Citations sur Ici, les femmes ne rêvent pas (55)
On dirait presque qu'il (son père) devinait déjà à cette époque que je ferais un jour le grand bond vers une nouvelle existence-car même si je suis satisfaite de mon travail à l'hôpital, même s'il m'arrive d'apprécier certains moments de ma vie, je ne me défais pas de ce sentiment accablant d'être en cage, une sensation qui m'accompagne jour après jour, moi et beaucoup d'autres jeunes femmes et filles saoudiennes. Chaque fois que je passe le niqab, le matin, je sais que je vis dans un pays où les femmes et les hommes ne sont pas traités de la même manière. (p. 115)
En Islam, il existe une formule de remerciement spécifique que l'on adresse aux femmes non mariées. Elle signifie littéralement : "Je te reverrai quand tu seras épouse". Elle est aussi naturelle que l'expression "Dieu merci" en français et l'on ne réfléchit pas à son contenu littéral quand on l'utilise. Il n'empêche que le fait qu'on la prononce devant une femme qui n'a pas encore de mari pour lui exprimer une profonde reconnaissance en dit long sur la situation de ces pays. (p; 69)
Nona a été auscultée par une femme médecin légiste qui a vérifié sa virginité. Comme elle n'est plus vierge, elle a été condamnée à cinquante coups de fouet et trois mois de prison. (...) Lorsqu'elle est libérée de prison, sa soeur m'appelle au téléphone. Son père doit signer une lettre garantissant qu'il ne tuera pas sa fille. Cela permet à la police religieuse de se couvrir et de se dégager ainsi de toute responsabilité, car, après ce type d'arrestation, beaucoup de femmes sont tuées par leurs familles soucieuses de sauver leur honneur. (p. 123)
Je tente de saisir l'enchaînement des faits. Un instant plus tôt, j'avais encore une bicyclette à moi et je pouvais sentir le vent dans mes cheveux. A présent je dois les couvrir et je n'aurai plus le droit de sortir seule quand nous serons revenus à Riyad. (...) Abandonner un vélo pour un voile, voilà qui me fait l'effet d'un bien mauvais troc. (p. 37)
D'un seul coup, nous avons cessé de porter la même tenue noire presque identique, nous sommes un groupe de femmes, des individus, toutes différentes, vêtues de couleurs vives et chatoyantes, qui jouissent de pouvoir danser, parler et rire sans voile. (p.48)
Les femmes saoudiennes n'iront pas en enfer. Il y a longtemps qu'elles y vivent.
Le lendemain, sa famille vient contrôler que j'ai vraiment saigné. On accorde une telle importance à ce drap, on dirait que ce tissu taché est ma meilleure contribution aux noces. Et de fait, dans ma culture, entrer vierge dans le mariage est l'essentiel de ce que peut faire une femme pour la réussite de son couple. (p. 84)
Lire Darwin en anglais est pour moi une entreprise très laborieuse. Je découvre la profondeur de mon ignorance, je comprends à quel point j'en sais peu sur le monde, l'homme et l'univers. J'ai l'impression que ma religion, qui jadis était tout à mes yeux, s'est en réalité moquée de moi. Et j'ai de plus en plus fortement l'impression qu'on m'a volontairement maintenue dans la bêtise pour que je ne m'insurge pas contre le cadre rigide de ma foi. (p. 138)
Elle est sous surveillance permanente, sa mère appelle là-bas toutes les heures. Autrefois elle avait un chauffeur, à présent c'est son père qui la conduit pour tous ses déplacements. Tout cela, c'est sa soeur cadette qui me l'apprend. De Nona elle-même, je n'entendrai plus jamais un mot après ma dernière visite. Sa soeur m'apprend qu'elle lit le Coran chaque jour et qu'elle s'est de nouveau entièrement consacrée à la fois. Allah m'a pris ma meilleure amie. (p. 125)
Pour toute femme éduquée dans les mêmes conditions que moi, le frère aîné est une personne importante. Les grands frères veillent sur l'honneur de la famille, et surtout ils considèrent souvent que c'est à eux de surveiller les autres. Peut-être font-ils même preuve d'un comportement encore plus agressif et incontrôlé que leur père : ils sont jeunes, ils veulent tester leur virilité, prouver qu'ils sont des vrais hommes. Ils ont le goût du pouvoir et vivent au sein d'une société dans laquelle personne ne se met en travers de leur chemin. (p. 145)