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sur 746 notes
Quelle joie en cette rentrée littéraire 2017 de voir publiée cette mise à l'honneur du premier éditeur et ami de jeunesse de mon "écrivain-phare", Albert Camus... par une jeune auteure...

Un moment inoubliable grâce à Kaouther Adimi, avec le très courageux éditeur algérois, Edmond Charlot... qui fit ses débuts très jeune, à vingt ans, avec un texte d'Albert Camus, et de trois camarades théâtreux, "Révolte dans les Asturies"... Lancement passionnel dans ce métier d'éditeur-libraire, grâce , entre autres, à sa rencontre enthousiaste avec la libraire parisienne, Adrienne Monnier...qui l'enchanta ! Mais des éléments non négligeables ont précédé... qui ont favorisé le terrain: un grand-père très cultivé, qui n'avait pourtant fait aucune étude, qui lui offre un exemplaire des "Croix de Bois" dédicacé par Dorgelès, un père représentant chez Hachette, qui lui rapporte des livres, la rencontre d'un professeur de philosophie qui marquera également son ami de classe, Camus.
Je voulais nommer cet enseignant spécial, Jean Grenier, qui l'encouragea vivement dans son rêve de réaliser quelque chose dans "La chose imprimée" !

Je connaissais dans les grandes lignes , le parcours humain et intellectuel exceptionnel de cet éditeur, mais grâce à ce livre et aux extraits [ imaginés ] de son carnet de bord, [ rendus d'autant plus crédibles que l'écrivaine a utilisé des sources très détaillées, publiées par Domens ] j'ai appris mille nouvelles choses, entre les anecdotes incroyables de l'univers des éditeurs, imprimeurs, les nouvelles idées qu'il a apportées [ dont un détail dans la maquette des livres fréquent aujourd'hui, sans qu'on sache que cela provient de ce "faiseur de livres": les couvertures à rabats, qui permettaient d'ajouter des éléments sur le contenu du livre, et des renseignements sur l'auteur], la période terrible de l'après-guerre où Charlot créée une annexe de ses éditions à Paris, où le papier est rarissime, et où les grands éditeurs parisiens ne se comportent pas de la plus belle façon... faisant des "coups tordus" à ce petit éditeur , de surplus algérois, qui commence à leur faire de l'ombre....

Cet ouvrage par un subterfuge astucieux, fait alterner le passé et le "tout présent". Entre les extraits du journal d'Edmond Charlot, le récit propre de l'auteure sur l'histoire douloureuse de l'Algérie, les soubresauts violents , terribles de l'Histoire entre Alger et la France , et le présent immédiat, représenté par Ryad, un jeune du même âge que Charlot lorsqu'il a débuté son métier d'éditeur, qui par contre, n'a aucun goût pour la littérature, ni pour les livres, l'auteure nous offre ainsi un tableau plus subtil de la compréhension, perception d'un pays, d'une ville, Alger, de son quotidien, de son histoire dont la "petite-grande" histoire de cette librairie, témoin engagé, vivant d'une époque ... et aussi par les anciens de la rue Hamani...ex-rue Charras, que rencontre Ryad...

Il est juste venu de France pour faire un stage à Alger [avec le piston d'un proche de son père]... et le contenu de ce dernier va être de vider la petite librairie de Charlot, "Les Vraies Richesses", tout jeter , meubles, rayonnages et Les Livres !! puis repeindre le local qui est destiné à devenir une boutique de beignets !!


Je ne peux m'empêcher de transcrire un extrait des "Mémoires barbares" de Jules Roy:
" de cette aventure, dont nous ne savions pas que nous la vivions, il reste pour moi une sorte de mirage. Charlot fut un peu notre créateur à tous, tout au moins notre médecin accoucheur. Il nous a inventés (peut-être même Camus), engendrés, façonnés, cajolés, réprimandés parfois, encouragés toujours, complimentés au-delà de ce que nous valions (...)

