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1936. James Agee part faire un reportage sur les conditions de travail des fermiers blancs et pauvres du sud profond. Un reportage que le magazine Fortune refusera au final de publier. Trop virulent, trop bouleversant. Et, sur, le fond une charge anticapitaliste toujours d'actualité.

Agee s'intéresse à trois familles : les Tingle, les Fields et les Burroughs. Les premiers sont les plus en difficulté. « Les Tingle ne sont plus capables d'envisager l'existence une saison à la fois, ni même un jour à la fois : désorganisés, engourdis, animés en de brefs sursauts, ils flottent dans leur vie comme on dérive sur l'eau, une heure après l'autre. La pauvreté est la cause de leur indifférence ; leur indifférence les enfonce plus profond encore dans la pauvreté ». Les Fields et les Burroughs, tout aussi pauvres, conservent néanmoins « une emprise sur la vie » qu'ils s'échinent tant bien que mal à entretenir.

Après avoir montré comment les propriétaires terriens maintiennent les métayers sous leur coupe et les exploitent sans vergogne, Agee décrit chaque aspect du quotidien de ces familles : l'habitat fait de maisons de bois aux toits perméables et aux murs n'offrant aucune protection contre les frimas hivernaux et les canicules estivales (« pour pousser à terre ces baraquements, il suffirait d'un seul homme décidé ») ; la nourriture, constituée essentiellement de fruits et légumes secs accompagnés de pain de maïs (la viande étant très rarement au menu) ; les vêtements (salopettes, chemises et robes en coton, chapeaux de paille, habits du dimanche, chaussures aussi rares que déglinguées, le tout tâché par la sueur, la graisse, la boue et lavé très occasionnellement) ; la culture du coton, harassante, dépendante des aléas du climat et des attaques de chenilles où la cueillette est un acte simple et terrible qui brise les corps et met à mal l'endurance (un homme cueille en moyenne 115 kilos par jour) ; l'éducation (sur 150 jours d'école, les enfants en manquent généralement la moitié pour aider leurs parents dans les champs ou pour cause de maladie et n'iront de toute façon pas au-delà du CM2) ; les loisirs et les relations sociales, quasi inexistants ; la santé, forcément précaire (les Tingle, par exemple, ont perdu sept enfants)…

Agee pose un regard plein de compassion sur ces pauvres hères broyés par la vie. Sans empathie particulière, il rend dignité et humanité à ces familles ravagées par la misère. Il en profite également pour dénoncer radicalement l'économie ultralibérale d'une Amérique qui, loin du clinquant d'Hollywood et de la modernité des grandes métropoles, laisse une partie de sa population ravalée au rang de bêtes de somme. Édifiant.
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Ce texte est la première version d'un texte devenu mythique : "Louons maintenant les grands hommes."

Ce reportage avait été commandé par le magazine Fortune. Il était demandé à James Agee de rapporter les conditions de travail des métayers du coton dans le sud des États-Unis en pleine dépression économique en 1936. Les métayers représentent près de huit millions de personnes. Agee se fit accompagner par son ami photographe Walker Evans dont on retrouve les photos tout au long du livre. le résultat est une violente charge contre la pauvreté et le système économique. le reportage fut refusé par le magazine et l'auteur le rangea dans ses cartons. Plusieurs années après, il retravailla le texte pour aboutir au livre "Louons maintenant les grands hommes", qui sera publié en France dans la remarquable collection "Terre Humaine" chez Plon.

Cette version originale n'a été découverte que récemment après la mort de l'auteur. Elle se distingue par son style sobre et des descriptions parfois cliniques de ce que l'auteur a vu. le récit est d'une grande force et l'on ne peut qu'être triste face à cette misère humaine. On constate aussi que si beaucoup de choses se sont améliorées pour un grand nombre de gens, le système actuel n'a pas vraiment évolué. Ce livre raisonne d'autant plus aujourd'hui que la "crise" que nous traversons a beaucoup de points communs avec celle des années 30.
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Il faut que je vous parle d'Une saison de coton. Il faut que vous sachiez que ce livre existe, et il faut que vous le lisiez. Je l'ai découvert il y a deux semaines grâce à un article de Dominique Conil dans Mediapart, et je me le suis procuré dès que j'en ai eu l'occasion à la Librairie Greenwich de Rennes que j'affectionne pour la qualité de son fonds et de ses conseils. Cette lecture a été une vraie claque, il n'y a pas d'autres mots.

