez compris, beaucoup de poésie. Oui on s'attache à ces lapins, à la force et au courage de Bigwig, à l'intuition de Fyveer, à l'astuce de Rubus, à l'autorité naturelle de Hazel, au talent de conteur de Dandelion (Onee, moi aussi Bigwig, celui que tu appelles Manitou, a ma préférence).
Quant à la poésie, c'est une poésie champêtre, sylvestre, odorante et colorée.

« Les lapins se réfugiaient sous des abris d'un vert profond, parsemés de soleil, où fleurissaient la marjolaine et le cerfeuil sauvage. Parfois, ils risquaient un oeil derrière les touffes éparses de vipérines aux tiges velues, dont les fleurs bleues et rouges se dressaient au-dessus de leur tête, ou se frayaient un passage entre les immenses molènes dorées. A d'autres moments, ils détalaient à travers des prairies bigarrées comme une tapisserie de centaurées roses, de tormentilles jaunes et de brunelles pourpres».

Il est intéressant d'un point de vue sociétale également car il montre comment un groupe se constitue, tente de survivre, les rôles qui incombent à chacun petit à petit à l'intérieur du groupe, son organisation, ses succès mais également ses échecs. Ce qui fonde l'unicité, la singularité et les liens d'un groupe. C'est également une dénonciation virulente des régimes totalitaires, une dénonciation de l'intérieur, ainsi qu'une fable écologique originale.

Watership Down c'est donc une histoire de lapins, certes, mais c'est surtout mille autres choses…Venez sur Watership Down dès l'aube, vous allez vivre une expérience poétique et une aventure peu banale, enveloppés par l'âme des lapins venus avant vous, celles de Onee-Shâ, Sandri-shâ, Berni-shâ, Domm-shâ, Sylvie-shâ, Dannso-shâ, ilesauxtresors-shâ, diablotinO-shâ, Myriam-Shâ et de tant d'autres…

Farfale de douceur
Avant le jour blanc acier
L'aube bleue et verte –
Une infusion douce-amère
De mélisse et de lavande
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Une histoire de lapins, bof, me direz-vous… Et bien non, ce roman est super ! Il ne faut vraiment pas se fier aux apparences.
Passés les premiers à priori et les premiers chapitres d'adaptation, ce n'est que du bonheur ! Je me suis surprise de nombreuses fois à reprendre ma lecture dès que j'avais un petit instant de tranquillité. C'est pour vous dire la qualité du récit.

*
Lire ce roman, c'est, grâce aux descriptions méticuleuses de l'auteur, s'immerger totalement dans le décor champêtre de Watership Down, ces bois, ces bosquets, ces champs, ces rivières qui serpentent, ces collines verdoyantes, et cette garenne.

Lire ce roman, c'est passer un très agréable moment en compagnie de cette petite troupe de lapins.

Lire ce roman, c'est savourer le style et l'écriture de Richard Adams, pleine d'humour.

Lire ce roman, c'est ressentir toute une palette d'émotions.

Lire ce roman, c'est peut-être aussi retrouver son âme d'enfant, le côté enfantin marqué par ces animaux qui parlent. Mais il ne faut pas se fier aux apparences, cette histoire n'est pas pour les enfants, elle est beaucoup plus profonde et sérieuse qu'il n'y paraît à première vue.
Pour ceux qui veulent lire un récit d'aventures sans temps mort, ils seront comblés. Mais pour ceux qui recherchent autre chose, « Watership Down » est une belle fable écologique avec des réflexions sur les thèmes autour de l'exil, la survie, la rébellion, la liberté, la solidarité, l'amitié, l'héroïsme, la préservation de la nature et de notre environnement et une critique des régimes totalitaires.

*
C'est l'histoire d'Hazel, un jeune lapin qui décide de suivre les prémonitions de Fyveer, son freluquet de frère. Celui-ci prédit la disparition de leur garenne natale. Il constitue un petit groupe de lapins, et ensemble, ils partent à la recherche d'un nouveau territoire où fonder une nouvelle garenne.

