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Lydia Chweitzer (Traducteur)
EAN : 9782264027313
240 pages
10-18 (12/09/1999)
3.95/5   333 notes
Résumé :
Dans un Moscou frappé par la Révolution, Vadim fait l'expérience irréversible de la cocaïne.
Tour à tour amoureux et manipulateur, le jeune homme, sous l'emprise de la drogue, dissèque les tréfonds de son âme, jusqu'à tomber dans le cauchemar de la dépendance. Là se briseront les turbulences de l'adolescence. Comparé tour à tour à Proust et Musil, Aguéev nous a légué un livre fascinant
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Critiques, Analyses et Avis (34) Voir plus Ajouter une critique
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Quelle est détestable cette saloperie !
Sûrement la drogue qui fasse le plus de ravages, obligeant même ceux qui n'en prennent pas à supporter les petits égo sur-gonflés de ceux qui ne savent plus s'en passer pour exister en société.
Ce numéro que chacun garde dans son répertoire, appelé et réglé plus facilement qu'une livraison de pizza ; « on est combien ? », et qui ensuite font de grands discours de probité et de morale, tripotant leur stupide biniou numérique à selfie, affublés d'autocollants-dazibao inclusifs, ignorant volontairement les carnages de cette industrie, à tous les niveaux…

Navré de ce petit rappel, mais ce roman l'exige en introduction, surtout qu'il met en scène un héros presqu'aussi haïssable, archétype du roman russe d'apprentissage, jeune homme fiévreux et passablement égocentrique, candidat tout désigné à ce genre de consommation…

C'est en effet un roman tout à fait singulier. La très bonne préface de sa traductrice ( on s'en souviendra lors d'une prochaine lecture… ) vient nous rappeler l'origine incertaine de ce texte, son histoire compliquée pour échapper comme toujours à la censure, qu'on pourra compléter avec les éléments apparus entre temps à notre connaissance ( comme la confirmation de l'identité de son auteur ).
Son style reste assez unique, bien que l'obsession des comparaisons lasse vite l'observateur, surtout lorsque Proust ou Musil sont convoqués…

Donc de la coke il y en a, mais seulement dans le dernier quart du roman, le reste pouvant s'intituler plutôt « Roman avec sale type ».

Il fait partie de ces livres dont l'épilogue élève potentiellement l'ensemble à un autre niveau, plonge dans une profonde réflexion, et boucle ingénieusement l'histoire avec une facile évidence ; morale de l'histoire ou bien patente absence de celle-ci, à vous de choisir, alors qu'on ne s'y attend pas du tout…

Un véritable classique, alors que l'ensemble paraissait souffrir d'une construction bancale et banale, ce qu'il en reste venant tout basculer…

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Il plane, ou il a plané, une aura de mystère autour de ce roman. Sur l'auteur tout d'abord, dont l'identité semble certaine depuis peu seulement. On a pensé à Nabokov, il y a eu des enquêtes, la dernière s'arrêtant à Mark Lévi de source quasi certaine *. Mark Lévi, nom de plume M Aguéev, un illustre inconnu dont peu d'éléments biographiques majeurs lui survivent, en dehors de la parution en 1930 de son unique livre. Et s'il y a eu autant de volonté à savoir presque un siècle après, on se doute que c'est pas pour le premier roman de gare venu de l'est. Non, c'est surtout parce que le contenu est édifiant.

