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André Markowicz (Traducteur)Françoise Morvan (Traducteur)
EAN : 9782742728176
304 pages
Actes Sud (06/07/2000)
3.78/5   68 notes
Résumé :

Tchékhov écrivait au sujet d'Ivanov : "C'est la première fois que j'ai fait une pièce, ergo les erreurs sont obligatoires. Le sujet est compliqué, mais pas sot. Chaque acte se termine comme mes récits : je conduis l'action paisiblement, et à la fin, j'envoie au spectateur un coup sur la gueule [...]. Si mauvaise que soit la pièce, j'ai quand même créé un type qui possède une signification litt... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Ah ! Revoilà du bon Tchékhov pur jus, première pression à froid !

Bien que cette pièce en quatre actes soit précoce dans la production de l'auteur, tous les ingrédients qu'il affectionne y sont déjà : la vie de campagne ennuyeuse à mourir, les amours non partagées, la mesquinerie, l'envie, la bêtise, l'avarice, la médisance, sans oublier quelques belles âmes qui se consument pour rien parmi cette moisissure, cette flétrissure et le tout couronné d'une extrême sensation de " voie sans issue ".

Cette pièce, Ivanov, est brève, peut-être un peu trop vite expédiée quant à la forme, mais elle est forte et profonde sur le fond. Anton Tchékhov nous sert un trentenaire, naguère riche, brillant et très en vue mais qui s'est laissé cuire dans le jus de ses désillusions. Ajoutons à cela le filtre de la vision des gens ordinaires, qui interprètent tous ses agissements à leur sauce, lui prêtant des visées ou des sentiments qu'il n'a pas.

Il est vrai qu'il peut paraître tentant de conjecturer car Ivanov s'est marié à une juive de famille riche. Sa charmante et follement amoureuse Sarah n'a pas hésité à tout abandonner pour lui : famille, religion, identité, richesse. Les parents juifs ayant très mal vécu la spoliation culturelle et identitaire de leur fille ont refusé de lui léguer leur magot.

Et la pauvre Sarah, devenue entre temps Anna Pétrovna, a été bien mal payée en retour de tant d'amour : Ivanov la laisse dépérir dans son coin. Il est toujours fourré chez les Lébédev où, comme un fait exprès, l'unique fille de la famille, Sacha, seule héritière de la fortune de sa mère, lui fait les yeux doux. Étrange coïncidence, n'est-il pas ? On comprend que les cancans aillent bon train et que le comportement d'Ivanov soit jugé trouble par ses plus proches voisins...

Tchékhov sait nous brosser un portrait subtil, ambigu, complexe et dense de son héros, en proie au doute et au nihilisme. le contraste entre ce que l'on sait d'Ivanov, ce qui se déroule sous nos yeux et ce que les autres en disent est, de mon point de vue, le grand point fort de la pièce.

Ce serait mentir, probablement, que de prétendre que cette pièce n'a pas de défauts ou qu'elle est la meilleure de son auteur, mais peut-être serait-ce mentir tout autant que d'arguer qu'elle ne vaille pas le coup d'être lue ou vue.

Personnellement, j'hésite dans mon évaluation entre 4 et 5 étoiles ; cinq parce que je l'ai trouvée particulièrement réussie quant à la densité et aux multiples facettes du personnage central, quatre parce que certaines ritournelles comiques ou supposées telles, comme les joueurs de cartes, m'ont un peu parues lourdes, inutiles et loin de la grande finesse de propos de l'ensemble. Mais vous l'aurez compris, sans doute, une fois encore, tout ceci ne représente que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de choses.
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Quelle superbe pièce !... Quelle magnifique pièce !... Quel talent dès la troisième oeuvre !...
On trouve dans "Ivanov" tout ce que j'aime chez Tchekhov : la psychologie des personnages, l'art du dialogue, l'atmosphère bien spécifique des oeuvres de l'auteur de "La Mouette" et la peinture des moeurs.
D'une grande profondeur psychologique, "Ivanov" explore en creux les tourments de la condition humaine.
Mais c'est surtout une pièce superbe, parfaite, un Tchekhov comme je les aime…
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Tchekov nous sert dans cette pièce, comme d'habitude, de la lassitude. On le sait, ses personnages sont souvent emprisonnés dans une espèce de cercle vicieux. Mais ici, l'atmosphère n'est pas aussi sombre, ni désolante, ni lourde, les personnages ne sont pas non plus cloitrer dans la passivité, il n'y a certainement pas d'action comme tel mais il y a cette volonté du changement. Ivanov veut s'échapper de l'ennui conjugal, et Sara sa femme qui déjà s'est dressée contre sa famille, a renié sa religion, à renoncé à son héritage de sa famille pour se donner corps et âme à son mari, va déployer ses derniers efforts pour lutter contre sa maladie, la tuberculose, et pourquoi pas regagner le cœur de son mari. Autour d'Ivanov gravitent des personnages culottés, futés dans la médisance, impitoyables dans leurs jugements, cyniques dans leurs raisonnements...
J'ai vraiment savouré cette belle pièce!
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Ivanov traîne son ennui dans une société russe en pleine déréliction, ruinée, désoeuvrée, en proie aux profiteurs et agioteurs de tout poil.