*
Il est peut-être difficile de l'admettre, mais, au fil de ma lecture, je me suis attachée à ces petits lapins. Chacun a un petit nom : Hazel, Fyveer, Pipkyn, Rubus, Léondan, Dandelion, Bigwig , Stachys,…
Chacun a son petit caractère : on trouve le meneur, l'aventureux, le débrouillard, l'intuitif, le doux, le peureux, l'astucieux, le teigneux, le lourdaud, le tyran, …

*
Pour la citadine que je suis, on se prend à aimer la campagne.
Le moindre petit bosquet devient un paradis grâce aux descriptions de toute beauté. On s'y croirait. L'air embaume de senteurs de plantes, de thym, de cerfeuil sauvage, de brunelle, de primprenelle, de lupiline, de marjolaine, et autres plantes, aux noms si beaux, aux parfums si suaves et appétissants.

Chaque page est une ode à la beauté de la nature, même si quelques pages nous font frémir. Aux fragrances délicieuses se mêlent parfois des odeurs moins plaisantes, celles de la maladie, de la mort.

Car leur vie n'est pas facile. Ils sont si mignons, à croquer ! Les belettes, les renards, les oiseaux de proie, les chats ou même les rats ne vous diront pas le contraire ! La moindre inattention peut se révéler fatale !
Et puis trouver un coin tranquille et sans danger, ce n'est pas si facile. Les pièges, les traquenards ou les attaques s'enchaînent tout au long de leur périple pour trouver un nouvel havre de paix.

"Le clair de lune n'est jamais acquis. Il est comme la neige d'automne ou la rosée des matins de juillet. Il ne révèle pas : il transforme ce qu'il recouvre."

*
C'est aussi une épopée formidable aux rebondissements multiples où les émotions sont fortes. On se prend à trembler de peur, à grelotter de froid, à compatir face à leurs souffrances, leurs vilaines blessures.

"Comme pour les blessures graves, il faut parfois un certain temps avant de ressentir la douleur provoquée par une grande émotion."

Mais ces jeunes aventuriers sont courageux et audacieux : si le besoin s'en fait sentir, certains n'hésitent pas à aider leurs compagnons, se battre, mordre, griffer, donner des coups de pattes.
Luttant pour leur survie quotidiennement, ils apprennent l'entraide, la solidarité.

*
Mais le tour de force de l'auteur est, sans aucun doute, d'inventer tout un univers passionnant, avec une langue propre aux lapins, comme le vilou, la formbre, les raka, …
L'auteur va encore plus loin avec des expressions lapines, des proverbes, et même une blague, façon carambar.
Ils ont aussi un héros, l'astucieux Shraavilshâ, une sorte d'Ulysse, toujours secondé par son acolyte Primsaut, et même un Dieu, Krik !
Le soir, le conteur Dandelion raconte de beaux récits mythologiques.

*
J'y ai trouvé des références littéraires comme « La communauté de l'anneau » de Tolkien, ou « le vent dans les saules » de Kenneth Grahame.

*
L'histoire est passionnante, simple mais unique en son genre, avec du suspens, de la tension.

"Comme la plupart des créatures qui ont connu l'adversité et affronté le danger, il savait reconnaître et respecter la douleur. Il était habitué à jauger les autres et à estimer de quoi ils étaient capables au premier coup d'oeil. Il comprit que ces hases avaient atteint une limite. L'animal qui n'a plus de raison de vivre finit quelquefois par employer ce qui lui reste d'énergie pour mourir."

Le style de l'auteur, humoristique, avec un brin d'espièglerie, contraste avec les graves dangers auxquels sont exposés ces braves petits lapins. Les épreuves qu'ils traversent les rendent sympathiques et attachants. L'écriture, belle, délicate, puissante, douce, terrible m'a beaucoup plu.
Vous l'aurez bien compris. J'ai adoré !

Les résumés présentent souvent ce roman comme un grand classique de la littérature anglo-saxonne, voire même un chef d'oeuvre. La lecture et son ressenti sont très personnels, mais je comprends le succès de cette extraordinaire histoire. Pour moi, oui c'est un superbe roman, peut-être bien un chef d'oeuvre ! En tous les cas, je vous le recommande très sincèrement. Si vous suivez mon conseil, j'espère que vous passerez un très agréable moment à Watership Down.

*
Enfin, je remercierais la maison d'édition « Monsieur Toussaint Louverture » pour sa traduction de grande qualité et son très beau travail éditorial. Quel plaisir j'ai ressenti tout le long de ma lecture ! Que du bonheur !

