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Citations sur Des âmes simples (43)

Déjà on est à cette heure où l'aube prend des airs de pleine lune. On voit dans l'obscurité. Les objets reprennent forme, comme un dessin dont on reconnaît peu à peu les courbes. Plus loin, le chevrier trait ses bêtes. En ville, les éboueurs balaient dans le verre brisé et les odeurs méphitiques. Vies parallèles des heures creuses. Silence radio. Un jour, on sera tellement sur terre que la vie ne s'arrêtera plus. On sera obligé d’avoir deux gouvernements. Un pour le jour, un autre pour la nuit. Les métros rouleront toutes les deux minutes, trimbalant les mêmes travailleurs en quantité. La nationale ne désemplira pas. A Sarrance, il n'y aura plus de dimanche sans camion. Le rêve des salles de marché et des financiers camés. Ça viendra. De jour comme de nuit, la même foule. Il faudra des casques audio pour écouter le silence. Alors oui, à quelques campagnes sera épargnée cette vie sans limites. Mais au rythme où on les quitte, elles seront bientôt des no man's land. La nature aura repris tous ses droits. Celui d'étouffer les granges, de faire éclater la pierre et de chasser les ruines. Le silence déjà fait peur. Celui-là sera terrifiant.
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Certains endroits élèvent. Ils ont été choisis de longue date pour que Dieu parle aux hommes. L'abandon ne les guette pas. Ils ne passeront jamais.

Albert et Pierre ? Ils sont de Dieu, justement. A quoi bon invoquer les saints si on ne reconnaît pas ceux qui nous entourent. Dans leur vallée, dans ce gouffre, inconnus, ils passent sur cette terre. Cela existe, les saints. Et nous ne le dirions pas ?
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Sur la route du retour, j’ai l'esprit en friche, contaminé par l'image de cette gare aux abois. Les paysages à l'abandon me préoccupent. Cette idée qu'on ne va jamais contre la nature. Elle reprend, et elle a le temps avec elle. De quelques mauvaises herbes sur un rail au séisme, de l'infiniment petit au colosse, la nature fait sa loi, dans les Pyrénées et partout. La terre craque et bouge dans ce pays balafré. A l’été 1967, au pied de la Pierre Saint-Martin, trente-cinq secondes ont suffi à ravager le bourg d'Arette. A Canfranc, il a fallu plutôt trente-cinq ans pour rendre les lieux décadents. Gardons-nous de toute ambition. Cette terre reprend. Elle balaie derrière l'homme.
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Je me retourne et devine alors les clochards de ce matin. Il y a le plus épais aux yeux caves, le visage broussailleux, la peau rouge caroubier. Il dévisage les statues, les mains dans son manteau. Il observe une fresque, retire une poussière qui l'irrite. L'autre s'est avancé dans le narthex. Il s'arrête et regarde vers le chœur. Ses yeux de loup percent la pénombre, ils l'éblouissent presque. Ses yeux giclent jusqu'à nous.

Xavier se recule et leur fait signe de venir. Il faut tout le monde pour prier la Vierge. Ou simplement pour être l’un à côté de l'autre, à espérer la lumière. Les clodos, les défoncés, vous qui zonez sur la route, ralliez-vous. Venez voir, vous arrêter un moment. La contemplation est une vraie vie rebelle, notre satori. Les beatniks ne sont plus là où l'on croit.

Rejeter l'esprit de ce monde, c'est savoir le contempler. A l’ombre d'une chapelle, sous les coupoles d'ardoise d'une église en pays de montagne. Sur les chemins où la nature est reine à l’aube, dans les raies de la première lumière. Après tout, nous sommes tous des âmes simples et perdues. Des hères qui rôdaillent en fond de vallée, incapables à la hauteur. Faibles à l'espèrance.
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Albert est du Béarn, où il a été ordonné prêtre en 1951. L'accent du pays cogne si fort sur sa langue qu'il pourrait être originaire d'un pays de l'Est. Ses fins de mot sautillent, le « m » et le « n » rejinguent. Les lettres râpent dans sa bouche où le français semble être une difficulté. Je m'amuse alors quand Albert fait remarquer mon accent.

La bouche trahit un pays. Ces mots en commun que nous prononçons autrement. On pourra parler de saccage quand la génération Hanouna aura détruit sa langue, cariée par le langage télévisé et ses slogans.

Et si je me fie aux repères culturels, aux messages publicitaires qui m'entourent, je suis plus proche d'un Londonien ou d'un New-Yorkais que d'Albert. Là-bas, derrière l'Atlantique, ils ne parlent pas la même langue que moi, certes. Mais nous partageons le même langage. Celui des marques, des icônes télévisuelles. Cette grande culture mondialisée distribuée en douceur à domicile. Plus rapide encore que le livreur de pizzas américaines.

Formidable. Hourra. Le biberon de I'enfant sage.
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Jusqu'au peut-on supporter le divorce avec la femme qu'on aime ?

Assister au spectacle de la mère de ses enfants avec un autre ?
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Autour de nous, le pays s'affole dans les coups de vent. La pluie qui éclaboussait par saccades tombe dru. Et les murs fiévreux de la chapelle dégoulinent. Ils suent.

Pierre poursuit :

« Le cérébral est l'ennemi du cœur. Tu ne viendras pas à la foi par l'intelligence. Par les livres, la philosophie, la théologie. Je crois que l'intellectuel ne voit que la pointe émergée de l’iceberg. Alors qu'avec le cœur, je dépasse mes schémas. Les murs tombent, un à un, par pans entiers.

- Cela peut être si dur à entendre. On a parfois l'impression que ceux qui croient sont déconnectés, ou bien qu'ils se rassurent. »

Pierre sourit doucement.

« Croire, c'est faire le passage de l'intellect à la réalité, à l'expérience. Ce n'est pas une échappatoire ou une fuite. Au contraire. La foi est une épreuve de la réalité. Il faut éprouver pour aimer. Regarde, Dieu s'est fait homme. II a épousé la condition de l'homme pour éprouver sa réalité. Et l'aimer jusqu'au bout. »
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«  Je m’assois sur un banc au fond de l’église.
La salle d’attente du pauvre, sans néons ni « Paris Match ».
Tant qu’elles garderont leurs portes ouvertes, les églises resteront cette terre d’asile, une sébile d’intentions .
On vient chercher la protection à l’ombre des statues à la peinture fanée . »
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Ces personnes qui n'élèvent pas la voix, préfèrent se taire plutôt que de se faire entendre à tout prix. Les hâbleurs de comptoir et procureurs d'autobus y voient des "soumis" et des "trop sages". Des gentils qui tout acceptent. Car aujourd'hui, ne pas ouvrir sa gueule pour aboyer est un aveu de faiblesse. Certains ont pourtant choisi le silence, et leur parole est précieuse.
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Tu dois avoir chez les marins le même respect qu'ont les montagnards envers la nature.
Tu vis de la montagne comme tu vis de la mer, mais tu te construis aussi face à elle.
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