Sous le communisme en Roumanie, il y eut une espèce peu connue : l'écrivain mystique, ses textes étant souvent interdits. Dans un genre différent, plutôt fantastique,
Vasile Voiculescu eut plus encore d'ennuis politiques.
Ion Agârbiceanu finit par être réhabilité. Ce recueil réunit ses meilleures, ou en tout cas considérées comme telles, nouvelles. Elles sont toujours lues, plus de cinquante ans après sa mort (1963), l'une d'entre elles ("Fefeleaga") a même été traduite en français par Edmond Bertrand en 1947. Pour la postérité, modeste tout de même, plusieurs explications : le retour de la religion en Roumanie, puis le fait qu'une large partie de la littérature roumaine était traditionnellement centrée autour du village, ce qui a progressivement changé après guerre.
Marin Preda, entre autres, était déjà partagé entre la ville et les champs : Agârbiceanu, pourtant marginal maintenant comme à son époque, est en quelque sorte un classique : par lui le village et les paysans roumains sortent de leur dimension mythique pour devenir mortels. Ce passage ouvre la voie aux changements, et à l'époque, pourquoi pas au communisme, qui s'est par la force des choses accommodé de sa prose. La forme reste traditionnelle : courtes histoires, nouvelles un peu plus importante, le propos fort universel si l'on considère que l'exode rural se poursuit en France aujourd'hui encore. Sur ce point l'avenir a donné raison à Agârbiceanu, chaque nouvelle ou presque se termine par une mort paysanne. L'obsession religieuse frise cependant par moments la bondieuserie. Il en reste une oeuvre d'une grande simplicité : à part les paysans et la religion, difficile d'y trouver un thème, et son constat implacable, que nous nous plaisons lénifier à longueur de "Manger c'est voter" ou "Le bonheur est dans le pré" que la ruralité est morte et n'en finit pas de mourir.