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Hey mes lapins, ça vous dit d'aller farfaler dans la garenne ? Allez, suivez-moi quatre à quatre ! Entrer via ce livre incroyable dans Les garennes de Watership Down, édité par le fabuleux Monsieur Toussaint Louverture, c'est s'offrir une merveilleuse purge herbivore durant les fêtes. C'est s'installer dans un bon terrier douillet, comme seules savent en construire les hases, et savourer son hiver au chaud avec une fourrure aux longues oreilles et au nez qui frétille. Je craignais pourtant que ce ne soit purement enfantin ; Je me demandais aussi si ce serait humoristique comme les lapins crétins, ou encore prétexte à un message adulte comme les fables de Lafontaine ou La Ferme Des Animaux de Georges Orwell… Au départ, la tentation fut grande de rechercher le sens caché de ce texte narrant les aventures d'un groupe de lapins : On y voit une caricature de notre hiérarchie sociale dans les villes, on y repère une histoire de laissés pour compte contraints de zoner de villes en villes - ou de garenne en garenne - pour survivre ; On voit même poindre un exode tout ce qu'il y a de plus biblique, avec un lapin prophète ressemblant au professeur Trelawney dans Harry Potter, et des lapins qui apprennent à marcher sur l'eau, ou s'entassent sur des radeaux de fortune pour traverser des ruisseaux - ça vous rappelle des sujets d'actualité ? C'est normal. Comme tous les bons auteurs, Richard Adam enrichit son univers de références qui l'entourent. Mais sa vraie richesse vient de ce qu'il n'en copie aucune totalement, il en fait une oeuvre unique et bien à lui, au croisement de tout cela et bien plus encore.


Rapidement, on arrête de chercher où va ce récit pour se prendre entièrement pour des lapins, nous racontant des trucs bizarres dans les galeries, bondissant dans les champs, pilant et nous dressant en chandelier, attentif au moindre courant d'air qui charrie des infos sur les dangers alentours, reconnaissant nos semblables en bonne santé rien qu'à leur odeur, chapardant des laitues, ou encore dévalant les pentes cul par dessus tête, comme tout bon lapin qui se respecte, à cause du poids de notre arrière-train bien rebondi. En peu de temps, nous devons fuir notre garenne natale, nous inviter dans une autre, la fuir encore, fonder la nôtre, aller voler des hases aux voisins, risquer nos vies auprès des vilous, implorer Krik de nous venir en aide, libérer des clapiers, et bien d'autres aventures réjouissantes et effrayantes comme conquérir des territoires, lutter contre des dictatures, les épidémies, lever des armées et mener des batailles…! Mais toujours dans une philosophie de survie respectueuse. le génie de l'auteur est d'abord de nous immerger avec un réalisme saisissant dans la vie des lapins et leurs attitudes animales, ensuite d'y mêler une mythologie et un langage qu'il leur invente pour enrober l'histoire d'un onirisme pétillant ; enfin de les personnifier pour les rendre attachants (Mon préféré est Manitou, et vous ?). Ajoutez à cela de courtes mais superbes descriptions des collines du Hampshire, et vous ne voudrez plus redevenir humain…


A certains moments la liberté nous étreint ; A d'autres, c'est l'inquiétude d'être en permanence une proie et la certitude que, si les qualités individuelles de chacun servent le groupe, c'est l'entraide qui nous rend plus fort. Et puis d'étranges sensations nous envahissent : « Tiens, tu as remarqué ça toi aussi ? Coucou ne répond jamais à une question commençant par ‘où'. Framboise non-plus. » Alors on se prend à vouloir résoudre les mystères de la vie qui nous entoure, dont nous ne connaissons pas encore toutes les folies : celles des hommes, de nos semblables… de Krik ? « Je sais avec certitude que ces lieux sont hantés par quelque chose de maléfique, d'anormal. » Les moments « conte mystique » de l'histoire m'ont agréablement rappelé mon passage dans La Maison Dans Laquelle : Est-il vraiment en train de se passer des choses étranges (je veux dire plus étrange que d'admettre qu'on est dans la peau de lapins qui parlent) ? Ou tout cela va-t-il se décanter avec une explication rationnelle (rationnelle pour des lapins qui parlent^^) ? Ces petits mystères et aventures, le fait que l'on s'attache aux personnages - pardon, aux lapins - et la curiosité de tout lecteur entrant dans un tel univers inconnu, tout cela soutient notre attention et nous rend addict.


