Le Bestiaire du pape

Depuis le Moyen-Âge, les bestiaires peuplent les bibliothèques, et sont presque exclusivement consacrés à l'interprétation symbolique des animaux, pour une raison très simple : les animaux, bien qu'appartenant à la création et au monde de la nature, représentent l'humanité dans ses facettes les plus diverses et les plus larges pour la culture médiévale.
Le monde animal sert de miroir à l'homme, à la fois en termes positifs et négatifs. Pour cette raison, un animal peut avoir donné naissance à une symbolique positive ou négative.

La particularité de celui-ci est qu'il s'attache aux relations qu'entretient la papauté avec ces animaux qu'ils soient réels ou imaginaires.

Depuis 2013, siège sur l'ancestrale chaire de Pierre un pontife qui, pour la première fois dans l'histoire, a choisi le nom de François, le saint qui prêchait aux oiseaux, qui fît fuir le loup de Gubbio et qui ne cessa de s'émerveiller pour le miracle de la nature créatrice.

En réalité, le pape François se rattache à une tradition, aussi ancienne qu'ininterrompue, qui associe animaux et pontifes romains dans une relation symbolique et métaphorique d'une cohérence étonnante, malgré l'extrême variété de messages.
Une histoire, ou plutôt un ensemble d'histoires que seul un bestiaire, la plus vénérable des encyclopédies, pouvait être en mesure de conter.

Pour célébrer le début du Jubilé annoncé par Le Pape François, en décembre 2016, des abeilles, des loups, des dauphins, des léopards, des lions, des colombes, des singes, des éléphants et même un perroquet ont été projetés sur la façade de la basilique Saint-Pierre du Vatican.
Dans le sillage d'une tradition qui remonte à Paul VI (1963-1978), deux colombes sont lâchées par la fenêtre du troisième étage du Palais apostolique, le dernier dimanche de janvier, à la fin de l'Angélus.

Ce ne sont là que quelques exemples très récents d'une relation entre les animaux et la papauté qui est en fait très ancienne. Déjà au IIIe siècle - et peut-être même avant - un pape aurait été élu parce qu'une colombe s'était posée sur sa tête.

Au fil des pages de ce livre extrêmement bien documenté, c'est un bestiaire bien particulier qui défilé sous nos yeux : peuplé de colombes, de dragons, de chevaux, d'ânes et de chameaux, de phénix et de paons, d'aigles, de lions, de léopards, de cornes de céraste ou de licorne, ainsi que d'ours et d'éléphants, dans le but de comprendre de quelle manière tous ces animaux ont contribué à créer et ont ensuite accompagné sur le long terme, malgré certaines discontinuités, l'auto-affirmation symbolique de la papauté dans son devenir historique et institutionnel ; quand ils n'ont pas été utilisés, au contraire, pour critiquer ou qualifier d'illégitimes le pape et l'Église.

Un animal tient une place particulière dans le livre : le perroquet
En effet, La plus ancienne cour du palais du Vatican porte le nom de Cortile del Pappagallo.
Mais pourquoi ?
Après tout, le perroquet est un oiseau qui peut être synonyme de futilité, vanité et bavardise. La surprise augmente lorsqu'on découvre que le perroquet est présent dans l'histoire symbolique de la papauté depuis des siècles ; en effet, dans le palais Renaissance du Vatican, depuis 1420, il y avait deux chambres du perroquet. le nom de la Cour n'est donc pas dû à une coïncidence extravagante, mais reflète une longue histoire séculaire, qui commence au XIe siècle, lorsque l'un des Vitae de Léon IX écrit peu après la mort du pape raconte que le roi de Croatie et de Dalmatie, Étienne Ier, voulant être reçu par le pape, lui envoya en cadeau un perroquet capable non seulement de répéter continuellement la phrase "Je vais chez le pape" ( ad papam vado ), mais de l'appeler par son nom « Papa Leo ", " alors que personne ne le lui avait appris " ; et il prononça ces mots d'une voix très agréable.
Lorsque le pape, fatigué de la gestion des affaires, se retirait dans son appartement privé, le perroquet, le réconfortait, "lui donnant une nouvelle force intérieure". L'oiseau remplissait ainsi deux fonctions : celui d'annonceur du nom du pape dès qu'il était devant lui et celui de consolateur de Léon dans le secret de ses appartements privés.

On va de surprises s'en surprises au fil des pages et la continuité que met en lumière ce Bestiaire démontre en tout cas, s'il était besoin de le souligner, que les animaux aussi "font l'histoire", en particulier celle d'un pouvoir qui veut être vraiment universel, en englobant toute l'histoire et toute la nature.