Nous étions les poètes les plus grands, les espoirs les plus fantastiques, nous marchions vers un avenir de légende, nous allions conférer la gloire de notre terre natale [...]
Nous fûmes son rêve. C'est là que le sort le trompa, injustement, comme se lève une tempête sur une mer calme. A la bourrasque il tint tête tant qu'il put. Je ne l'entendis jamais protester contre l'injustice ni maudire l'infortune qui l'accablait.
Par moments, il m'arrive de me demander si nous avons été assez dignes de lui. " (p. 210-211)


Du mal à quitter ce livre et surtout cet homme très attachant et brillant que fut Edmond Charlot... qui à lui tout seul... a su découvrir des talents incroyables: Camus, Roblès, Audisio, Sénac, Amrouche, Jules Roy, Mohammed Dib..., [ Que les grands éditeurs parisiens, Gallimard, le Seuil, Julliard ne reculèrent pas à "débaucher" ! ]...Il continua son existence durant , à se battre contre les épreuves les plus âpres...

"17 mai 1938
[...] Mon engagement doit être absolu. C'est ainsi que je conçois mon travail. L'écrivain doit écrire, l'éditeur doit donner vie aux livres. Je ne vois pas de limite à cette conception. La littérature est trop importante pour ne pas y consacrer tout mon temps. " (p. 76)

Merci , en tout premier à Kaouther Adimi, qui nous offre une lecture éblouissante sur un personnage admirable...L'émotion est démultipliée puisque l'auteur est née à Alger, fait revivre une figure emblématique de la ville et remet en mémoire la très douloureuse histoire de son pays.. et ...comble des belles "coïncidences"... , celle et pas des moindres rejoint la devise d'Edmond Charlot choisie à la création de sa petite librairie-édition, "lieu crée par des Jeunes, pour des jeunes !"... Il reconnaissait lui-même qu'elle était un peu prétentieuse, mais il l'a conservée !

Donc un très bel hommage très réussi , rédigé par une "jeune auteure" !....
L'ouvrage est complété par des éléments bibliographiques avec lesquels Kaouther Adimi a travaillé, avec en plus des rencontres avec "les copains de Charlot" !, les précieuses publications des éditions Domens... autour du libraire-éditeur, ouvrages que je vais aller voir de plus près... Car je n'ai acquis seulement que son catalogue d'éditeur, publié par eux... [ il y a qq années !]



[N.B.
Une petite parenthèse personnelle, car à cette lecture, les images et les souvenirs reviennent avec une grande émotion: des années durant, je commandais des ouvrages épuisés à qq libraires d'ancien de "province", dont "Le Haut Quartier" à Pézenas, où je recevais les ouvrages et les courriers de la part d'une dame, Marie-Cécile Vène... Il m'a fallu qq temps pour apprendre que c'était la librairie qu'Edmond Charlot avait recréé en revenant en France, en 1962, après le saccage absolu de sa librairie, Les "Vraies Richesses"... En 2005, l'occasion m'a été donnée d'aller découvrir ce lieu. Un moment magique de discussions, d'échanges
avec Marie-Cécile Vène, qui m'apprenait parallèlement la fort triste nouvelle du décès d'Edmond Charlot, peu avant [ 2004]... Je n'aurai pas eu le plaisir de rencontrer ce "grand Monsieur"... mais curieusement, j'aurais été parmi ses clientes fidèles... anonymes, pendant plus de quinze ans !! ]
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Kaouther Adimi nous emmène en terre algérienne des années 1930 à nos jours, sur les traces d'Edmond Charlot. Pour son troisième roman, Nos richesses, cette jeune auteure lauréate du Prix Renaudot des Lycéens 2017, réussit un très beau portrait de cet amoureux des lettres et des livres qu'était Charlot.
Cet homme un peu oublié qui a pourtant consacré sa vie à la littérature, malgré de faibles moyens et les obstacles rencontrés méritait amplement ce très bel hommage.
Ce roman se compose de deux récits : celui d'Edmond Charlot sous la forme d'un journal si bien écrit qu'on le croirait réel et celui de Ryad, l'un parlant du passé, l'autre du présent.
En 1936, sur les conseils de son professeur de philosophie, Edmond Charlot crée une librairie : « Ce sera une bibliothèque, une librairie, une maison d'édition, mais ce sera avant tout un lieu pour les amis qui aiment la littérature et la Méditerranée. » Il nommera ce lieu « Les vraies richesses » en hommage à Jean Giono et avec son autorisation et son slogan sera : « Des jeunes, par des jeunes, pour des jeunes. » Charlot sera entre autre le premier éditeur du jeune Albert Camus, inconnu à l'époque pour « Révolte dans les Asturies ».
Ryad, quant à lui, étudiant-ingénieur, arrive à Alger pour faire un stage manuel. Il est chargé par l'ami de l'ami de son père de vider, détruire les livres, nettoyer et repeindre justement cette fameuse librairie qui a été transformée depuis en bibliothèque par l'État. le nouveau propriétaire a décidé d'en faire un restaurant ! Les beignets remplaceront les livres… Mais la tâche ne sera pas si facile que cela à réaliser car Abdallah qui était préposé au prêt, « le vieux gardien des lieux », et tous les habitants du quartier veillent et sont décidés à protéger ce patrimoine.
J'ai été emportée par ce roman très attachant, plein de poésie, de douceur et aussi d'humour. Ce livre décrit en même temps des faits d'une extrême violence avec les premières révoltes, la guerre, la décolonisation. Il n'est également pas dénué de nostalgie.

