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Critique de Marti94


J'ai fait un beau voyage en Italie et c'est Pierre Adrian qui a tracé la route. Avec « La piste Pasolini » le jeune homme a écrit son premier livre pour la rentrée littéraire de septembre 2015 et je lui dis bravo.
Il n'a pas cherché à expliquer son assassinat sordide, ce qui aurait pu être tentant. Il n'a pas non plus construit son parcours autour de l'oeuvre très complète de l'auteur Italien. Il a choisi de raconter la géographie de Pasolini en se rendant sur les lieux où il a vécu pour essayer d'être en osmose avec l'homme, l'individu, le poète qu'il admire. Car Pierre Adrian est un jeune étudiant de 23 ans bien loin des clichés « peoples ». Il explique qu'il n'est pas seulement fasciné par le poète dont les livres font naître en lui une émotion douloureuse mais qu'il a un appétit pour la vie que Pasolini dépeint merveilleusement, torturé par un mal de vivre.
Parce qu'effectivement, l'oeuvre est celle d'un Homme bousculé toute sa vie et c'est pour cela que je trouve que Pasolini n'est pas un auteur facile, même si je suis loin d'être une spécialiste. Je connais un peu son théâtre et ses films ainsi que l'homme engagé mais j'ai découvert le poète.

Ce récit proche du journal de voyage a pour particularité de s'appuyer sur les textes de Pasolini qui sont cités pour étayer les propos de Pierre Adrian qui raconte les faits marquants de la vie tourmentée de PPP (belles initiales de Pier Paolo Pasolini).

Il nous emmène tout d'abord sur la plage d'Ostie, à l'embouchure du Tibre où Pasolini est retrouvé mort un lendemain de Toussaint 1975. Il reste une plaque commémorative mais il y a peu d'explication. Nous allons très vite rejoindre la région du Nord, le Frioul, où les funérailles et l'enterrement ont eu lieu à l'époque. Plus précisément au cimetière communal de Casarta, le village d'où est originaire Pasolini. Il y repose dans le même caveau que sa mère qu'il vénérait et qu'il n'a jamais vraiment quittée. Dans ce cimetière se trouve aussi son frère Guido, mort jeune pour voir défendu ses idées pendant l'occupation allemande.
A Casarta, Pierre Adrian va rencontrer Angela et Andrea du Comité de mémoire de Pasolini ce qui prouve qu'il n'est pas totalement oublié par ses compatriotes.

Après Versuta, San Vito et Trevise c'est à Rome que le poète va vivre. Il y sera productif, fasciné par la représentation, qu'il s'agisse de peinture, théâtre ou cinéma, mais sera aussi victime de harcèlement parce qu'il défend des idées hors du commun et aussi parce qu'il a été accusé de détournement de mineurs et qu'il est mal regardé pour son homosexualité.
Toute sa vie, PPP va se battre : il va défendre la langue des anciens, le dialecte de Frioul, il va lutter contre l'absurdité du système de consommation, contre la télévision, il va s'engager politiquement.
Il a été communiste mais surtout et d'abord, il est antifasciste. Et comme l'écrit Pierre Adrian « Pasolini s'est bâti sur les cendres de Gramsci. Je me construis sur les braises de Pasolini ».
Antonio Gramsci est un membre fondateur du Parti communiste italien, dont il fut un temps à la tête, qui a passé une grande partie de sa vie en prison sous le régime mussolinien. Il avançait l'idée que les intellectuels modernes ne se contentaient pas de produire du discours, mais étaient impliqués dans l'organisation des pratiques sociales L'intellectuel organique comprendrait par la théorie mais sentirait aussi par l'expérience la vie du peuple.
Pasolini avait cette expérience ; d'ailleurs, il est devenu communiste au contact des ouvriers agricoles du Frioul.
Il connait aussi l'humilité et la générosité du chrétien de chapelle alors que la religion le répugnait pour ses règles moralisantes.
Sa pensée Pasolini l'a exprimée dans des textes puissants, parfois violents et par des images qui ont parfois terrifiées mais il a toujours été une personne extraordinaire, honnête et proche de ses collaborateurs comme en témoigne Carlo di Carlo, son assistant au cinéma.

On voulait le bâillonner et les difficultés l'ont affectés toute sa vie. Pasolini ira donc chercher dans la banlieue de Rome une consolation a sa vie de paria. Il s'éloigne là où il n'y a pas eu l'exposition universelle de 1942, dans le quartier de l'EUR. Puis, la tour de Chia, isolée, sera son dernier refuge avant la mort.

Même si je ne suis pas toujours d'accord avec les positions radicales Pier Paolo Pasolini comme son refus de l'avortement, je trouve que ce livre donne envie de mieux le connaitre. Il est plein d'émotion d'autant plus que les témoignages ponctuent le chemin que va suivre pierre Adrian. Et puis, il ne faut pas oublier la bande son proposée par l'auteur : le piano de keith jarrett dans Köln Concert.

Lu dans le cadre d'une opération masse critique, ce livre est un bel hommage.


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