Sa paresse désenchantée couvre un désespoir profond: à 35 ans, il se sent un vieillard.
La femme qu'il a aimée se meurt de tuberculose et il assiste impuissant à ce naufrage sans même sentir une souffrance : elle a tout quitté pour lui, ses parents et sa religion - elle est juive dans cette société russe viscéralement antisémite que le deyfusard Tchékhov connaît bien- l'aime-t-il seulement encore ?
Autour de lui s'agite un monde de pique-assiettes cyniques, de lâches ivrognes, de cupides ambitieux et de nouveaux riches vulgaires.

Ivanov jette sur ces turpitudes un regard lucide et amer, mais il ne juge pas: il se sent tellement coupable lui-même.Une sorte d'Hamlet russe qui se gausserait de lui-même.

Egoïste, nombrilique, geignard et sans empathie il se fait horreur et nous fait horreur, et pourtant, lentement, son épuisement et son spleen nous deviennent étrangement familiers. Compréhensibles, proches. Si modernes....

Deux êtres- deux femmes- échappent à ce jeu de massacre: Sarah, sa jeune femme, mourante mais aimante et qui presque jusqu' au bout, le défend et le soutient et Sachenka, une toute jeune fille fervente, amoureuse, qui croit à l'amour qui sauve, à l'amour qui engage. L'une ne vivra bientôt plus, l'autre n'a pas vraiment commencé. Elles ne sont pas encore ou déjà plus entachées du péché d'exister.

Il y a aussi un jeune médecin, un humaniste, un sincère, qui entend dire à Ivanov toutes ses vérités. Mais, on le sait, l'enfer est pavé de bonnes intentions, et cet humaniste est sans doute le pire de tous,c'est en tous les cas celui qui est le moins à même de comprendre Ivanov et de le sauver.

Cette première pièce grave de Tchékhov, alors jeune médecin de 27ans, est dense, longue mais jamais ennuyeuse grâce à l'acuité et à la férocité drôle des répliques, des situations et des caractères. On rit beaucoup...même et surtout quand on a le coeur en charpie...

Une vraie découverte...Mise en valeur par la mise en scène subtile et si juste de Luc Bondy à l'Odéon, c'est une "lecture" fabuleuse de ce beau texte!