C'est un véritable hymne à la littérature, aux livres, à la peinture, à l'art en général et à la culture. Impossible pour celle ou celui qui aime lire de passer à côté de ce splendide ouvrage.

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Jules Roy a dit de lui dans ses Mémoires barbares : " ... Charlot fut un peu notre créateur à tous, tout au moins notre médecin accoucheur. Il nous a inventés ... engendrés, façonnés, cajolés, réprimandés parfois, encouragés toujours, complimentés au-delà de ce que nous valions, frottés les uns aux autres, lissés, polis, soutenus, redressés, nourris souvent, élevés, inspirés. "

Edmond Charlot, un jeune homme de vingt et un ans à peine, qui en 1935 ouvrit à Alger une librairie pour éditer, prêter et vendre les oeuvres de jeunes auteurs méditerranéens. Albert Camus, un de ses camarades de classe de Khâgne, Jules Roy, mais aussi Max-Pol Fouchet, Albert Cossery, Emmanuel Roblès, Mouloud Mammeri, et bien d'autres sont de ces écrivains qu'il publia et furent ses amis.

Éditeur de la France libre durant l'Occupation, Edmond Charlot fut, jusqu'au milieu des années 1950, l'un des personnages importants de la littérature française ; jusqu'à ce que les difficultés financières l'obligent à abandonner Les Vraies Richesses, sa chère librairie algérienne, puis, quelques années plus tard, sa maison d'édition parisienne.

Roman historique et inspiré sur le passé douloureux de l'Algérie et des Français, Nos richesses raconte, avec talent et empathie, une histoire passionnante. On y découvre un ami de la littérature, des écrivains et des livres, à travers le voyage fictionnel à Alger de Ryad - jeune stagiaire chargé en 2017 de liquider la librairie Les Vraies Richesses - et des extraits sobres et émouvants du journal d'Edmond Charlot.

Dans la vieille demeure occitane où il a fini sa vie, Edmond Charlot était devenu presque qu'aveugle, " ce qui l'attristait énormément car il ne pouvait plus lire ni écrire des lettres à ses amis. " Après sa mort, il a été incinéré et ses cendres ont été dispersées dans la Méditerranée, son " chez-lui. "
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D'emblée, l'auteure prend le lecteur par la main, et guide ses pas dans les rues d'Alger, en 2017, face au soleil, passant devant les boutiques, la Casbah, l'imprégnant des couleurs, pour arriver devant ce qui fut la librairie « Les Vraies Richesses ».

Certes, la librairie n'existait plus en tant que telle depuis les années 90, reconvertie en une bibliothèque, gérée par Abdallah, un vieil homme qui veillait jalousement sur les livres. A son grand dam, elle va être vendue et transformée en commerce de beignets, tâche confiée à Ryad, jeune homme qui arrive de France pour un stage de formation qui va consister à faire place nette…

Le décor est planté et l'auteure va nous raconter l'aventure de cette librairie, bibliothèque, maison d'éditions, alternant les récits de Charlot, ses carnets précieux et l'opération de grand nettoyage de Ryad et l'Histoire.