Dès le début on est saisi de stupeur quand Vadim, du haut de ses 16 ans, de honte fait passer cette vieille dame loqueteuse pour sa gouvernante, en lieu et place de sa pauvre mère venue lui apporter au lycée une enveloppe qu'il avait oubliée. Lui et ses copains en rigolent crânement. Ou quand la honte se mue en cruauté, la dérive des sentiments s'installe et ne s'arrêtera qu'à déchéance totale.
Dualité des sentiments encore quand dans la deuxième partie Vadim veut embrasser la terre entière et ignore sa mère croisée sur les boulevards, un Vadim incapable de désirer Sonia son grand amour, étouffé qu'il est par l'emprise du coeur, « trop sensible pour être sensuel » .
Ou un Vadim qui succombe à la cocaïne dans le troisième temps du roman, un peu par oisiveté, sans doute parce que son âme est définitivement blessée, que l'on suit pétri d'amour pour sa mère endormie, alors qu'il lui vole une broche pour plus de poudre magique.
Il y a dans ce livre des passages saisissants de lucidité sur les travers de l'âme humaine. Si Aguéev met en scène la cruauté du narrateur envers sa mère, on se dit pas que c'est atroce tellement c'est cruel, on se dit voilà, la cruauté c'est ça. Une sorte de définition par l'exemple narratif, bien mieux que Robert et Larousse réunis.
Il y a surtout profusion de passages scotchants de maîtrise et de clarté confondues, où les images et les comparaisons y sont saisissantes de réalisme, les formules pénétrantes. Je pense en particulier aux errements de Vadim sur les boulevards, à la recherche d'un amour pour un soir. Ou la description minutieuse et dédoublée par sa conscience de sa première nuit sous emprise de cocaïne.
Il y a encore tellement à dire si l'on en est capable, les interprétations et les pistes de lecture abondent sur le net, qui inscrivent l'errance du narrateur dans un contexte historique de la Russie révolutionnaire de 1917, ou sous l'angle du bolchevisme et de l'antisémitisme naissant.

Roman avec cocaïne, un roman comme une piqûre de rappel pour moi, que je relis régulièrement au fil des ans. Comme un rendez-vous sulfureux et égoïste dans ma vie de lecteur, peut-être pour vérifier où j'en suis, si j'ai pas trop changé, peut-être aussi pour m'assurer que j'avais pas rêvé la première fois. Non j'avais pas rêvé, c'est un grand, un sacré bon roman.


* http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2013/08/09/l-enigme-m-agueev_3459015_4497186.html
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"Salut Michel ça fait une paye
Que j't'ai pas vu traîner dans mes ruelles
Qu'est-c'que tu d'viens moi ça va bien
Paraît qu'toi tu marches sur un drôle de ch'min
T'as les joues creuses les mains caleuses
Et la démarche un p'tit peu chaloupeuse
Vraiment tu m'terrasses
Bonjour l'angoisse
Paraît qu't'es tombé dans une drôle de crevasse
Paraît qu'c'est pas tous les jours dimanche
La blanche"

La blanche - Renaud
Une chanson qui fout un peu le cafard tiens, pour bien commencer la journée et cette critique. J'aurais peut-être dû me tourner vers Clapton plutôt. Ouais ... Allez je la mets. Voilà. Un peu de Cocaïne ça me donnera de l'énergie. Voilà je me sens fraîche. Merci Clapton.

Dans le Roman avec cocaïne, le cafard de Renaud revient (le traducteur explique qu'il a choisi ce terme pour traduire "toska", entre douce tristesse et désespoir extrême qui pousse au suicide) et le cafard revient tellement qu'on se croirait dans la Métamorphose de Kafka, parce que le cafard, c'est Vadim, et comme Gregor, il devient très vite un parasite, un sale truc et qu'on a envie, parfois, de l'écraser, de l'écrabouiller, de le faire souffrir, de le taper, de le gifler, de lui donner la fessée, surtout quand il manque de respect à sa pauvre mère ( et ce dès le tout début, bien avant de devenir cocaïnoman, donc on ne rejettera pas la responsabilité de ses actes sur la drogue s'il vous plaît.) En même temps, il est tellement irrespectueux, et ce pour des raisons tellement tordues, qu'il en devient hilarant par moments. On est mi-agacé, mi-amusé, finalement. Je l'ai insulté Vadim lors de ma lecture, et juste après je me suis bien marrée. C'est qu'il exalte nos sentiments vertueux le Vadim, en étant si cruel lui qui au fond, est justement cruel, parce qu'il est coincé dans un cercle vicieux qu'il pense être vertueux. Par moments, il est néanmoins fort lucide et on apprend des trucs sur nous-mêmes en lisant ce bouquin. Mais juste après on a envie de le balancer le bouquin parce qu'on se dit que non ... quand même ... adopter son système de pensée serait se mener à l'autodestruction. Heureusement qu'il est drôle Vadim, sinon ce bouquin amènerait son lecteur à l'état de tristesse : "toska". La scène la plus drôle est sûrement celle de sa première prise de cocaïne parce qu'il se rend tellement ridicule lui qui fait son crâneur et son penseur à tout bout de champ. Il y a même une scène qui rappelle Las Vegas Parano lorsqu'il entre dans un café (un casino je crois dans le film) : "Tard déjà, juste avant sa fermeture, nous échouâmes encore dans un café à la mode et là, regardant dans les glaces nos visages insomniaques, nous avançâmes sur le parquet comme sur un pont de navire oscillant : nous inclinant rapidement en avant lorsqu'il se soulevait, et nous rejetant en arrière en freinant quand il retombait devant nous." J'ai trouvé ça rigolo. Mais attention, cette critique n'est pas une apologie de la drogue. Je n'ai pas dit qu'il fallait prendre de la cocaïne pour s'amuser les enfants ! La drogue c'est mal ... M'voyeeeez. Non et puis surtout, la drogue, ça finit mal. Déjà, ne prenez pas l'exemple de Vadim parce que déjà, c'est un ***nard, un canard est un canard, il faut dire ce qui est, et vous remarquerez aussi, les enfants, que souvent, dans les films, ceux qui prennent de la cocaïne sont des canards. Vous ne voulez pas être un canard les enfants ? Non. Voilà.
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Le One Shot génial d'un écrivain inconnu, disparu dans la nature. M. Aguéev se serait évaporé en Turquie après avoir posté son manuscrit.