Il s'agit de la première édition d'Une saison de coton : trois familles de métayers de James Agee, illustré par les photographies de Walker Evans, depuis sa rédaction en 1936. Reportage de commande pour le magazine Fortune, ce court texte est à l'origine du fameux Louons maintenant les grands hommes des mêmes auteur et photographe, livre culte sur les 8 millions de métayers de la Cotton Belt américaine, paru en France chez Terre Humaine et dont j'avoue avoir ignoré jusqu'ici l'existence. Refusé par Fortune, le manuscrit de l'article d'origine n'est réapparu qu'en 2013, sous cette forme brute, dense, et terriblement belle traduite l'automne dernier par les éditions Christian Bourgois.

Une vision du journalisme et de la société

« (…) si la vie d'un métayer est aussi terrible que la description qui a pu en être faite – et elle est pire –, la violence révélera son visage maléfique de manière moins frappante, essentielle et complète dans les épreuves de ceux qui sont les plus maltraités que dans ce goutte-à-goutte régulier de détails quotidiens qui oblitère les vies mêmes de ceux qui sont relativement “bien” traités ».

De son séjour de quelques semaines en Alabama chez trois familles de métayers du coton, James Agee nous livre autant un récit saisissant du quotidien de ces familles dont la pauvreté est extrême qu'une vision du journalisme, presque une profession de foi, en affirmant son refus de donner dans le scandale ou le voyeurisme, en ne relatant pas son expérience intime parmi ces hommes et ces femmes pour au contraire laisser une place grandiose aux faits. Sa description simple, quasi photographique de l'univers des familles Field, Burrough et Tingle parle d'elle-même, s'épargne de longs discours engagés ou dénonciateurs, laissant l'accumulation impitoyables des détails s'exprimer sans faire de concession au pathos.
Cette peinture méthodique, minutieuse des conditions de vie des métayers blancs, par son objectivité et son réalisme cru, suscite chez le lecteur l'indignation qui sous-tend de façon si consciente l'écriture, et qui est sous-jacente dans le regard porté par le journaliste. Loin d'être un observateur neutre, Agee laisse transparaître sa révolte et sa colère par l'orchestration éminemment rationnelle de sa description, traitant de façon systématique tous les besoins vitaux de ceux dont il parle (l'abri, la nourriture, les vêtements, l'éducation, les loisirs, etc.), et par la puissance de son écriture poétique.

« Une civilisation qui pour quelque raison que ce soit porte préjudice à une vie humaine, ou une civilisation qui ne peut exister qu'en portant préjudice à la vie humaine, ne mérite ni ce nom ni de perdurer. Et un être dont la vie se nourrit du préjudice imposé aux autres, et qui préfère que cela continue ainsi, n'est humain que par définition, ayant beaucoup plus en commun avec la punaise de lit, le ver solitaire, le cancer et les charognards des mers. »

L'on pense évidemment à Jack London et au Peuple d'en bas, sa plongée une trentaine d'années plus tôt au coeur de l'East End londonien qu'il surnommera l'Abîme. Il y a bien sûr loin entre London et Agee, ce premier étant plus proche du journalisme gonzo que de la distance sensible prise dans Une saison de coton. Pourtant, face à ce que Agee dénonce comme un « terrorisme » indirect des propriétaires et une société qui est un « mélange vertigineux de féodalisme et de capitalisme tardif », on retrouve chez l'un comme chez l'autre la même amertume, la même rancoeur envers la civilisation. « La civilisation a centuplé le pouvoir de production de l'humanité et, par suite d'une mauvaise gestion, les civilisés vivent plus mal que des bêtes, ont moins à manger et sont moins bien protégés de la rigueur des éléments que le sauvage inuit, dans un climat bien plus rigoureux », conclut Jack London en 1902, déjà.