« Un proverbe lapin affirme : ‘Dans la Garenne courent plus d'histoires que de couloirs.' Pas plus qu'un Irlandais ne saurait refuser de se battre, un lapin ne refusera de raconter une histoire. »


Chers amis, installez-vous donc en rond de lapin et laissez Richard Adams, qui a certainement été lapin dans une autre vie, vous conter celle-ci de sa plume ensorceleuse et magique… Mais si d'un coup vous m'entendez taper frénétiquement du pied pour vous avertir d'un danger : Egayez-vous !!
Qu'on veuille y voir ou pas une parabole de l'humanité sur fond d'aventures incroyables, c'est un joyau de 1972 dont vous me direz des nouvelles encore aujourd'hui.

PS : Je viens d'apprendre que Richard Adams, âgé de 96 ans, est décédé la veille de Noël. Je profite de cette coïncidence pour lui rendre hommage, et vous souhaiter à tous de TRÈS JOYEUSES FÊTES DE FIN D'ANNÉE !
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Je vous assure, il n'est pas facile d'évoquer un livre qui parle d'une histoire de lapins. Et encore moins lorsqu'on l'a aimé. Car j'ai aimé Watership Down, écrit par un auteur dont j'ignorais jusqu'au nom - Richard Adams - avant d'avoir effleuré la couverture du livre que mettait en avant sur un présentoir la bibliothèque communale que je fréquente régulièrement. J'ai été aussi encouragé à saisir ce livre lorsque j'ai découvert de quelle maison d'édition il s'agissait : Monsieur Toussaint Louverture. Si vous ne connaissez pas encore cet éditeur, courrez-y vite, gambadez vers lui, traversez champs et prairies pour découvrir son étonnant et merveilleux catalogue.
Lorsque vous arriverez à la fin de cette chronique, vous n'aurez plus aucun doute sur mes choix éclectiques de lecture.
Si j'osais un raccourci, je pourrais dire que Watership Down, c'est un peu l'Art de la Guerre façon Bugs Bunny. Mais bien entendu, timide depuis mon terrier, je n'ose pas vous l'exprimer comme cela...
Au départ l'histoire est toute simple : c'est une prairie avec des lapins. Le temps ressemble au bonheur, à l'éternité, à un champ de verdure et de carottes. A l'entrée de la prairie, un panneau va déclencher une épopée lapine : « Ce domaine idéalement situé - trois hectares d'excellent terrain à bâtir – va être loti par une société immobilière pour y construire des résidences modernes de grand standing ».
À l'initiative de deux frangins lapins, Hazel et Fyver, ceux-ci entraînent toute une communauté à quitter leur garenne menacée par cette destruction imminente, et tant qu'à faire, autant partir, tout quitter pour aller chercher la terre promise. Forcément, quand on va chez les autres, ça coince, ça frotte. C'est bien comme cela que les guerres commencent, n'est-ce pas ? Quand on commence à regarder du côté du voisin, de l'autre côté de la barrière, celle que nous n'avons pas le droit de franchir.
Je vous avoue, cette histoire de lapins m'a un peu dérouté au premier abord. En découvrant les premières pages, je me suis demandé : où suis-je ? où vais-je ? dans quel terrier j'erre ? Mais, après les 541 pages dévorées comme des carottes, je gambadais, alerte, dans la prairie...