Kaouther Adimi nous donne la liste impressionnante de tout ce dont il doit se débarrasser : des milliers de livres d'auteurs français, étrangers, en arabe, des livres pour enfants, des ouvrages scientifiques, les meubles, les photos… mais aussi les manuscrits, les correspondances précieuses avec les auteurs que Charlot a publiés…

Le simple fait de la lire m'a fait frissonner, (je dirais même crier intérieurement au scandale) car jeter un livre pour moi est un sacrilège ! Alors un tel trésor !

J'ai beaucoup aimé suivre le parcours d'Edmond Charlot (que je ne connaissais pas, je le reconnais) dans la création de sa librairie « Les vraies richesses » avec peu de moyens, beaucoup de travail et d'opiniâtreté, la manière dont il prend soin de ses auteurs comme de ses lecteurs, ou déniche de nouveaux talents, les coups bas, la censure, les difficultés à trouver du papier pendant la guerre, sans oublier sa revue « L'Arche » …

Il veut créer un espace ouvert aux lecteurs et aux écrivains de tous les pays de la Méditerranée, « gens d'ici, de cette terre, de cette mer, sans distinction de langue ou de religion ». Il soigne la présentation, la couverture, introduit le rabat où l'on peut lire le résumé du roman, sans oublier son catalogue recherché.

Certaines réflexions résonnent étrangement tant elles pourraient être énoncées de nos jours, telle celle-ci, écrite le 17 décembre 1938

« Aujourd'hui encore, des clients intéressés uniquement par les derniers prix littéraires. J'ai essayé de leur faire découvrir de nouveaux auteurs, de les inciter à acheter l'Envers et l'Endroit de Camus, mais totale indifférence. Je parle littérature, ils répondent auteurs à succès. » P 79

On rencontre des auteurs qui ne sont pas encore célèbres, Albert Camus fumant une cigarette devant la porte de la librairie, Jules Roy, Vercors, Max-Pol Fouchet, Himoud Brahimi, Kateb Yacine, Emmanuel Roblès, Saint-Exupéry

« Au fond, face à l'entrée trône un bureau en bois massif. Des photos en noir et blanc sont accrochées un peu partout. Ryad déchiffre les noms sous les portraits d'hommes dont la plupart lui sont inconnus : Albert Camus, Jules Roy, André Gide, Kateb Yacine, Mouloud Feraoun, Emmanuel Roblès, Jean Amrouche, Himoud Brahimi, Mohamed Dib… » P 48

Le personnage d'Abdallah est très intéressant aussi ; émouvant lorsqu'il surveille ce qui se passe lors de l'opération nettoyage, debout sous la pluie, revêtu d'un drap blanc, tel un linceul. Il est la mémoire vivante du lieu, et respecte les livres, même s'il ne les lit pas.

Kaouther Adimi raconte de fort belle manière l'histoire de la librairie en la mêlant à l'Histoire : celle du pays avec le centenaire de la colonisation en 1930, la seconde guerre mondiale où les Indigènes sont envoyés au combat comme les autres, et la manière dont ils sont accueillis au retour, les massacres de Setif, la Toussaint rouge, et ce qu'on appellera « les évènements d'Algérie », le mot guerre étant encore escamoté…

J'ai beaucoup aimé ce voyage dans l'Histoire et la Littérature, et la petite histoire dans la grande et l'auteure m'a donné envie d'en avoir davantage, et de découvrir plus en profondeur les auteurs algériens que je connais trop peu.

L'auteure a passé « un an à écumer les fonds d'archives », comme elle dit, pour nous offrir un roman riche et bien écrit, que j'ai eu du mal à lâcher, un de mes préférés de cette rentrée littéraire 2017.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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C'est à travers le regard de trois hommes que Kaouther Adimi fait revivre une minuscule librairie, serrée entre une pizzeria et un marchand de légumes dans une ruelle d'Alger.
En ouvrant « Les vraies richesses » dans les années 30, Edmond Charlot, libraire, imprimeur et éditeur a voulu partager sa folle passion pour les livres.