(...)
(suite de la chronique sur http://louetlesfeuillesvolantes.blogspot.fr/2015/03/une-saison-de-coton-james-agee.html )
Lien : https://lesfeuillesvolantes...
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Alabama, Cotton Belt, 1936. Dans cette région des Etats-Unis où 60 % des gens vivent de la culture du coton, soit environ huit millions et demi d'hommes et de femmes, perdure un système semi féodal. La plupart des terres sont cultivées par des métayers. Ceux-ci sont liés par contrat aux propriétaires qui leur fournissent les terres, l'habitation, le matériel et l'argent. En échange, selon les termes du contrat, le métayer remettra la moitié de la récolte de coton, la moitié des graines et parfois la moitié d'autres récoltes. James Agee, alors journaliste au magazine Fortune, est envoyé en Alabama pour un reportage sur les conditions de travail des fermiers blancs et pauvres. L'article, illustré par les photographies de Walker Evans ne fut jamais publié. Est-ce en raison des critiques sous-jacentes contre un système qui maintient dans une pauvreté de corps et d'esprit des millions de personnes ? Aucune raison ne fut donnée par le magazine. 75 ans plus tard, ce réquisitoire contre un système aujourd'hui disparu dans le sud des Etats-Unis garde toute son actualité car pour James Agee « une civilisation qui pour quelque raison que ce soit porte préjudice à une vie humaine, ou une civilisation qui ne peut exister qu'en portant préjudice à la vie humaine, ne mérite ni ce nom, ni de perdurer. »
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Adam Haslett présente l'ouvrage « la charge d'un poète contre l'injustice économique et sociale » et l'auteur. Un reportage non publié, « Qui peut dire combien de reportages subversifs sur la Grande dépression furent enterrés, ou même jamais envisagées, sous le règne des prérogatives financières dans la presse respectable », la situation de métayers blancs (« mais il existe toujours des fermiers noirs bien plus pauvres et dont le traitement est plus abject encore… » ; James Agee expliquera ce choix), les détails de « la vie quotidienne de ceux qui se trouvent en bas de l'échelle sociale ». Trois familles…

Adam Haslett souligne que l'auteur associe les vies décrites au système responsable de leurs conditions et propose d'« analyser la politique en regardant ce qu'elle produit concrètement »

Le métayage de coton. « le monde est notre maison ». James Agee parle de « ce goutte-à-goutte régulier de détails quotidiens qui oblitère les vies mêmes de ceux qui sont relativement « bien »traités ». le métayage et son contrat, la formation et les conséquences de la dette, l'inscription citoyenne (le cens et cette terrible phrase « Aucune femme n'a jamais ne serait-ce que songé à voter ») et les institutions gouvernementales étrangères ou hostiles, les trois familles, la pauvreté et l'indifférence, « La pauvreté est la cause de leur indifférence ; leur indifférence les enfonces plus profond encore dans la pauvreté »…

L'analphabétisme, les mots, les enfants, les terres, les odeurs, le dépouillement de la maison, l'eau, le corps, la propreté, les animaux…

La nourriture, celle des femmes « qui doit faire autant mais aussi porter des enfants pendant un quart ou la moitié de sa vie adulte », le travail au champ et le travail domestique, les aliments, « les constantes à la mi-journée sont le pain de maïs, les pois et la mélasse », le saindoux, les vêtements…

Le travail. « Peu de métayers s'intéressent vraiment ou on envie de s'intéresser au coton qu'ils cultivent : ils ne le cultivent que pouvoir louer des terres et une maison », le temps et les travaux, les saisons, la cueillette, « la cueillette a lieu chaque jour de pas d'heure à pas d'heure », le travail et la chaleur, le poids des charges, les douleurs, les enfants… « le ciel descend ; l'air devient comme du verre sombre ; le sol durcit ; l'argile se gèle en alvéoles ; les odeurs de porc et de fumée de bois dans tout le pays se font plus franches ; et l'hiver est là »…

L'éducation, lire, écrire, compter, « peu d'enfants de métayers vont au delà du primaire », les « loisirs », les offices religieux…

La suprématie blanche, les samedis, « du vrai petit bois pour tous les crimes allant de la séduction des Négresses au lynchage »…