Au fond, plus qu'un art de la guerre, je vois aussi dans ce roman foisonnant un art de l'entraide, de la solidarité et aussi de la survie. C'est avant tout un roman d'aventures. D'ailleurs, faut-il y voir autre chose ? À qui appartient l'imaginaire qui sort d'un récit ? À son auteur ou bien au lecteur ? Bien sûr, il ne faut sans doute pas y voir autre chose qu'un roman d'aventures, d'ailleurs l'auteur semble nous l'avoir recommandé à d'autres endroits et nous garder d'y voir tout anthropomorphisme, mais comment ne pas voir dans cette histoire de lapins : nos gestes, nos limites, nos horizons au-delà de nos propres prairies ? Notre façon de parvenir de l'autre côté ou de pas y parvenir ? Ensemble, pas ensemble, l'entraide quoi...
Malgré l'épaisseur du livre, on ne s'ennuie jamais. Le rythme est toujours soutenu, haletant. Parfois, je me suis retrouvé bêtement à attendre, espérer, imaginer, bref me prendre à cette histoire de lapins, à être dedans, parmi eux, dans les garennes, courir presque comme eux dans les herbes sauvages et mouillées. Il y a une forme de suspense puisque l'élan de solidarité nous prend aussi, nous avons envie d'être avec eux, de les aider, mais pour le coup pas en tant qu'être humain, seulement en tant que lapin. Et c'est là que l'imaginaire de Richard Adams opère puisque brusquement la métamorphose se fait et nous sommes bien transformé en lapin au milieu d'une garenne. Ce qui rassure lorsque nous devenons lapin, c'est que nous ne sommes jamais seul. Des amis surviennent de manière inattendue, parfois fragiles, parfois maladroits, mais toujours là et c'est bien là la définition d'un ami. Et puis nous apprenons ici les mots propres aux lapins : Farfaler, c'est aller se promener dans les herbes... Faire raka, je ne vous fais pas un dessin ?
Pour avoir expérimenté différentes métamorphoses durant des lectures animales, il vaut mieux entrer dans la peau d'un lapin que dans celle d'un loup ou d'un renard. Vous serez moins seuls et sans doute plus à l'abri du danger, quoi que...
Dans le roman de Watership Down, il y a des héros (comment retenir Bigwig jusqu'à nous), des anti-héros, des méchants (le général Stachys, sinistre), un héros légendaire (Shraavilshâ), des Dieux (par le grand Krik !), des faux-culs, des traites, des hases aussi, objets de convoitise par la tribu des lapins en fuite, en guerre, en désir aussi. Parfois la guerre se fait pour elles aussi ou bien à cause d'elles... Tiens, la Guerre de Troie n'est guère loin... Elles sont très effacées... Certaines meurent. Elles n'ont pas le beau rôle. On ne leur demande pas leur avis. Richard Adams n'était sans doute pas un grand féministe, doux euphémisme, c'est là le seul reproche qu'on peut lui faire. À moins justement de n'y voir qu'une unique histoire d'aventures et de lapins. Car dès qu'on se met à interpréter cette histoire à l'aune d'une lecture passionnante, forcément le risque est de ramener cela à nos propres vies intimes et collectives... À l'époque où de nombreux migrants fuient leur terre natale pour tenter de trouver un quelconque eldorado au prix de nombreuses vies, nous voyons ici et là des actes de solidarité, des marins pêcheurs dans des barques qui tendent leurs bras pour sauver des enfants qui se noient... Watership Down est cela aussi. Je vous le dis, prenez un temps pour venir farfaler dans la garenne...
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Il était une fois deux frères lapins, Hazel et Fyveer, qui, accompagnés d'une bande de congénères, décident un jour de fuir leur paisible garenne de la campagne anglaise suite aux prémonitions inquiétantes de Fyveer. Débute alors une odyssée captivante dans le double but de trouver à la fois un endroit propice à la construction d'une nouvelle garenne et des hases pour la peupler.