Au fil du temps, la librairie, devient une bibliothèque de prêt, faute d'acheteurs. Abdallah, le nouveau maître des lieux n'aime pas lire, mais les livres sont un trésor qu'il doit protéger.

En 2017, lorsque Ryad à son tour investi l'endroit, c'est pour faire le vide, débarrasser, donner où jeter les vestiges d'un temps révolu.

En découvrant par hasard cette petite échoppe, lors d'une promenade à Alger, l'auteure a été intriguée par ce lieu étrange et a fait des recherches sur son créateur Edmond Charlot.
Les carnets qu'elle a retrouvés et son imagination ont donné corps à un personnage hors du commun qui deviendra au fil des années l'ami et confident de Camus, d'Emmanuel Robles où de Jean Giono.

Dès les premières lignes, je me suis laissée envoûter par une écriture aussi élégante que précise. En nous faisant découvrir Alger l'auteure nous invite dans des ruelles baignées de soleil où le bleu du ciel rejoint celui de la mer. Tous les sens sont sollicités dans une ronde de senteurs et de sons.

Chaque personnage de cette histoire vraie, en grande partie, est brossé avec beaucoup d'application et une grande sensibilité.
L'immersion dans le monde de l'édition m'a passionnée et j'ai aimé suivre Edmond Charlot, dans ses succès mais aussi dans ses terribles moments de doute et de découragement.
Outre l'hommage au monde des livres, de l'édition et des libraires, ce livre est aussi une chronique du temps qui passe, il s'en dégage beaucoup de nostalgie.

Kaouther Adimi signe un très beau roman peuplé des fantômes de grands écrivains.
Je garderai longtemps en mémoire l'image de Saint-Exupéry, assis sur un trottoir fabriquant de petits avions en papier de chocolat pour des enfants hurlant de rire sous un soleil éclatant.

Un coup de coeur !
J'ai lu ce roman dans le cadre de l'opération lancée par Lecteurs.com "Les explorateurs de la rentrée littéraire". Merci à eux.
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Pour valider le stage ouvrier de son école d'ingénieur, Ryad, se retrouve à Alger afin de débarrasser, nettoyer et repeindre une ancienne librairie. Mais le jeune homme va vite s'apercevoir que, beaucoup plus qu'une histoire, la librairie « Les Vraies Richesses » a une âme et les fantômes de grands écrivains habitent encore ses murs.

Ryad se plonge dans les carnets intimes du fondateur des lieus, Edmond Charlot qui à l'âge de 21 ans en 1935 devint libraire, bibliothécaire, galeriste, et éditeur. Edmond Charlot, passeur de livres, publie les premiers écrits d'Albert Camus, Jules Roy, Max-Pol Fouchet, André Gide, Federico Garcia Lorca

Editeur des plus grands, éditeur de la France libre durant l'occupation, Edmond Charlot tente, à la libération, de conquérir Paris, mais au bord de la Seine, la vie n'est pas un long fleuve tranquille pour un éditeur venu d'Alger. D'autant que les prémices de ce que l'on a appelé pudiquement les « évènements » (sacré euphémisme !) d'Algérie se font sentir.

Kaouther Adimi, en à peine deux cents pages, nous plonge dans la vie d'un quartier d'Alger aujourd'hui, mais aussi dans une émouvante reconstitution de l'activité passée d'une librairie, une histoire irrémédiablement liée à la France et à l'Algérie, deux pays amis et ennemis dans une époque charnière de l'Histoire.

Par petites touches sensibles, la romancière nous conte vie d'un homme qui a su s'engager sans se tromper, Edmond Charlot, un honnête homme pour qui la littérature était au-dessus de tout, un amoureux des livres et des mots.

« Nos Richesses » est aussi un récit de transmission et d'apprentissage, après son passage dans la petite librairie et sa rencontre avec Abdallah, le gardien du temple, Ryad ne sera plus le même, et le lecteur non plus.

Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Un bel hommage que celui rendu par Kaouther Adimi, dans Nos richesses, à Edmond Charlot, un passeur de livres, à la fois libraire, éditeur à Alger où il ouvrit en 1936, une librairie, maison d'édition, 2 bis rue Charras. Belle idée aussi de la part de cette jeune auteure algérienne de l'avoir fait revivre à nos yeux en imaginant les carnets qu'il aurait tenus : "J'imagine le carnet qu'aurait tenu Edmond Charlot, entre 1935, un an avant l'ouverture des Vraies richesses et 1961, un an avant son premier départ de l'Algérie."
Cette forme littéraire lui permet de se glisser dans la vie de cet homme, en en restituant le caractère exceptionnel sans verser dans le panégyrique ou l'hagiographie.
En effet, les faits parlent d'eux-mêmes. Homme passionné de littérature et découvreur de talents, il fit de sa librairie une sorte d'auberge espagnole où se croisèrent les plus grands écrivains de l'époque : Camus, Jules Roy, Fouchet, Kessel, Roblès, Gide, Garcia Lorca... Editeur engagé et militant, il dut aussi à plusieurs reprises payer cher le prix de ses convictions : emprisonnement sous le régime de Vichy, plasticage de sa librairie en 1961 par l'OAS, qui le laissa sans un sou et surtout désespéré par la perte de manuscrits qui lui étaient chers !
Notre Don Quichotte de la littérature et de l'édition n'était pas non plus, de son propre aveu, un homme d'affaires très avisé. Et les grands éditeurs parisiens n'eurent de cesse que de le mettre à genoux...
Une belle vie pourtant à défaut d'une belle carrière. C'est vraiment ce que j'ai ressenti en lisant ces fragments très bien documentés.
J'ai été beaucoup moins impressionnée par la partie fictionnelle imaginée par l'auteure et dans laquelle nous côtoyons, dans un cadre qui est celui de notre époque, deux personnages Ryad et Abdallah. L'un étudiant chargé de faire place nette dans la librairie, l'autre, dernier employé de la librairie devenue annexe de la Bibliothèque Nationale.
L'espace du roman est à mes yeux trop restreint pour leur donner le temps d'exister vraiment en tant que personnages. Autre ressenti : même si certains passages ont un fort pouvoir d'évocation, j'ai eu l'impression, à lecture de ce livre, d'une écriture qui se cherchait encore...
Nos richesses n'est que le troisième roman de Kaouther Adimi : elle a devant elle de belles années d'écriture pour déployer son talent. C'est ce que je lui souhaite !
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Un livre qui a pour terrain de jeux Alger… L'Alger des années 30 à 60, le réel, celui d'Edmond Charlot, premier éditeur et ami de Camus… L'Alger de 2017, celui fictionné par Kaouther Adimi… Comment ce livre peut-il être entré dans ma vie alors que cet Alger y était entré cinq ans avant en 2017 justement… L'année où j'ai découvert Alger, l'année où j'ai cherché à retrouver les maisons de Camus à Alger, celle de sa mère où il a grandi… celle qu'il a lui-même racheté, dans la même rue de Lyon, aujourd'hui rue Belouizded… Je me rappelle cette ballade, cette quête immobilière avec mon épouse dans cette rue, cette rencontre avec des Algérois devant la maison de sa mère, qui nous racontent des tournages de film devant cette maison… la rencontre avec le bijoutier qui a sa boutique en bas de la maison de Camus, les discussions sur le trottoir autour des regrets que la maison ne soit pas devenue un musée, sur la place que n'a pas su donner l'Algérie à son enfant qui a quand même obtenu le prix Nobel… mais chut, on pourrait nous entendre nous plaindre du gouvernement… Toute cette belle journée… et savoir maintenant que je suis passé sinon dans la rue (rue Hamani aujourd'hui anciennement Charasse) au moins juste à côté puisque notre hôtel était proche de la place de la Grande Poste, non loin de la gare où nous étions arrivés… juste à côté de cette librairie où Camus s'asseyait sur le pas de porte pour écrire ces premiers mots d'écrivain… J'ai tant raté ce pèlerinage au moment même où Kaouter Adimi l'écrivait !


