Une plongée dans la petite bourgeoisie nigériane dont je suis ressortie un peu perplexe, malgré la sincérité des personnages et la rigueur de la construction. La peinture sociale qui ressort du livre finit par s'essouffler et tourner à vide, tant elle souffre d'une vision un peu unilatérale, étriquée par le milieu d'origine de l'auteur.
L'africanité est bien absente du roman, on a l'impression que le Nigeria se trouve sur une île déserte, une caricature de pseudo-paradis, où la corruption, les pots de vin existent comme un mal inévitable, mais où le racisme est inconnu et d'où l'on part à 20 ans parce que l'université est secouée par les grèves.
Patrice Lumumba il y a certes bien longtemps, dressait un autre tableau de l'Afrique, il parlait du Congo belge, au nom pourtant de tout un continent dont il dénonçait un héritage colonial implacable qui semble ici, dans le roman n'avoir jamais existé.
Ifemelu va donc découvrir la réalité du racisme aux États- Unis, elle va y affronter la difficulté d'être migrant et de se faire une place. Comme elle, Obinze à Londres s'exposera à la précarité à laquelle sont condamnés ceux qui n'ont pas les papiers nécessaires. Ces pages sont les plus intéressantes du livre, et les post d'Ifemelu sur son blog, remplis de ces scènes du quotidien où le racisme se distille à flots constants, sont pertinents et souvent drôles.
Angela Davis proclamait dans les années 70 « Black is beautiful ! », quelque part Chimananga Ngozie Adichie a repris l'héritage, vibrant dans ses pages qui racontent les cheveux des africaines, le salon de coiffure américain, respire d'ailleurs plus l'Afrique que les descriptions de Lagos…Le blog d'Ifemelu pourtant, finalement, m'a laissée sur ma faim, l'auteure fait d'ailleurs dire à son personnage « je fais un constat, je ne fais pas d'analyse » oui, et c'est dommage parce que la description du racisme reste une description distanciée, j'aurais préféré une implication plus courageuse , est-ce parce que le personnage finalement retourne à Lagos, laissant le racisme des États Unis derrière elle ?
Alors que le slogan « Black lives matter » déferle partout, que l'Amérique d'
Obama a accouché de celle de Trump, on reste dubitatif devant la tiédeur du roman dans son ensemble sur cette question du racisme aux États Unis et dans le monde.
La dernière partie du livre, centrée sur la recherche de son identité par Ifemelu, souffre à mes yeux, de cette amnésie avec ce que le personnage a vécu auparavant. Finalement ce qui m'a manqué dans ce roman c'est l'engagement de l'auteur.