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Critique de Presence


Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre. Il regroupe les 10 chapitres parus dans Dark Horse presents 1 à 3, 5 à 8, 28 et 29, de 2011 à 2013, écrits, dessinés et encrés par Neal Adams, avec une mise en couleurs réalisée par Moose Baumann.

Un homme avec une queue de cheval, un grand pardessus volant au vent, et les poings serrés, s'avance en courant vers le lecteur. Il se dirige vers un entrepôt où il est attendu de pied ferme par une vingtaine d'hommes armés, travaillant pour le compte de Marion Giani, également présent sur le site. À l'intérieur, ce dernier est en train de se passer les nerfs sur Lionel, un homme d'une forte carrure ligoté sur une chaise qui se prend des mandales de Giani, le sang pissant de ses lèvres tuméfiées. Lionel est en train de répondre aux questions qu'on lui a posées sur Jorge Maslow que ses tortionnaires appellent Blood.

Lionel se lance dans une explication un peu hésitante sur les origines de Blood, un peu hésitante parce que sa façon de parler atteste d'un esprit un peu simplet. Il évoque des créatures extraterrestres appelées Animae, sans forme corporelle, mais voyageant en vaisseau spatial qui auraient atterri sur Terre pendant la préhistoire. Elles auraient influencé et retardé le développement de l'humanité, en particulier pendant le haut moyen-âge, en s'appropriant des corps d'êtres humains. L'une d'entre elles appelée Alpha Blood s'est retrouvée séparée du reste du groupe et a influencé quelques individus dans la direction opposée, menant à la création de l'ordre des templiers. Pendant ce temps-là, Jorge Maslow a entamé sa progression vers Lionel, en tuant ceux qui sont sur son chemin.

Ce tome se remarque tout de suite du fait de sa couverture, avec un effet lenticulaire (ou prismatique) en 3D. le lecteur voit ainsi le personnage principal pistolet au poing se faire tirer dessus, et en orientant la couverture différemment il le voit riposter, en même temps qu'une créature de sang jaillit de son corps. L'auteur semble donc avoir validé une couverture gadget à destination d'un lectorat plutôt jeune, mais avec un niveau de violence graphique destiné à un lectorat un peu moins jeune.

Après avoir lu Batman: Odyssey et The first X-Men du même Neal Adams (et en attendant The coming of the Supermen), le lecteur se prépare à des dessins toujours efficace, et un scénario au mieux quelconque, au pire incompréhensible, ou, quelque part entre les 2, risible. Il s'avère qu'en fait l'intrigue se décompose en 2 parties, certainement les épisodes 1 à 3 et 5 à 8 pour la première, 29 & 29 pour la seconde. Dans la première, le lecteur suit l'avancée inexorable de Jorge Maslow jusqu'à son pote Lionel. le lecteur a accès à ses pensées par le biais de bulles de pensée. le personnage expose sa tactique, ses observations sur les obstacles et les hommes de main qu'il neutralise un à un. le lecteur comprend que cette partie correspond à une sorte d'origine du personnage et qu'il finira par manifester les pouvoirs qui sont montrés sur le couverture (ce qui diminue d'autant l'intensité du suspense) à l'issue de cette première épreuve.

Fidèle à lui-même, Neal Adams arrive à prendre le lecteur à contrepied, avec ce que raconte Daniel pendant ce temps-là. le scénariste insiste à plusieurs reprises sur le fait qu'il s'agit d'un individu intellectuellement limité, ce qui explique qu'il parle d'une manière bizarre, incapable de s'arrêter d'expliquer les faits. Comme cette déficience mentale n'a aucun autre impact, le lecteur comprend qu'Adams a juste choisi cette particularité pour disposer d'un artifice narratif lui permettant d'intégrer de gros phylactères exposant de gros volumes d'information. le lecteur a alors droit à une histoire parallèle expliquant l'origine de ces créatures (Animae et Blood). le scénariste mélange extraterrestres et histoire de la civilisation, avec un rôle particulier pour l'ordre des Templiers. C'est inventif, mais le lecteur éprouve de sérieuses difficultés à comprendre pourquoi Alpha Blood a viré sa cuti, et a fini par prendre fait et cause pour l'humanité.