Rebondissements multiples, suspense permanent et addictif, écriture et trame narrative efficaces, personnages attachants ou franchement détestables, émotions, frayeur, réconfort : ce bouquin est une vraie réussite selon moi. Pourtant, j'ai débuté cette épopée un brin dubitative - une histoire de lapins ? Allez, pourquoi pas en période de fêtes de fin d'année.
Puis, progressivement, on se laisse prendre par l'histoire, on tremble avec les héros, on découvre leurs légendes, leur courage, leurs limites aussi. Bref, on tourne les pages pour connaître la suite de leurs aventures, et on finit par vivre dans la peau d'un…lapin. Surprenant !
Il faut dire qu'ils font preuve d'une sacrée humanité ces lapins avec leur langage particulier, leurs réflexions, et même leur héros légendaire Shraavilshâ. Un régal d'imagination !

Je viens de lire que Richard Adams, âgé de 96 ans, est décédé la veille de Noël. Coïncidence peut-être…mais ne dit-on pas que c'est la nuit pendant laquelle les animaux parlent ?
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critiques presse (2)
Elbakin.net
07 décembre 2016
Un livre à lire, alors que quand on y réfléchit, beaucoup s’avèrent superflus…
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
LeJournaldeQuebec
18 octobre 2016
Un truculent roman dépassant le cadre de la littérature jeunesse que certains n’hésitent pas à comparer au Seigneur des anneaux.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Citations et extraits (149) Voir plus Ajouter une citation
Les hommes n'ont pas conscience que le jour n'est pas celui qui chasse la nuit. Pour eux, même lorsqu'elle est voilée de nuages, la présence du soleil est l'état naturel de la terre et du ciel. Quand ils pensent aux collines, ils ne les imaginent pas dans l'obscurité, de même qu'ils ne se représentent jamais un lapin sans fourrure. Ils oublient le squelette sous la chair, ils oublient le clair de lune et prennent le jour pour acquis, alors que celui-ci ne fait pas partie des collines. Le clair de lune est inconstant, il décroît puis croît à nouveau. Les nuages peuvent l'obscurcir bien plus qu'ils n'obscurcissent le soleil. On ne peut vivre sans eau, mais on peut se passer de cascades. Elles sont jolies, elles sont un luxe. On a besoin du jour, il est donc utile, mais pas du clair de lune. Quand il descend, il ne satisfait aucun besoin. Il transforme. Il se pose dans les vallons et sur les prairies, et distingue la longue tige de la voisine ; d'un seul monceau de feuilles couvertes de givre, il fait une myriade d'éclats étincelants ; il file son trait tremblant le long des branches humides comme si la lumière elle-même était malléable.
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Le coucher de soleil de ce mois de mai empourprait les nuages ; il restait une demi-heure avant le crépuscule. La pente sèche était constellée de lapins. Les uns broutaient l’herbe rare autour de leurs terriers, d’autres s’aventuraient un peu plus bas, en quête de pissenlits, ou à la recherche d’un coucou oublié ; çà et là, assis bien droit sur une fourmilière, un guetteur surveillait les alentours, les oreilles dressées et le nez au vent. Mais un merle sifflait tranquillement à l’orée du bois : rien à craindre de ce côté-là. À l’opposé, le long du ruisseau, tout était clair, désert, silencieux. La paix régnait sur la garenne.
Au sommet du talus, non loin du merisier où le merle chantait, plusieurs terriers étaient presque entièrement cachés sous les ronces. À l’entrée de l’un d’eux, dans la pénombre verte, deux lapins étaient assis côte à côte. Au bout d’un moment, le plus gros quitta son poste, longea discrètement le talus à l’abri des ronces, descendit dans le fossé et sortit dans la prairie. Quelques instants plus tard, le second vint l’y rejoindre.
Le premier s’arrêta dans un rayon de soleil et se gratta l’oreille énergiquement avec sa patte de derrière. Bien qu’il fût dans sa première année et n’eût pas encore atteint son plein développement, il n’avait pas cet air accablé qu’on voit à la plupart des « zonards » – la piétaille des jeunes lapins qui, n’étant ni d’un haut lignage ni d’une taille et d’une vigueur exceptionnelles, sont brimés par leurs aînés et relégués aux confins de leur garenne, où ils vivent comme ils peuvent, le plus souvent à la belle étoile. Celui-là paraissait dégourdi. À la façon dont il regardait autour de lui en frottant ses pattes de devant sur son museau, on sentait qu’il était vif et intelligent. Ayant acquis la certitude qu’il n’y avait aucun danger, il replia ses oreilles et s’attaqua à l’herbe
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Quand Bigwig sortit dans la lumière grise annonçant l’aube, il aperçut Keehar qui cherchait des vers au milieu des sureaux. Il frappa du pied pour attirer son attention, et l’oiseau vint le rejoindre d’un coup d’aile suivi d’un long vol plané.
« Monzieur Pigwig, toi trouver Monzieux Hazel ?