J'ai donc pris un plaisir immense à cette lecture, ce joli patchwork mené de main de maître par une jeune auteure, qui sait par son personnage principal que la valeur n'attend pas le nombre des années, puisque Charlot a fondé cette librairie-bibliothèque-maison d'édition à 21 ans. On passe facilement de l'Alger de l'époque à celui d'aujourd'hui, de cette librairie de légende à cette fermeture et ce remplacement par une boutique de beignets. L'auteure parvient à retracer l'Histoire complexe de l'Alger de l'Occupation comme de celui des luttes pour l'indépendance, jusqu'à même évoquer la décennie noire, tout cela avec un témoin tellement plongé dans ses soucis d'éditeur et de manque de moyens financiers mais aussi de moyens bassement matériels (plus de papier, plus d'encre) que l'Histoire n'est presque qu'accessoire. L'intelligence du choix du journal fictif de son personnage, le joli duo Abdallah-Ryan de 2017, le vieux dernier gérant de la librairie face au jeune ingénieur chargé lors d'un stage de débarrasser sans état d'âme cette librairie pourtant si pleine d'histoire ; le « nous » lancinant des témoins du quartier, ces Algériens spectateurs de l'Histoire comme de cette histoire, qui nous embarquent du coup avec eux dans ce « nous » inclusif et nous font traverser tant d'émotions.


Un petit bijou qui réserve des surprises jusqu'au bout du récit, une pépite de moins de 200 pages où l'amour des livres et de ceux qui les font vivre, libraires, bibliothécaires, éditeurs engagés, suinte de chaque mot.
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Beaucoup! beaucoup! aimé ce livre! Lu en une demi-journée.
Je ne ferai pas un long commentaire, je vous renverrai à l'excellent billet de notre amie Oran qui analyse très bien cet ouvrage.
Mon enthousiasme provient du fait que j'ai eu la sensation de participer à l'aventure avec Edmond Charlot, de ressentir l'excitation qui accompagne la naissance d'un projet. J'ai partagé aussi ses soucis financiers et regretté comme si j'y étais associée, la fin de l'aventure!
Quelle richesse culturelle que cette petite librairie, quelle effervescence intellectuelle, littéraire, dans cette petite échoppe, à Alger! Extraordinaire! Que des noms illustres!
Le peintre, Sauveur Galliéro, (que je ne connaissais pas, donc internet) aurait inspiré l'Etranger de Camus!
Quelle bonne idée d'intégrer, pour donner plus de consistance à la fiction, les supposés carnets d'Edmond Charlot
De grands moments d'émotion émanent de cette fiction. Tous ces fantômes qui prennent vie autour d'Edmond Charlot sous la plume de Kaouther Adimi et qui provoquent des visions comme celle de Saint-Exupéry qui confectionne des petits avions en papier entouré des enfants. Ou comme Mouloud Feraoun que je ne m'attendais pas à rencontrer dans cette librairie alors que son livre est dans ma PAL depuis trop longtemps. Honte à moi!
J'ai aimé Abdallah, ce grand sage! Comme j'ai souffert de voir des livres maltraités.
Il y a aussi des passages douloureux dans ce récit ayant trait à la décolonisation de l'Algérie.
Vraiment, pour les amoureux des livres que nous sommes, une très belle découverte!



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Un très beau livre salué par un très beau prix largement mérité et je fais confiance aux jeunes pour leur goût et leur sensibilité.
Nous sommes en Algérie où Edmond Charlot décide de porter la culture "au coin de la rue". Sa librairie accueillera de nombreux et célèbres auteurs, vivra des moments magiques, avec Saint Exupéry, par exemple,mais aussi Camus,Giono,Gide,Roy et bien d'autres.
"Les richesses", c'est un lieu improbable où même les gens qui ne lisent jamais passent avec respect.
Edmond Charlot, c'est un homme de coeur, de passion, un passeur dont le journal personnel nous révèle une mission: valoriser ceux pour qui la culture n'est pas négociable, ignorer les ennemis, les jaloux, se ruiner et faire le maximum malgré les pénuries de papier, par exemple, et les coups bas de concurrents avides de gains.
Et puis, encore des révélations sur "les événements d'Algérie ". La culture plus forte que l'ingratitude des hommes? Pas si sûr.
Un petit livre à même de susciter bien des interrogations.
Au fait, si vous passez à Alger, n'oubliez pas de vous rendre au " 2bis, de la rue Hamami, vous y trouverez de "vraies richesses".
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