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EAN : 9782738133830
460 pages
Odile Jacob (06/04/2016)
5/5   2 notes
Résumé :
Comprendre la monnaie dans toute sa complexité, tel est l’objectif de ce livre. En tant que lien entre l’individuel et le collectif, la monnaie transmet la puissance souveraine à l’économie à travers le temps par son emprise sur la finance, donc sur le système des dettes. Mais la liquidité est aussi l’objet de la polarisation des désirs de tous. Maîtriser cette ambivalence implique de construire et de conforter la confiance, car de sa destruction naissent les crises... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Des premières monnaies, comme le Shekel à Sumer il y a 5000 ans à l'euro et au Yuan d'un système monétaire international réformé en passant par la monnaie dokima de Crésus fabriquée avec le minerai du fleuve Pactole, le système bimétallique en Grèce, le tétradrachme de la ligue de Délos, l'ambivalence de la monnaie chez Aristote, les crises financières à Rome, l'invention de la lettre de change par les banques italiennes qui fait naître le capitalisme et le marché monétaire international, la livre tournoi, la création de la banque d'Amsterdam, puis de celle d'Angleterre, son passage à l'ancêtre de la banque centrale, le système de l'étalon-or lors de la première mondialisation à la Belle Époque, les crises de 1907 et 1913, la création de la Fed américaine, les tentatives vaines de rétablissement de l'étalon-or durant les Années Folles, la crise de 1929, le système tripartite mort-né de 1936, Bretton Woods, puis son dépérissement, les quarante dernières années de dérégulation, et nous voilà arrivés à l'euro et au marasme contemporain d'un dollar à la fois irremplaçable et inadapté ; et à envisager un nouveau système tripartite euro-dollar-yuan pour l'avenir. Ouf, quel travail que ce parcours de 50 siècles de crises économiques, monétaires et financières !

Le parti pris de l'ouvrage est de montrer le lien entre la finance et la monnaie et de considérer, à l'encontre des théories "naturelles", que la monnaie précède et autorise la création du marché. La monnaie est un bien public, un lien social. Une dette est un retrait de ressources de la société ; une créance, un droit sur la société ; et un paiement reçu, une reconnaissance d'une contribution par la société. Ce qui génère le besoin de monnaie est le désir de liquidité. La masse monétaire est la capacité de liquidité de la monnaie ; le système monétaire doit garantir cette liquidité. Elle est assurée par la souveraineté politique qui assure le lien social et la pérennité de la société. Sans elle, pas de confiance, et pas de monnaie qui vaille. Mais comment faire alors à l'échelle de la planète où la notion de souveraineté n'a pas cours ?... Ah, il faut tout reprendre à zéro, alors...

La monnaie subit un phénomène d'abstraction : les métaux, la monnaie fiduciaire (la valeur affichée est arbitraire), la monnaie scripturaire (le nombre affiché sur son écran d'ordinateur). La multiplication des banques et le droit conférée de créer de la monnaie crée des tensions fortes et mène en 1866 à ce que la Banque d'Angleterre ne soit plus une banque concurrente des autres, mais une banque qui alimente en liquidités le système quand celui-ci vient à bloquer : la banque centrale était inventée. le système international est à peu près stable - les crises sont résorbées - jusqu'à la veille de la second guerre mondiale et la création de la Fed, la banque fédérale américaine en 1913. Pendant cinquante ans, la Banque d'Angleterre assure la convertibilité des monnaies du monde en or. le Franc ne concurrence pas la livre : les investissements en livres sterling ne sont pas dirigés vers les mêmes zones que le franc. La cohabitation fonctionne.

Mais les États-Unis, au début du XXème siècle, deviennent la première puissance économique mondiale, sans système monétaire, ou presque. le système ultra-libéral crée des dépendances vis-à-vis des autres banques du monde et empêche de mener une politique internationale. La création de la Fed menace directement la Banque d'Angleterre et la fin de la Première Guerre mondiale voit la fin définitive de la domination de la livre sterling sur le système monétaire international.