- Oui, il est là, dans le fossé.
- Foutu. Monzieur Hazel ?
- Non, mais il est blessé et très faible. L’homme de la ferme lui a tiré dessus avec un fusil, tu comprends ?
- Toi retirer cailloux noirs ?
- Comment ça ? Quels…
- Toujours avec fusil venir petits cailloux noirs. Toi jamais voir ça ?
- Non, je ne sais rien des fusils.
- Sortir cailloux noirs, lui aller mieux. Lui venir ici, ya ?
- On va bien voir », dit Bigwig.
Il alla trouver Hazel, qui était réveillé et parlait avec Fyveer. Quand Bigwig lui annonça que Keehar était là et qu’il voulait l’examiner, il se traîna dans l’herbe.
« Foutu fusil ! s’exclama Keehar. Mettre petits cailloux dans toi pour blesser. Keehar regarder, ya ?
- Oui, tu peux y aller dit Hazel. Ma patte est très mal en point, tu sais. »
Il se coucha. Keehar pencha rapidement d’un côté puis de l’autre comme s’il cherchait des escargots dans le pelage jaune de Hazel. Il examina de près la longue blessure qui déchirait son flanc.
« Ici pas cailloux, affirma-t-il. Entrer et sortir pas s’arrêter. Maintenant regarder patte. Peut-être faire mal. Pas long. »
Deux plombs étaient logés dans le muscle de sa hanche. Keehar les trouva à l’odorat et les retira comme des araignées réfugiées au fond d’une crevasse - Hazel eut à peine le temps de tressaillir que déjà Bigwig les flairait dans l’herbe.
« Maintenant saigner encore, dit Keehar. Rester attendre un jour ou deux. Après bon comme avant. Lapins là-haut attendre Monsieur Hazel. Keehar dire lui venir. »
Et Keehar prit son envol avant que quiconque puisse répliquer.
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La terre était grasse et meuble, et dans la pénombre olivâtre poussaient les herbes qui se plaisaient sur les sols cultivés, la fumeterre, la moutarde, le mouron rouge et la camomille. Les plantes ondoyaient dans une brise légère tandis que le soleil maculait de petites pointes jaunes la terre brune, les cailloux blancs et les mauvaises herbes. Néanmoins, cette agitation constante n'avait rien d'inquiétant, car le champ tout entier y prenait part et le seul bruit qu'on entendait était le frémissement doux et régulier des feuilles.
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Les hommes n'ont pas conscience que le jour n'est pas celui qui chasse la nuit. Pour eux, même lorsqu'elle est voilée de nuages, la présence du soleil est l'état naturel de la terre et du ciel. Quand ils pensent aux collines, ils ne les imaginent pas dans l'obscurité, de même qu'ils ne se représentent jamais un lapin sans fourrure. Ils oublient le squelette sous la chair, ils oublient le clair de lune et prennent le jour pour acquis, alors que celui-ci ne fait pas partie des collines. Le clair de lune est inconstant, il décroît puis croît à nouveau. Les nuages peuvent l'obscurcir bien plus qu'ils n'obscurcissent le soleil. On ne peut vivre sans eau, mais on peut se passer de cascades. Elles sont jolies, elles sont un luxe. On a besoin du jour, il est donc utile, mais pas du clair de lune. Quand il descend, il ne satisfait aucun besoin. Il transforme. Il se pose dans les vallons et sur les prairies, et distingue la longue tige de la voisine ; d'un seul monceau de feuilles couvertes de givre, il fait une myriade d'éclats étincelants ; il file son trait tremblant le long des branches humides comme si la lumière elle-même était malléable. Ses longs rais blancs et durs se déversent entre les hêtres, leur clarté pâlit lorsqu'elle s'enfoncent dans le cœur des bois, poudré de brouillard à mesure que s'avance la nuit. Au clair de lune, un champ d'agrostis, dont les tiges rugueuses et hirsutes comme le crin des chevaux ondulent à hauteur de cheville, ressemble à un golfe houleux creusé de replis ténébreux. Le tapis est si dru et emmêlé que même le vent ne peut l'agiter, mais le clair de lune semble lui insuffler comme une certain tranquillité. Le clair de lune n'est jamais acquis. Il est comme la neige d'automne ou la rosée des matins de juillet. Il ne révèle pas : il transforme ce qu'il recouvre. Sa pâleur même - tellement plus blême que celle du jour - invite à penser qu'il s'est ajouté à la colline pour lui donner, l'espace d'un instant, une propriété singulière et merveilleuse qu'il faut s'empresser d'admirer, car elle est vouée à disparaître sous peu.
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Le choix des libraires vous invite à la rencontre de Fanny Héquet, la propriétaire de la librairie « le Détour » de Granville dans la Manche. Avec elle, partagez ses coups de c?ur et ses auteurs favoris comme Richard Adams, David Fauquemberg ou encore Michel Jullien.
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Pourquoi Hazel et ses camarades quittent-ils leur garenne natale ?

Fyveer a prédit la destruction de leur garenne.
Leurs terriers ont été inondés.
Ils ont commis un crime.

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