Très dense et extrêmement intéressant, la France à l'envers analyse les ressorts de la défaite française face au Reich allemand et le putsch politique qui eut lieu lors de la difficile décision entre armistice politique et capitulation militaire.
Ce tiraillement entre politique et militaire sous-tend l'ensemble de cet essai, qui s'attarde sur la nécessité pour la France libre de de Gaulle à trouver des arguments légaux permettant de déclarer l'invalidité du régime de Vichy, et par-là même à autoriser les fonctionnaires ou les militaires à lui désobéir sans perdre leur honneur.
Les relations ambiguës avec la Grande-Bretagne sont également analysées et permettent une meilleure compréhension de la stratégie anglaise, confrontée à la perte de son allié malgré les traités signés, allié non écrasé militairement, et dont les armes, la flotte et les armées régulières pouvaient dès lors être utilisées pour préparer sa propre chute.
J'ai particulièrement apprécié le chapitre sur l'importance de l'Empire français durant la guerre, et sur les situations très diverses que vécurent ses différentes composantes, entre fidélité au régime de Vichy, aventure solitaire ou rattachement à la France libre de de Gaulle. La collaboration indochinoise sous la pression des Japonais, qui permet de servir à ces derniers de base arrière maritime dans le Pacifique, tandis que le Siam grignotait le Sud de l'Indochine, m'en a beaucoup appris sur un front de la guerre que j'ignorais totalement.
L'auteur revient ensuite sur la politique de Vichy auprès de la population et sa collaboration avec l'Allemagne, entre séduction de la puissance occupante et tentative avortée de maintien de la souveraineté française pour négocier plus tard une paix avantageuse pour la France ; situation dont la durée décourage la population, dont une partie est envoyée en Allemagne suite à l'instauration du travail obligatoire, et qui sert entre autres de ciment aux protestations qui s'illustreront dans la mise en place progressive de la Résistance, d'anciennes armées régulières des Alpes par exemple aux organisations anarchiques spontanées, dont le manque de structure sert d'objection aux Anglais pour leur refuser une importante aide en armes.
Véritables kaléidoscope de la société française durant l'occupation, La France à l'envers décrit minutieusement les stratégies sociales, militaires, politiques, légales, voire diplomatiques qui se concurrencent parfois en fonction de l'objectif de leurs instigateurs, et révèle pleinement les fractures d'un pays dont le gouvernement collabore avec l'envahisseur mais conserve des pouvoirs de nuisance importants pour le reste du monde, jetant un flou sur le dialogue à maintenir et les groupes à soutenir dans leur lutte.
Édifiant !
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Un livre dense, documenté sur la France de Vichy, et les conséquences des décisions prises alors sur la société française.
L'auteur réalise un vrai travail de fonds et nous permet de nous immerger dans cette période sombre de nôtre histoire, finalement peu développée qu'était le gouvernement de Vichy.
Lu dans le cadre de la dernière masse critique, je remercie Babelio et les éditions Folio pour cette découverte.
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L’historienne Alya Aglan décortique avec finesse les images d’Epinal qui ont forgé le nouveau roman national édicté par le maréchal Pétain, créant ainsi les conditions d’une véritable guerre civile.
Lire la critique sur le site : Liberation
La dépossession des juifs par les nazis s'opère "d'en bas", sous la contrainte physique et morale exercée par la population. La loi vient sanctionner, après coup, le fait accompli. En France, le processus vient "d'en haut" et comporte un caractère législatif et administratif marqué, obstinément présenté comme une mesure de séquestre et non de confiscation, destiné à éviter les éventuelles réactions de l'opinion publique. Vichy justifie le procédé par sa volonté de protéger les capitaux français face aux appétits allemands, se plaçant ainsi, de fait, dans une spirale de surenchère.
L'occupation allemande [...] ne constitue que le début d'un projet conçu pour le long terme.
Protester, résister, manifester...Que retenir de la Résistance pour demain ?