Jérusalem

La voie romaine pose son couvre-chef sur la porte de Damas, portant une fleur en direction de Bab El Oued-Cardo-Decamanos. Byzantins, Omeyyades, Abbassides, Crosiés, Ayyubides, Mamelouks, Anglais - leurs voix retentissent aujourd'hui encore, et l'on peut toujours voir les chambres où ils dormaient, ainsi que les lits des courtisanes.

Oui, amers sont tous les fruits dans ces rues.
Malgré cela, te voilà poursuivant ta route avec plus d’insistance que
Le mâle affamé des fourmis.
Faisant de tes pas les cordes d’une musique encore inexistante.
Entouré par les roseaux des rêves dont la virilité répugne aux ovules
Du doute.
 
Tu crois que ton lit est une autre nuit.
Quelqu’un te chuchote :
La nuit aussi ment, même si elle est l’amie la plus fidèle du soleil.
Sauf que tu as pris l’habitude de toujours commencer à zéro,
Parce que tu as pris l’habitude de humer le parfum de l’infini.

Jésus que la paix soit sur lui est né et a parlé au berceau à Jérusalem,
Il a reçu du ciel la table servie à Jérusalem,
Il a été élevé dans le ciel à Jérusalem,
Il descendra du ciel à la terre à Jérusalem.
Abraham que la paix soit sur lui a migré de Cotha à Jérusalem,
Le Prophète a effectué son voyage nocturne à Jérusalem,
La migration de la fin des temps a lieu en direction de Jérusalem,
La voie droite sera tendue entre l’enfer et le paradis depuis Jérusalem,
Israfel soufflera dans la trompe à Jérusalem,
 
 
Et la baleine qui porte les terres sur son dos
Sa tête là où point le soleil
Sa queue au crépuscule,
Son corps sous Jérusalem,
La terre entière peut être dévastée seule Jérusalem sera prospère,
Le premier endroit construit sur terre sis au rocher de Jérusalem.

« Prophète d’Allah, quels sont les plus aptes à entrer au Paradis ?
— Les prophètes.
— Qui d’autre ?
— Les martyrs.
— Qui d’autre ?
— Les muezzins de Jérusalem. »
 
« Nul martyr n’est tombé, en terre ou en mer,
Sans qu’il n’écoutât l’appel à la prière chanté depuis le ciel
Par les muezzins de Jérusalem. »

Aussi laboures-tu le vide, et jamais n’auras-tu de miracle. Ton corps ne compte que les crevasses, et ton sang dans une lente, très lente agonie.
Le ciel a-t-il fauté en toi, ou bien connais-tu un autre fauteur plus arrogant et exterminateur ? Et voici tes contrées : elles ne se mesurent qu’en lambeaux.

Jérusalem est un rêve – une langue. Une langue où l’histoire se mélange à ce qui la précède, à ce qui la suit. Mélange à l’homme et à la réalité, aboutissement et inaboutissement. Elle est le sable et l’eau – à toi de modeler ce que bon te semble 
 
(…)
 
… « Dieu s’est adressé à Moïse à Jérusalem,
Dieu a pardonné à David et à Salomon à Jérusalem,
Dieu a rendu à Salomon son règne à Jérusalem,
Dieu a annoncé Jean le Baptiste à Zacharie à Jérusalem,
Dieu a consacré à David les montagnes et les oiseaux à Jérusalem,
Gog a dominé la terre entière, sauf Jérusalem,
Sa défaite a été scellée par Dieu à Jérusalem,
Marie que la paix soit sur elle a reçu les fruits d’hiver en été
Et les fruits d’été en hiver à Jérusalem

— Lis ton horoscope, histoire, tu verras comment les illusions tournent en tours de vérités.
— Au lit de l’astronomie se livre le corps de l’histoire. Le voici défaisant ses boutons.

Le chemin est un fil d’araignée. Il est un univers non voyant qui a englouti un univers aveugle. Les villes sont agonie et le temps une huppe de passage.

Le destin des fourmis est de parler à Salomon.
Mais les astres ne le peuvent pas.
Peut-être est-ce pour cela que prophétisent les fourmis :
Les ceintures. Les masques. Les tranchées. Les bulldozers. Les bombes. Les missiles. Les valises. Les roues. Les intelligences artificielles.
Ce sont les jours à venir.
Peut-être est-ce pour cela
Que le ciel se transforme en trou secret dans le toit de l’histoire.
 
« Jérusalem est la terre du rassemblement ultime et de la résurrection. »