Neal Adams intègre quelques points d'ancrage de son histoire parallèle en évoquant Merlyn (légende arthurienne), Léonard de Vinci, Gallilée, et Equinis Romanus. le lecteur se dit que l'auteur donne une assise à sa théorie du complot, avant de se rendre compte que le dernier personnage cité est fictif. Il d'autant plus déstabilisé qu'il n'y est plus fait mention dans la suite du récit. Cette histoire parallèle est donc à ranger dans les fictions de romans d'anticipation, sans grande épaisseur, mais suffisante pour servir de socle aux aventures de Jorge Maslow. Mais du coup la modalité de narration de ladite histoire reste trop pataude pour maintenir l'intérêt du lecteur et l'intrigue au temps présent (tuer les hommes de main les uns après les autres) est également assez plate. La deuxième partie montre la première intervention de Jorge Maslow, après sa transformation complète dans la première partie. Là encore il s'agit de voir Jorge Maslow pénétrer dans un bâtiment et neutraliser par la force chaque assaillant qu'il rencontre, pour finir par se servir de ses pouvoirs contre le dernier. le lecteur reste dubitatif devant la mention sur la dernière page qui indique qu'il s'agit de la fin du premier livre. Il n'y a aucune assurance que Neal Adams revienne un jour à ce personnage.

Mais après tout, un lecteur attiré par le nom de Neal Adams l'est plutôt pour ses qualités de dessinateur que pour ses qualités de scénariste (et c'est un euphémisme). Dès la première page, il retrouve le sens de Neal Adams pour des compositions mettant en avant des mouvements amples et puissants, avec Jorge Maslow qui court manteau au vent et poings serrés. Puis il voit les grands mouvements de bras de Marion Giani dessiné selon une perspective accentuée pour mieux montrer la force de ses coups. L'artiste utilise également de légères contreplongées pour augmenter la présence sur la page des individus. Cette approche de construction des dessins sur des lignes de fuite permet de dramatiser chaque action. Ainsi Neal Adams restitue l'impact des coups avec une force peu commune. Parmi ces visuels mémorables, il y a Lionel qui se fait frapper sur le crâne par derrière, par un individu armé d'un sac de pièces de monnaie. le sac se déchire, et le lecteur peut suivre la courbe que suivent les pièces après l'impact. L'effet est saisissant dans sa force et sa puissance. Il est encore accentué par le travail de Moose Baumann qui plaque sur chaque pièce, l'image photographique d'une vraie. Ce metteur en couleurs effectue un travail de complémentarité avec Adams, habillant chaque surface de manière à en accentuer le volume, et appliquant des fonds floutés quand Adams n'a pas représenté d'arrière-plan.

Comme dans ses précédents travaux, Neal Adams utilise un encrage un peu rêche, parfois un peu tremblé, pour un effet plus spontané, alors même que chaque case repose sur une composition rigoureuse. le détourage des formes légèrement dentelées et crénelées confère une apparence répugnante aux blessures et aux visages tuméfiés, ou même aux traits déformés d'individus en train de hurler en gros plan. Par ce biais, Neal Adams parvient à montrer l'horreur des blessures physiques, sans avoir à détailler les chairs malmenées, sans avoir à se montrer graphique jusqu'à en devenir gore. La combinaison des postures exagérées, des angles de vue prononcés et de l'encrage râpeux aboutit à des pages pleines de mouvement et de vitesse, parfaites pour les scènes d'action. L'artiste ajuste le degré de détails des arrière-plans et des tenues vestimentaires, en fonction de la nature des séquences, pour assurer une lecture rapide, sans être creuse.

Cette même combinaison d'outils pour dramatiser aboutit aussi à des séquences ridicules quand il ne s'agit plus d'action. Ainsi quand une collègue de travail s'emporte contre une décision du commissaire, elle gesticule comme une possédée, avec des postures de pantin désarticulé ne contrôlant pas ses gestes, pour un effet grotesque et comique involontaire. de la même manière, certains gros plans montrent des individus sans retenue, quasiment la bave aux lèvres, là encore plus ou moins à propos en fonction de la scène. Encore plus étonnant, Neal Adams trouve nécessaire sur une page d'ajouter une flèche pour expliquer le mouvement d'un personnage. Ce dispositif ressort comme une verrue en plein visage, semblant dire que l'artiste n'a pas confiance en son seul dessin pour faire comprendre ce qui se passe, ce qui est un comble pour un artiste de la stature de Neal Adams.

Neal Adams raconte une histoire qui repose sur 2 assauts menés par un homme seul contre des criminels détenant un ou plusieurs prisonniers, associés à un historique très particulier sur la présence d'extraterrestres dans la population humaine, influant sur le déroulement de l'histoire. Il est difficile de s'impliquer dans cette histoire d'invasion, ou même dans ces assauts puisque le lecteur a bien compris dès le départ que Neal Adams n'a pas vraiment pris le temps d'assez étoffer cette Histoire alternative (sans parler de la rendre cohérente), et que rien n'arrêtera Jorge Maslow qui en ressortira frais comme un gardon. Les dessins de Neal Adams sont toujours aussi percutants pendant les séquences d'action, et toujours aussi exagérés pendant les rares séquences de dialogue.
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