IL N'Y A PAS D'ÂGE POUR INVENTER LE MONDE.
Qui ne connaît, au moins succinctement, les débuts d'enfant-prodige de Mozart ? Qui aura pu échapper à l'engouement écologique - bientôt suivit d'aigres critiques - pour la jeune élève suédoise,
Greta Thunberg ? Qui n'aura versé des larmes teintées d'effroi et d'admiration à la lecture de l'incroyable Journal d'Anne Franck ? Qui n'aura un jour rêvé à la vie incroyable - et sombre aussi, sa véridique histoire étant bien éloignée de la légende rendue mondialement célèbre par les studios
Walt Disney - de cette jeune princesse indienne nommée Pocahontas ? Certes, ces quelques exemples d'enfants, ou plus souvent d'adolescents - ces quelques années si complexes à définir entre la fin de l'enfance et l'orée de l'âge adulte sont connus de presque tous. Ils ont parfois valeur d'exception tendant à confirmer la règle selon laquelle, soyons sérieux, le monde, ce sont les adultes qui le font !
Pourtant, à travers ce même vaste monde, des enfants - même déjà adolescent - se sont levés et se lèvent encore pour faire bouger les lignes, que ce soit Ellie Simmonds, atteinte d'achondroplasie (une maladie génétique qui nuit à la croissance des os) qui gagnera à seulement treize ans deux médailles d'or aux jeux paralympiques de Pékin (2008), que ce soit le français Louis Braille dont le nom est devenu synonyme de cette écriture lisible par les aveugles mais dont il est à parier que peu de gens savent que c'est à l'âge de quinze ans, lui-même aveugle depuis dix années, qu'il inventa cette méthode révolutionnaire adoptée aujourd'hui dans le monde entier ! C'est encore "Le Roi Pelé", vénérable monsieur âgé de quatre-vingts ans aujourd'hui mais dont la carrière professionnelle débuta à seulement quinze ans, et internationale à seize ! C'est encore la jeune Neha Gupta, née en Nouvelle-Zélande puis habitant aux USA mais qui se rendait avec ses parents en Inde où vivaient ses grands-parents et qui décida, alors qu'elle n'avait encore que cinq ans, d'aider les innombrables orphelins de son pays d'origine, allant jusqu'à créer, à seulement neuf ans, sa propre société afin d'envoyer aide matérielle, médicale et pédagogique à destination de tous ces enfants sans ressource !
Et ce ne sont que quelques exemples parmi d'autres, d'aucuns étant connus du grand public -
Blaise Pascal, Björk,
Shirley Temple,
Pablo Picasso, Emma Watson et autres
Stevie Wonder - mais dont on a bien souvent oublié que leur "carrière", quelle qu'elle fût, débuta souvent très tôt, d'autres ne connaissant une certaine popularité qu'à l'intérieur de leurs frontières respectives, tandis que leurs actions méritaient sans aucun doute qu'un livre leur consacre quelques pages : c'est désormais chose faite !
On ne pourra cependant s'abstenir de quelques remarques critiques sur le fond. D'abord, et sans que cela n'enlève rien aux divers accomplissements de ces enfants ni à leur exemplarité, le lecteur remarquera très vite qu'une immense majorité des exemples donnés sont issus, pour aller vite, du monde anglophone - USA, Angleterre, Afrique du Sud très largement en tête puis Canada, Afrique anglophone, Inde et sphère australe (Australie, Nouvelle-Zélande) -. Ceci se comprend assez aisément : l'ouvrage est traduit de l'anglais, étant le fait d'un auteur britannique,
Tom Adams et d'une illustratrice étasunienne,
Sarah Walsh (dont on remarquera au passage la vivacité et la fraîcheur des dessins). On ne pourra cependant s'abstenir de constater que ces "produits" clés en main ne sont jamais modifiés, ne serait-ce qu'en partie, afin de faire découvrir des régions du monde moins souvent balayées par ces auteurs anglo-saxons. Ainsi l'Afrique francophone est-elle totalement oubliée. La Chine et la Russie presque occultées. L'Europe un peu rapidement survolée (à l'exception des îles britanniques...), la sphère hispanophone très rapidement vue, pas un seul enfant originaire du Japon ni d'Asie du sud-est, etc. Ce n'est sans doute pas gravissime et il faut bien faire des choix (l'ouvrage ne fait qu'une centaine de pages, chaque destinée en occupant deux) mais c'est un peu dommage.
L'autre remarque tient au chapitrage ainsi qu'à un certain discours - pour faire vite : très "néo-libéral" dans la présentation des "valeurs" mises en avant - elles-mêmes d'un positivisme utilitariste parfois outré ; celui, par exemple, ne mettant en évidence que les (géniales) découvertes mathématiques de
Blaise Pascal, encore bien UTILES aujourd'hui, tandis qu'il n'est pas dit un seul mot du fait qu'il fut aussi un des plus grands penseurs de son temps -, avec la promotion presque permanente de la "Réussite", voire de la course au succès, à la gagne (à ce propos, le chapitre consacré aux sportifs est éclairant, même s'il ne faut pas en omettre une certaine exemplarité bienveillante), le tout dans un refus de hiérarchiser les diverses implications de tous ces enfants (cette célébration de la réussite économique du jeune irlandais Jordan Casey, certes très "malin", nous a laissé rien moins que perplexe. Idem pour l'enfant soldat serbe Momcilo Gavric «plus jeune soldat de la Première Guerre Mondiale» dont l'histoire d'amitié militaire est sans doute très belle et édifiante mais pour laquelle on ne pourra s'empêcher de songer à ces milliers d'enfants-soldats, véritables esclaves guerriers, de l'actuelle Afrique, qui meurent encore pour des guerres dont ils ne sont que les jouets, etc). Sans oublier cette révérence quasi-permanente au Travail comme valeur superlative forcément incontestable (bien sûr, nombre de ces actes ne purent se faire sans effort, parfois avec de vraies souffrances, mais faut-il en faire une morale absolue ?). En bref, le discours "philosophique" sous-jacent à cet ouvrage nous a, ici et là, gêné aux entournures.
Quant à la présentation, elle est globalement très satisfaisante - malgré ce choix de couverture reflétant assez mal son contenu, avec ce dessin un peu austère et pâlichon, singeant un portrait de groupe dessiné sur les pages doucereusement pastels d'un cahier spiralé) - même si l'on pourra, ou non, reprocher son déroulé plus pédagogique que ludique, mais les éditions Hatier, que nous remercions au passage pour cette découverte liée à la dernière Masse critique proposée par l'incommensurable site Babelio, n'est-il pas l'un de nos meilleurs représentants en matière d'ouvrages éducatifs ? Une chose est certaine : le document est aisément lisible et ses rubriques aisément identifiables permettent aux (jeunes) lecteurs de s'y retrouver facilement.
Malgré ces dernières remarques, ne boudons toutefois pas notre plaisir : l'ouvrage est passionnant, il met en avant des enfants d'origines chronologiques et spatiales très diverses - de Pocahontas née en 1596 à Marley Dias née en 2005 -, ayant apporté à l'humanité et/ou à la planète des bénéfices dont nous pouvons encore souvent mesurer les bienfaits. Un bel ouvrage pour enfant à partir de sept ou huit ans.