En l'occurrence, ne pas connaître l'auteur m'envahit d'une forme de vertige mélancolique qui participe de l'appréciation. Comme de retomber sur de vieilles lettres aux noms oubliés, faisant resurgir du néant des sensibilités d'antan.

Il y a certes un narrateur, mais on ne sait qui rumine. Qui? Quel magicien du style, quel hypersensible, quel Salinger, quel John Kennedy Toole?... Quel est cet anonyme bruyant dont l'être palpite ainsi entre les lignes?

Roman avec cocaïne raconte à la première personne l'histoire de Vadim, jeune homme russe du début du XXe siècle, garçon péniblement intelligent et torturé.
Par son monologue adressé au lecteur, Vadim témoigne de :
- sa cruauté; ses mauvais penchants qui l'habitent et le soumettent irrépressiblement.
- sa désorientation, de plus en plus envahissante; il battra des mains pour rester en surface, tandis que son esprit prendra l'eau de toutes parts.

Déjà, voir que Vadim est un fils, et un mauvais fils, un fils qui dépouille sa mère - vieille femme flétrie par le travail et la pauvreté - de ses maigres ressources pour financer: 1. ses habits, son train de vie; 2. ses frasques sexuelles; 3. sa prise de coke.

Voir à ce titre comment il domine cruellement celle qu'il appelle "la vieille", lors de confrontations terribles avec elle. C'est positivement horrible. On sent chez lui le besoin de rabaisser sa mère (le vice fait son oeuvre), mais aussi de susciter l'estime maternelle, par une fausse assurance virile, parfaitement puérile et dispensable.
Voir comment, une fois qu'il lui a soutiré de l'argent, il va ensuite se ratatiner dans un coin pour y pleurer à chaudes larmes.

Récit tragique: la mère épuise ses forces pour que vive son fils, tout en s'effaçant pour ne pas l'incommoder. le fils, lui, utilise ce don sacrificiel pour courir à sa propre perte.

Récit amer, celui d'une déchéance éprouvée de l'intérieur: Vadim se vit comme un fruit pourri, il sent le pourrissement agir en lui. Son péché (de pleine conscience) a un côté vital, forcé par la nature. Péché contre lui-même, péché contre sa mère. La cocaïne entre les dents, et alors qu'il augmente les doses, il sent qu'il ne peut en être autrement.

On peut imaginer que le livre est né de fulgurances disjointes, de trouvailles inspirées mais autonomes, de notes éparses, rassemblées, réorganisées... pour trouver à la fin, laborieusement, la cohérence d'ensemble. Une écriture morcellée, hystérisée par les nuits blanches(?), l'alcool(?), la cocaïne(?)... Enfin cela reste une supposition dans le vent. Aussi bien M. "Aguéev" se levait-il tous les matins 8h pour reprendre son travail sagement, en pantoufles, une tasse de café chaud dans la main gauche...

Sinon le texte a beau avoir été écrit à un siècle de distance, il reste parfaitement actuel par ses thèmes (marasme, désorientation), par son ton, osé, affranchi. Peut-être d'autant plus que le cadre historique est à peine présent. Les jalousies en classe, les humiliations au tableau, les victoires d'écoliers, les camaraderies, vraies ou fausses, sont également celles des écoliers de l'an 2000. "Prostitution" et "cocaïne" sont plus éloignées mais on peut rapidement les transposer. Enfin, aucune ride dans l'écriture, et je trouve la traduction remarquable.

