Construit comme une fiction romanesque, ce long, intense et étonnant poème philosophique, empli d'érotisme et de réflexions sur le paradoxe de la fugacité et de l'éternité de l'amour, se déploie autour de la découverte archéologique d'une sépulture, celle des Amoureux de Sumpa, deux squelettes en position amoureuse dans un cimetière précolombien équatorien. Trois temps forts traversent l'écriture poétique de
Jorge Enrique Adoum dans cette oeuvre : l'amour, le langage et l'ironie.
Une voix narrative poétique, absorbée dans la contemplation des amants chargés d'Histoire, symbolisant le passé, admire leur innocence et leur absence de sacralité, révélant un conflit interne au regardeur, celui de l'insatisfaction et du désordre émotionnel de l'homme contemporain. A partir de cette vision désenchantée, le poète interroge la notion d'éros, sorte d'instance primordiale enchâssée dans un temps cosmique.
Les amants de Sumpa, dans leur nudité spirituelle et leur éternelle jeunesse, ont rencontré la mort dans le plaisir et ont atteint à tout jamais l'éternité, loin de l'homme moderne aux amours fugaces et à la culpabilité permanente.
Ironiquement, Jorge Enrique Adum dénonce cette artificielle culpabilité imposée par une société dont le système de valeurs dénie tout amour et érotisme. le poème devient alors une invitation au retour à la pureté initiale déculpabilisée. Reste le pessimisme de l'auteur qui clôt ce superbe poème, attendri par les Amoureux de Sumpa, mais empli de la triste certitude que l'homme moderne est voué à ne plus savoir aimer.
Cette oeuvre très originale éclaire une dimension d'importance de la poésie de
Jorge Enrique Adoum : le langage. Ici, l'amour et les corps des amants sont langage et grammaire. Leur état initial d'innocence devient une sorte de pré-langage pur mais aussi silence des signes, que cette poésie finalement risque de corrompre.
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