En annexe, James Agee rappelle qu'un métayer sur trois est un Noir, un homme « que le travailleur blanc naît en détestant et meurt en détestant ». L'auteur parle aussi des propriétaires terriens, de la structure du Sud, « Et si la vérité est plus intéressante et plus complexe, mais aussi plus précieuse que le mensonge, alors il y a tout intérêt à ce que cette vérité soit reconnue »

« Une civilisation qui pour quelque raison que ce soit porte préjudice à une vie humaine, ou une civilisation qui ne peut exister qu'en portant préjudice à la vie humaine, ne mérite ni ce nom ni de perdurer »

Un livre magnifique, poignant, sans misérabilisme et des photos en noir et blancs de Walker Evans fixant des regards et des lieux. C'était il y a moins d'un siècle aux USA…

Comme le dit si bien Adam Haslett : « Appliquée à notre époque, la description minutieuse de l'existence réelle des gens, telle qu'elle fut menée par Agee dans son long reportage dans l'Alabama, permettrait certainement de dissiper un peu de ce brouillard, et nous sortirait de ce fantasme selon lequel nous pouvons tous gagner ou remporter le jackpot ».
Lien : https://entreleslignesentrel..
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« Une civilisation qui pour quelque raison que ce soit porte préjudice à une vie humaine, ou une civilisation qui ne peut exister qu'en portant préjudice à la vie humaine, ne mérite ni ce nom ni de perdurer. Et un être dont la vie se nourrit du préjudice imposé aux autres, et qui préfère que cela continue ainsi, n'est humain que par définition, ayant beaucoup plus en commun avec la punaise de lit, le ver solitaire, le cancer et les charognards des mers. »

Au cours de l'été 1936, en pleine Grande Dépression, le magazine Fortune envoi le journaliste James Agee dans le Sud pour écrire un article sur les métayers de coton frappés par la pauvreté. À la demande d'Agee, le magazine embauche également le photographe Walker Evans pour l'aider à documenter le sort des travailleurs agricoles. Agee et Evans, âgés respectivement de vingt-six et trente-deux ans, voyagent à travers le Sud et choisissent trois familles du comté de Hale, en Alabama, comme sujets. Ils passent deux mois avec eux à prendre des photos et à recueillir des impressions et des informations.
À leur retour leur reportage n'est pas publié, sans doute jugé trop anti-capitaliste, et disparaît de la circulation. Ce n'est que cinquante ans après la mort d'Agee qu'il est retrouvé parmi ses papiers.

Document pionnier du reportage au long cours, « Une saison de coton » est l'oeuvre de deux hommes talentueux. Evans n'est pas un simple journaliste, comme le prouvera la suite de sa carrière. Dans ce réquisitoire contre la volonté d'exploiter les faibles, les impuissants, les pauvres, son écriture littéraire éclate au grand jour.

« De ses yeux jaune clair, ignorants et quelque peu inquiétants, il vous observe en silence. Il se déplace lentement, puissamment, d'une démarche adaptée aux terrains accidentés et, comme beaucoup de gens qui ne savent ni lire ni écrire, il manie les mots avec une économie et une beauté maladroites, comme s'il s'agissait d'animaux de trait labourant une vaste terre difficile. »
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La lecture de ce livre/documentaire -d'une actualité édifiante- m'a bouleversée!

James Agee nous décrit en détail la vie de 3 familles de métayers d'Alabama en 1936 où cohabitent une sorte de féodalisme archaïque et un capitalisme tardif.
Je ne vais pas vous répéter ce qui a été si justement relaté dans les critiques précédentes, mais sachez que vous ne sortirez pas indemne de la lecture d'"Une saison de Coton".

Je n'ai ajouté que peu de citations car il faudrait alors recopier tout le livre tant les descriptions qu'Agee fait de ces personnes sont à la fois tragiquement réalistes et si poétiques!
On sent qu'en réalisant ce reportage Agee et Evans se sont attachés à leurs "sujets" et j'avoue que moi aussi, je me suis mise à les aimer, de sorte qu'en terminant le livre, j'ai cherché à en savoir plus sur eux. Il existe un site "Find a grave" (par exemple) qui donne leurs dates de décès et les liens familiaux...
Les photos,d'une "beauté" tragique hypnotisent et nous hantent bien après la fin du livre.
A lire sans plus attendre!
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https://unmotpourtouspourunmot.blogspot.com/2020/01/une-saison-de-coton-trois-familles-de.html

Une saison de coton est une étude minutieuse et précise de l'ampleur d'une vie à cette époque, à cet endroit, dans une famille blanche et pauvre en Amérique. Elle fut initié en 1936 par le magazine Fortune qui avait missionné ses auteurs. James Agee et Walker Evans se rendaient en Alabama pour y effectuer un reportage sur le métayage du coton.