A aller voir et à relire après, pour savourer...
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"Je me fais l'effet de vivre dans un cabinet de curiosités ; je regarde et je ne comprends rien" déclare à l'avant dernière scène de la pièce Lébédev, le père de Sacha, la fiancée qui attend le départ du cortège vers l'église.
Moi aussi, spectatrice, j'ai eu l'impression de contempler des scènes curieuses sans les comprendre, ou, plutôt, sans vraiment comprendre les liens entre elles, ainsi que sans réussir à percevoir toutes les motivations des personnages.
On passe ainsi d'une scène qui pourrait être une scène champêtre, bucolique, où un couple se déchire, à des parties de cartes où les joueurs ne pensent qu'à s'amuser, aux combines et aux calculs financiers des uns et des autres pour trouver de l'argent, à une scène de jalousie puis à une déclaration d'amour. Oui, tout s'enchaîne et se mêle, du comique gras à la tragédie de la jalousie ou aux tortures du remords. Tout passe sans doute trop vite aussi. Lors de son anniversaire, Sacha réclame du bruit, de l'agitation, de la nouveauté, tout ce qui pourrait la sortir de l'ennui et de la torpeur ; et c'est comme si la pièce elle-même devait être pleine de mouvement, quitte à sacrifier l'approfondissement des personnages.
Je n'ai ainsi pas apprécié le personnage principal, cet Ivanov qui ne sait semble-t-il pas ce qu'il veut, un enthousiaste devenu vieux trop vite comme il se décrit lui-même. Il a beau être le héros de la pièce, on ne perce pas vraiment ses pensées et son coeur. Les personnages féminins sont plus intéressants, Anna et Sacha se ressemblent, elles qui sont prêtes à tout sacrifier par amour, y compris leur vie.
Ce ne sera donc pas ma pièce préférée de Tchekhov.
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Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
Vous êtes encore jeune, vigoureux et j'ai trente-cinq ans ; j'ai le droit de vous donner des conseils. N'épousez ni juives, ni névropathes, ni bas-bleus ; choisissez un être ordinaire, gris, sans couleurs voyantes, sans babillages superflus : bref, organisez votre vie de la façon la plus convenue. Plus le fond sera gris et terne, mieux cela vaudra. Mon cher, ne faites pas tout seul la guerre à la multitude ; ne vous battez pas contre les moulins ; n'essayez pas d'enfoncer les murailles avec votre front [...]. Enfermez-vous dans votre coquille, et faites le petit devoir que Dieu vous a donné... C'est plus confortable, plus honnête et plus sain. Voyez la vie que j'ai menée... comme elle est exténuante ! À un point !... Que d'erreurs, que d'injustices, que d'inepties !
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IVANOV : Zinaïda Savichna, j'ai une prière à vous faire...
ZINAÏDA SAVICHNA : Que voulez-vous, Nikolaï Alekséïevitch ?
IVANOV : L'échéance de mes billets tombe après-demain ; vous m'obligeriez beaucoup si vous m'accordiez un délai ou me permettiez d'ajouter les intérêts au capital. Je n'ai pour l'instant aucun argent...
ZINAÏDA SAVICHNA : Nikolaï Alekséïevitch, est-ce possible ! Quelle manière est-ce là ? Non, au nom de Dieu, n'y songez pas ! Ne me tourmentez pas, malheureuse que je suis.
IVANOV : Pardon, pardon...
ZINAÏDA SAVICHNA : Oh ! saints du paradis, comme il m'a bouleversée ! Je tremble toute... j'en tremble...
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IVANOV : Voici ce que je voulais te dire. J'avais un ouvrier, un nommé Sémione que tu te rappelles. Une fois, pendant le battage, il voulut se vanter de sa force devant les filles ; il se fit mettre deux sacs de blé sur le dos et s'éreinta ; il mourut bientôt. Il me semble que moi aussi, je me suis brisé les reins. Le gymnase, l'Université, puis la vie agricole, les écoles primaires, les beaux projets... Je ne croyais pas à la façon des autres ; je me suis marié différemment ; je m'emballais ; je risquais mon argent, le jetais, tu le sais bien, à droite et à gauche. Je fus heureux et j'ai souffert comme personne dans le district. Tout cela, Pacha, ce fut mes sacs, à moi...
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CHABELSKI : À la longue, Nicolas, c'est barbare. Tu t'en vas chaque soir et nous restons seuls. Par ennui, nous nous couchons à huit heures. C'est une ignominie et pas une vie ! Et pourquoi peux-tu sortir, et pas nous ?... Pourquoi ? [...] Je suis prêt à aller jusque dans le feu de l'enfer, entre les dents d'un crocodile, pour ne pas rester ici. Je m'ennuie ! Je suis hébété d'ennui, et j'embête tout le monde.
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IVANOV : Il a beaucoup de sincérité.
CHABELSKI : Elle est belle sa sincérité ! Hier, il s'approche et me dit à brûle-pourpoint : " Vous m'êtes, comte, profondément antipathique. " Grand merci !... Tout cela avec affectation et prétention au libéralisme... Sa voix frémit, ses yeux étincellent, et ses jarrets tremblent... Que le diable emporte cette sincérité abrupte ! Bon, je le dégoûte ! Je suis mauvais, c'est naturel... je le conçois moi-même ; mais pourquoi me le dire en face ? Je suis un homme de rien, mais tout de même j'ai les cheveux blancs... Honnêteté sans merci, stupide !
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Videos de Anton Tchekhov (48) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Anton Tchekhov
Benoît Jacquot avait réuni Isabelle Huppert et Fabrice Luchini pour un long métrage de fiction, Pas de scandale, en 1998. le cinéaste les a retrouvés au Festival d'Avignon, en juillet 2021, mais séparément cette fois, pour les besoins de son nouveau film, Par coeurs. Un documentaire passionnant sur le travail d'une comédienne et d'un comédien tous deux hors normes, suivis la veille et le jour de la première représentation de leur spectacle respectif : La Cerisaie, de Tchekhov, monté par Tiago Rodrigues dans la vaste cour d'honneur du palais des Papes, pour elle ; un seul-en-scène autour de Nietzsche dans le cadre plus intimiste de l'Hôtel Calvet, pour lui . Avec un scoop : Isabelle Huppert, la perfection faite actrice, est capable de « bugs » comme tout le monde - à savoir, buter inexorablement sur une longue réplique de sa pièce il est vrai assez complexe à mémoriser !
Par coeurs sortira en salles le 28 décembre 2022. En attendant, découvrez sa bande-annonce en exclusivité sur Telerama.fr. le film sera par ailleurs présenté en avant-première à Paris au cinéma L'Arlequin lors d'une séance spéciale le lundi 12 décembre à 20h15. La projection sera suivie d'une rencontre avec Isabelle Huppert, Fabrice Luchini et Benoît Jacquot animée par Fabienne Pascaud, directrice de la rédaction de Télérama - les places sont en vente ici : http://dulaccinemas.com/cinema/2625/l-arlequin/article/138713/avant-premiere-par-coeurs-en-presence-de-benoit-jacquot-isabelle-huppert-et-fabrice-luchini
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Je m'appelle .............?..........." je suis un jeune homme de dix-sept ans, laid, maladif et timide", je passe mes étés dans la "maison de campagne des Choumikhine", et je m'y ennuie.

Nikita
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