Ces derniers jours, un ami qui me prête des livres me le sort de sous le manteau, "last but not least", la pépite que l'on n'attendait plus... Par un hasard amusant, je venais à peine de le finir, conseillé par un autre ami, sur le même ton de confidence.
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"Telle était mon attitude envers les autres, telle était ma dualité: d'un côté, le désir d'embrasser le monde entier, de rendre les gens heureux et de les aimer; d'un autre, la dilapidation éhontée des sous laborieusement acquis par une vieille femme, et une cruauté sans limites envers ma mère. Et le plus bizarre était que cette malhonnêteté et cette cruauté n'étaient nullement en contradiction avec les élans d'amour envers tout l'univers vivant- comme si l'intensification de ces bons sentiments, pour moi si insolites, m'aidait à accomplir les cruautés dont je ne me serais pas senti capable ( pour peu que ces bons sentiments fussent absents)." Je vous présente Vadim Masselennikov. le moins que l'on puisse dire à propos de Vadim, c'est qu'il est compliqué!!!....ou complexe? En tout cas, il est évident qu'il ne cesse de cogiter et partage volontiers avec le lecteur absolument tous ses états d'âme. D'abord, il raconte avec minutie son quotidien dans un lycée de Moscou, à la veille de la déclaration de la révolution bolchevique.On y suit les petits histoires de ses camarades, dont la psyché mais aussi toutes les mimiques et toute la gestuelle sont disséquées à la manière de Freud, selon toujours le point de vue de Vadim: leur rivalité scolaire, leur crâneries, leurs petites rébellions...etc.Ensuite, Vadim,qui a l'habitude de rechercher dans ses heures perdues de simples relations physiques avec la gent féminine- relations dont il décrit encore une fois le mécanisme et les ressors avec précision- tombe amoureux....et c'est le foutoir dans sa tête et dans son corps. Il est alors obligé de revoir toutes ses théories à l'aune de sa découverte de ce nouvel aspect de l'existence. L'histoire d'amour finie, il déprime bien entendu, patauge dans son quotidien qu'il estime cafardeux, dégradant socialement et financièrement - dégradation et honte représentées par sa pauvre mère à qui il fait voir des vertes et des pas mûres- et finit par sombrer, presque par hasard dans l'enfer de la dépendance à la cocaïne. du déjà vu tout ça me direz vous! En effet. Mais alors, en quoi ce roman, en dehors de la légende entourant son auteur , est particulier? Tout d'abord par son style: bien que les phrases soient longues, elles restent très accessibles, et belles, d'une beauté inattendue. le style est fluide, riche, et pas un mot ni une phrase ne sont de trop, et l'absence de l'un ou de l'autre ferait cruellement défaut. L'ambiance bien qu'"intime" et "personnelle" , baigne dans un tout social et historique pas du tout pesant, au contraire.Ensuite, Vadim n'est pas un mauvais bougre , c'est juste un adolescent qui grandit, se découvre et découvre le monde, essaie de trouver des justifications intellectuelles aux contradictions qui illuminent ces découvertes, et est foncièrement convaincu de l'honnêteté de sa démarche. N'empêche qu'il souffre sincèrement de ces mauvais actes, mais passe vite à autre chose.Il est hyperconscient de son univers intérieur donc, mais également de tout ce qui l'entoure. Rien ne lui échappe, que ce soit vivant ou un simple objet, en mouvement ou statique, les expressions de tous les visages et les changements de ces expressions à la faveur d'émotions nouvelles. Pas même le temps, la température, les animaux, le tramway, les bancs...tout, absolument tout est matière à réflexion et description. Dans le récit de son histoire d'amour avec Sonia, il n'est question que de lui, de ce qu'il ressent, de comment il le ressent et de pourquoi il le ressent. Sonia n'est que le déclic de cette nouvelle série d'analyses. Et puis d'un coup, vers la fin , en un chapitre, Aguéev dévoile Sonia, la fait "parler" et c'est sublime. Si la quatrième de couverture semble racoleuse avec son histoire de cocaïne, sachez que la drogue n'entre en scène qu'une fois les deux tiers du livre entamés.Très rapidement et sans faire dans l'excès, l'auteur décrit superbement les sensations de la première "prise", l'euphorie qui suit, mais surtout la descente infernale, dépressive qui accompagne à chaque fois la séance. Vadim devient addictif à la drogue, et bien entendu ça ne finit pas bien. Dans ce roman, la drogue semble intéresser Vadim uniquement à cause de l'effet "loupe" qu'elle offre de son être, et d'ailleurs une partie appelée "pensée" est dédiée à ça. C'est un livre saisissant, de ceux qu'on relira avec plaisir dans quelques années pour voir comment il a vieilli. Et puis, bizarrement, à la fin- comme contaminé par la théorie de la dualité de l'âme de Vadim- surgit une question: Qu'est ce qu'Aguéev a voulu raconter au juste? des souvenirs de lycéens? la camaraderies entre adolescents? la découverte du sexe et de l'amour? la condition sociale de la Russie en 1917? la drogue? quel est le lien? Mais cette interrogation est vite balayée par le dernier chapitre, bouleversant.
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Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
Ah la littérature russe ! et l'âme russe...
Un roman d'une extrême puissance dans la mesure où il est une synthèse, voire un tableau clinique extrêmement lucide et claire d'une situation compliquée: une démarche vers l'autodestruction.

