J'AI DES BLANCS est une incursion dans l'esprit d'un homme perturbé, acerbe et dépressif. Un homme qui oscille entre critique et rejet haineux de la société et de ce qui la compose. Rejet de sa situation, des relations humaines et de tout ce qui peut risquer de perturber sa solitude et son univers bien cadré.
Dans la première partie il nous livre une peinture en niveau de gris de ses lieux d'errances ; banlieue, transports collectifs, hôpital, établissement scolaire, son appartement, même, sont présentés à la première personne mais de manière détachée et extérieure comme s'il ne faisait qu'effleurer la surface des lieux. Il glisse dans les couloirs du métro ou dans les rues incolores, presque invisible. Cependant malgré ce détachement aux lieux il ne cesse de récriminer, chaque regard est prétexte à critique, chaque rencontre est soutendue par les risques de basculement négatif inévitables selon lui.
C'est un homme seul, aigri, à qui rien de positif ne pourrait jamais arriver. Pas de sa faute cependant, les autres portent tout le poids de sa rancoeur et de son incapacité à entrer en relation. Pourquoi rencontrer l'autre quand cela ne pourrait être que source d'ennuis et de tracas ?
On comprend rapidement que cet homme a subi une perte et qu'il ne semble pas s'en remettre. Il est englué dans sa culpabilité d'être là, vivant.
Il n'est cependant absolument pas sympathique et donne vraiment envie de fuir au plus vite son univers gris, froid et carcéral, envie d'échapper au cycle de ses jours répétitifs, à son mode de pensée distancié qui généralise tout à outrance - utilisant le ON et le VOUS pour parler de lui et des autres.
Au final il n'est personne, juste un porte parole de généralités sans fin et applicable à tout et tous comme des recettes.
Puis dans la seconde partie, malgré lui, à reculons, il se trouve pris en otage dans 2 rencontres improbables qui vont l'amener à modifier ses rythmes et même certaines de ses pensées, le ramener insensiblement dans la vie.
C'est alors que le paysage prend vie, que l'on découvre une vision sensible et humaine, que les larmes trouvent enfin leur place. C'est alors qu'il s'autorise à penser, non plus au sujet des autres en terme de critique mais pour les autres et lui même. Il re-découvre la pensée humaine.
J'ai lu ce livre comme on découvre une peinture ou un paysage. J'ai vécu de manière physique, une traversée lente et immobile du couloir de métro gris et malsain à la tendresse d'une petite plage plongée dans la brume qui s'éveille à la lumière du matin.
Pour cela merci Babelio et Masse critique.
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