Bretton Woods consacre la suprématie du dollar mais contient une faille : les États-Unis sont condamnés à produire des dollars pour alimenter la liquidité mondiale : ils en produisent tant que la Bundesbank commence à penser que la convertibilité vers l'or n'est plus garantie et refuse d'acheter des dollars. En réponse, Nixon décrète l'inconvertibilité du dollar. C'était en 1971, on y est toujours. le dollar est sa propre valeur, il s'apprécie par rapport à lui-même et la taille et l'homogénéité de l'économie américaine l'autorise à continuer de supporter les échanges internationaux.

Le Yuan chinois vise à devenir une monnaie de réserve et veut aussi devenir convertible comme monnaie d'échange dans le monde, ce qu'il réussit de mieux en mieux puisque les pays en voie de développement qui commercent avec la Chine dépensent moins en l'utilisant qu'en utilisant le dollar.

L'euro reste une monnaie internationale, spéciale puisqu'elle remplace les monnaies nationales, et incomplète car elle n'est fondée sur aucune souveraineté. Les Allemands peinent à faire accepter leur ordolibéralisme aux autres États qui voudraient bien mener leur propre politique ; et le Conseil européen finit par mettre en conflit les intérêts nationaux. le budget européen n'est jamais connu qu'après coup, ce qui interdit toute anticipation, toute politique monétaire. L'absence d'homogénéité empêche l'euro de concurrencer le dollar en tant que monnaie d'échange international en le rendant plus cher, moins sûr et moins liquide.

Donc il faudrait retrouver une organisation internationale que pourrait prendre en charge le FMI puisque tel était son rôle du temps de Bretton Woods et qu'il a abandonné depuis. Il deviendrait une sorte de banque centrale planétaire. Une monnaie internationale existe déjà, ce sont les DTS (droits de tirages spéciaux), qu'il faudrait émettre en quantité bien plus grande, avec des quote-part par pays, etc. Avec cela, on pourrait se priver de ce qui ne se peut, à savoir une souveraineté universelle.

Pourtant, l'institution d'un ordre mondial implique bien une base de confiance mondiale qui, si elle ne se nomme pas souveraineté, pourrait se dire "opinion publique" - et que celle-ci n'existe pas. On rejoint ici ce qui était posé en début d'ouvrage, à savoir que la monnaie du XXIème siècle des États démocratiques dépend d'un espace public... devenu mondial...

Et donc, à la question "d'où viennent les milliards des banques centrales ?" la réponse est : d'une décision souveraine puisque c'est le rôle de la banque centrale d'autoriser la création de monnaie par les banques et d'en assurer la liquidité en cas de risque systémique, ce qui est bien le cas.

Et à la seconde question : "mais alors qui va payer ?" la réponse est : "les générations futures, à moins que ce ne soit personne puisque depuis quarante ans les dettes sont prolongées, accrues, reportées et non soldées - et tant que le système monétaire international n'est pas réformé et que c'est la Fed qui crée les dollars pour le monde avec ce "privilège exorbitant" selon l'expression de VGE d'un potentiel endettement infini, ça ne risque pas de changer".

À la troisième question : "mais qu'est-ce qui pourrait faire que cela change ?", question spéculative, il y a la réponse : "une crise majeure, de confiance, qui ferait qu'un pays ou une zone serait tellement endettée qu'elle n'obtienne plus la confiance de ses acteurs économiques à assurer la liquidité ; ou alors où la création monétaire serait devenue tellement importante et récurrente qu'elle mettrait en évidence l'absurdité d'un système qui "fuit" et créerait cette perte de confiance" ; à moins que la réponse soit que... que... ben, c'est tout en fait... non ?

Si, peut-être, qu'un espace public mondial permette de partager des valeurs qui seraient spontanément reconnues comme universelles et engageantes pour le monde comme l'environnement, les transports, l'exploration spatiale et celle des océans, la production d'énergie, etc., bref, qui permettraient aux "souverains", les populations donc, de faire la part des choses et de percevoir ce qui ressortit au bien commun universel du bien commun culturel et ferait que les politiques monétaires et industrielles (consommatrices de capitaux) se mettraient en place automatiquement pour articuler le nouveau système monétaire international sans qu'il soit nécessaire d'une catastrophe cosmique pour cela, avant qu'elle se produise du moins... on peut dire ça, non ?... ah ?... ah, non ?... ah... bon... bon...