Cet ouvrage est un bouleversement indispensable porté par des réflexions très contemporaines malgré les années décrites et photographiées. La misère y est campée sans pathos. Les faits sont là, sans fioritures malsaines, on y lit la survit, on y voit la résignation.

C'est une dénonciation presque imperceptible de ce que les « bons gens », ceux justement lisant le magazine Fortune, ne veulent pas savoir, ne pas imaginer, préfèrent mettre de côté. En ce sens, le monde a-t-il vraiment changé ? Les médias ont rendu plus visible les tristesses et les joies possibles peut-être, mais ils les ont aussi noyés dans la masse. Misère, guerre, brutalité, inhumanité la liste est longue des excavations de notre monde… Tellement d'images, de voix que la distance est grande et naturelle à s'installer et qu'elle ne nous soumet plus beaucoup à la regarder de front.

Ce livre a été édité il y a quelques années seulement, il était resté à l'état brut. L'immersion de l'auteur dans ces familles et le texte inspirant et engagé qui avait émergé n'avait pas trouvé preneur, le magazine Fortune l'ayant certainement trouvé trop dérangeant. Ce journalisme documentaire serait certainement associé à du voyeurisme à notre époque mais il est né à une période où la visibilité de tous ces autres existait grâce à ces auteurs et photographes. le photographe Walker Evans n'est plus a présenté, la présence de ses photos rend l'ensemble très émouvant et encore plus éloquent.

Des propos, tellement actuels, qu'ils en sont usants et désolants.
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Une enquête documentaire sur la vie de trois familles de métayers du Sud des Etats Unis, si détaillée qu'il nous semble connaître chaque partie de leur corps, de quoi elle est recouverte, si elle souffre et pourquoi et combien.

Le verbe est recherché et juste, et errant en même temps, qui amène à ressentir la vie même, malgré l'inventaire pointilleux qui est fait de ce que possèdent ou font ces gens dont la pauvreté sidérante pourrait se situer tout à côté de nous.

On ne s'attend certes pas à se laisser entraîner par cette écriture légèrement austère, totalement cynique et sinueuse, et pourtant... La critique qui en ressort est d'une calme virulence. Elle pourrait s'appliquer à de nombreux exemples de nos sociétés contemporaines.

Un vrai bonheur de lecture.
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Un livre apparemment simple témoignage d'une enquête effectuée en Alabama en 1936, parmi trois familles de métayers blancs, les Burroughs, Fields et Tingle. James Agee les choisit car ils ne sont ni trop pauvres, ni trop particuliers, certes blancs, mais pour éviter de se focaliser sur le racisme (une annexe est consacrée à leur vie). On y décrit une vie rude, mais surtout qui semble sans fin, sans perspective. Ils ne sont pas résignés, mais leur univers reste très limité, ils déménagent mais restent proches de la même petite ville. Agee ne cherche pas à dénoncer quoique ce soit, il se contente de décrire un monde que les américains ignorent, un monde loin des images et des perceptions que les américains dans leur grande masse partagent. Un témoignage très poignant de ce que souvent on évite de voir pour que la fiction d'un pays où chacun peut s'enrichir s'il travaille a tendance à nier.
Les photographies de Walker Evans donnent une force supplémentaire au texte de James Agee qui ne sera jamais publié par la revue "Fortune" qui l'avait commandé. Elles sont de la même force que les images de Dorothea Lange, une exposition lui a été consacré il y a quelques années au Centre Pompidou.

https://blogs.mediapart.fr/edition/aux-lecteurs-emancipes/article/021214/une-saison-de-coton

https://fr.wikipedia.org/wiki/Louons_maintenant_les_grands_hommes
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