Notre périple douloureux commence au milieu de la Première Guerre mondiale et s'achève après la Révolution Russe.
À travers le premier chapitre, on découvre le protagoniste Vadim Maslennikov, un lycéen ordinaire, qui entretient une relation tendue avec sa mère. La longueur de ce chapitre a le mérite de nous faire comprendre que Vadim nourrit des sentiments antagoniques en lui, une tendance à mâtiner ce qu'il a de plus noble en lui à ce qu'il a de plus ignoble; ce qui serait proche d'une schizophrénie légère ( qui ne l'est pas? Moi, en tout cas, je me reconnais en lui). C'est, en gros, ce qui serait à l'origine de son malheur ( peut-être le mien aussi).
Ensuite, Vadim rencontre Sonia. Sonia, qui joue le rôle du facteur déclenchant. Sonia nourrit les passions les plus hardis qui sommeillent en notre Vadim, et ranime ses douleurs les plus vives: le processus du dédoublement de la personnalité s'achève.

À la fin du deuxième chapitre, on est face à un Vadim excédé et rassasié de tout, même de la beauté du corps féminin, en période de nihilisme intime totale, retournant sa haine de soi contre tout ce qui l'entoure et surtout sa mère.

Sonia rompt, Vadim sombre dans la déchéance.
On assiste impuissants à sa descente aux enfers.
Il sniffe, et on explore chacune des sensations qu'il éprouve ( un véritable tableau clinique sur les effets de la drogue).
Ensuite, on frôle la misère: la dépendance, les voles, les hallucinations...les larmes de sa pauvre mère.