En tous les cas, il ressort qu'un système monétaire repose sur une confiance uniforme, donc une certaine forme de culture ou de valeurs partagées par la population qui le légitime... Affaire à suivre...
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Excellent ouvrage qui explique le rôle central de la monnaie dans l'économie.
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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
Tout individu contracte une dette de vie auprès de ceux qui l'on inscrit dans un rapport de filiation. Cette dette est verticale, c'est une dette des sujets vis-à-vis du groupe. Si ce groupe est incorporé dans une situation sociale lus vaste et unifiée par la souveraineté, la dette de vie est contractée à l'égard du souverain. La dette de vie est la contrepartie d'un patrimoine culturel et social, toujours déjà là à la naissance du sujet. Aucune société ne peut perdurer sans se fonder sur ce patrimoine qu'elle doit entretenir et développer des réalisations de vie des individus qui y sont inscrits. la dette de vie ou de filiation ne peut jamais être réglée puisqu'elle est à sens unique et a pour contrepartie des biens inaliénables. Elle ne peut qu'être honorée dans des rituels sacrés qui sont propres à la société concernée et transmise à la génération suivante. C'est donc la dette de vie qui structure la flèche du temps. Elle englobe les sociétés dites archaïques, c'est-à-dire sans État, dans le cycle socioéconomique. La dette de vie inscrite dans les filiations distingue ces sociétés qui centralisent la souveraineté dans une puissance politique séparée.
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Le système monétaire hiérarchisé qui conforte la confiance dans la monnaie se dégrade en système homogène lorsque le poids des dettes s'accroît sans cesse parce que l'émission continue de liquidité permet qu'elles ne soient jamais réglées.
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Selon David Graeber (2012), un mouvement de concentration de population en Mésopotamie après 2500 ans avant Jésus Christ a provoqué l'esclavage, fondement du marché. Le marché secrète la violence depuis son origine. L'esclavage est le violence ultime. En effet, l'esclavage dépouille les relations humaines de toute éthique. Comme le monde Marx, le salariat, lorsqu'il est dépourvu de droits sociaux institués ultérieurement en réaction à la violence du marché, n'en est pas très différent. La question de l'arbitrage entre esclavage et salariat est une question de coûts et de rendements pour les capitalistes. D'ailleurs, les entreprises multinationales occidentales font encore un arbitrage en faveur de l'esclavage dans de nombreux pays en développement. Car comment appeler autrement le travail forcé des enfants. ?
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Les missions de la banque centrale s'inscrivent dans les finalités de la nation dont l'État est responsable. L'État garantit le capital de la banque centrale, et celle-ci garantit la prédominance de la dette publique en tant que dette verticale, contrepartie de la richesse collective. Cela conduit la banque centrale à mettre légitimement la dette publique hors marché dans les situations de stress où les marchés financiers obnubilés par la légitimité ne sont plus capables de produire des évaluations différenciées des différents types de dettes. La dette publique d'un État souverain et non défaillant est à l'abri du défaut, parce que l'État a la capacité ultime de monétiser sa dette, condition sine qua non de la souveraineté.
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... dans la logique du marché, la personne humaine n'a aucun fondement ontologique. Elle est conçue en projection de son devenir à la poursuite d'un bonheur futur sans cesse repoussé. Le désenchantement des sociétés en découle. La poursuite du bien-être est un devoir-être intériorisé dans la raison individuelle, donc une attitude éthique. Mais le projet de libéralisation du marché est menacé par l'incertitude du futur qui déclenche l'asservissement à l'autoréférence par la recherche éperdue de la liquidité. La confiance éthique fondée sur la vie humaine comme valeur suprême peut éviter le vide de l'autoréférence en affirmant le primat de la lutte contre la mort.
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