Un roman qui traite un sujet d'actualité dans notre époque, à savoir cette pulsion de mort chez les jeunes, une forme de mal être intrinsèque, qui fait qu'on se jette dans l'abîme au nom de rien. Une haine de soi qui fait qu'on se retourne contre les gens qui nous donnent le plus.
La jeunesse nihiliste( incarné par Vadim), est telle une maladie auto-immune au sein de la société (incarnée par la mère de Vadim), une jeunesse qui par manque de repères et haine de soi n'hésiterait pas à se faire exploser.
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C'était bizarre dans ma vie. Alors que j'éprouvais du bonheur, il me suffisait de penser que ce bonheur n'était pas là pour longtemps, et il cessait aussitôt d'être. La sensation de bonheur ne s'arrêtait pas du tout parce que les conditions extérieures qui l'avaient engendré avaient changé, mais seulement parce que je prenais conscience du fait que ces conditions extérieures allaient disparaître bientôt et à coup sûr.Et aussitôt que cette conscience me venait, le bonheur n'existait plus- et les conditions extérieures de ce bonheur qui ne s'étaient pas interrompues, qui existaient toujours, ne faisaient que m'agacer.
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Et voilà qu'une question murit, spontanément: ces pièces où le vice triomphe et où la vertu est bafouée, ces pièces sont véridiques, elles sont la vraie vie, c'est comme cela que ça se passe dans l'existence, ou les méchants sont victorieux, où les meilleurs périssent, alors pourquoi, dans la vie, en voyant tout cela restons-nous calmes, alors que cette même image de la vie qui nous entoure nous indigne et nous rend furieux quand elle est montrée au théâtre? N'est-il pas étrange que la même image, passant devant les yeux du même homme, laisse cet homme calme et indifférent dans l'un des cas (dans la vie) et dans l'autre cas (au théâtre) fasse naître en lui l'indignation, la révolte, la fureur? Et ne serait-ce pas la preuve évidente que la cause de tels sentiments par lesquels nous réagissons aux événements extérieurs doit être recherchée non pas dans le caractère de ces événements, mais entièrement dans l'état de nos âmes?
Une telle question est très importante et il convient d'y répondre avec précision. Tout s'explique sans doute par le fait que dans la vie nous sommes lâches et que nous ne sommes pas sincères; dans la vie nous sommes avant tout préoccupés par notre bien-être personnel, et c'est pourquoi nous flattons, aidons et quelquefois personnifions nous-même tous ces scélérats et agresseurs dont les actes provoquent en nous une si horrible indignation au théâtre.
Au théâtre, en revanche, ce côté intéressé, cette lâche petite aspiration aux biens terrestres disparaît de nos âmes, au théâtre rien de personnel ne viole la noblesse et l'honnêteté de nos sentiments, au théâtre nous devenons meilleurs et plus purs. Alors, les meilleurs sentiments d'équité, de noblesse et d'humanité guident entièrement nos aspirations et nos sympathies.
Et c'est là que vient s'imposer une pensée terrible. La pensée que si, dans la vie, nous ne nous rebellons pas ne nous indignons pas, ne nous révoltons pas, ne devenons pas complètement des bêtes, et ne tuons pas les autres au nom de l'équité bafouée, c'est seulement parce que nous sommes lâches, dépravés, avides, d'une façon générale mauvais, et que si dans la vie
nous avions, comme au théâtre, attisé en nous les sentiments les plus humains, si dans la vie nous étions devenus meilleurs, nous aurions, exaltés par le frémissement dans nos âmes des sentiments d'équité et d'amour pour les dépouillés et les faibles, accompli, ou ressenti le désir d'accomplir (ce qui, décidément, est la même chose dans la mesure où nous parlons des mouvements de l'âme) une quantité de scélératesses, d'effusions de sang, de tortures et d'assassinats vengeurs telle qu'aucun scélérat n'en avait jusqu'alors perpétrée et n'aurait voulu le faire dans un but de lucre et d'enrichissement.
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Quelle chose étonnante - un dos qui s'éloigne - le dos d'un être injustement blessé qui s'en va pour toujours! Il y a en lui une espèce d'impuissance, une faiblesse qui réclame la pitié, qui vous appelle, qui vous oblige à le suivre. Il y a dans le dos d'un être qui s'éloigne quelque chose qui évoque les injustices et les offenses qu'on sentira encore le besoin de raconter, et qui répète qu'il faut dire adieu encore une fois, qu'il faut le faire vite, immédiatement, parce que cet être s'en va à jamais et laissera derrière lui beaucoup de souffrance qui va tourmenter longtemps encore et, peut-être, dans la vieillesse, empêchera de dormir la nuit.
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Je me penchai et effleurai ses lèvres. Et c’était peut-être justement comme ça, avec cette inhumaine pureté, avec ce joyeux empressement qui cause une si précieuse douleur de tout donner – et le cœur, et l’âme, et la vie – que des martyrs desséchés, effrayants et asexués approchaient autrefois leurs lèvres des icônes. « Cher, disait plaintivement Sonia, retirant ses lèvres et les rapprochant de nouveau – enfant – mon chéri – tu aimes, n’est-ce pas – dis-le. » Intensément, je cherchais en moi ces paroles nécessaires, magnifiques, ces merveilleuses paroles d’amour, ces paroles que j’allais dire, que j’étais obligé de dire aussitôt. Mais les mots n’étaient pas en moi. Comme si mon expérience amoureuse m’avait convaincu que parler joliment de l’amour, seul le peut celui chez qui l’amour n’est plus qu’un souvenir – que parler d’amour de façon convaincante, seul le peut celui dont la sensualité a été touchée, mais que celui dont le cœur a été frappé d’amour ne peut que se taire.
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