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Critique de ODP31


Plus personne pour planter la petite graine !
Avec beaucoup plus de poésie, l'auteure affirme dans la préface de ce court récit qu' « A tant faucher les hommes, c'est la semence qui a manqué ».
Epais comme un marque-page au régime, cette curiosité littéraire mérite une escale.
En 1852, dans un village reculé des Basses-Alpes, les femmes se retrouvent seules pour assurer le travail des champs et continuer à vivre. Tous les hommes ont été déportés suite au coup d'état de Louis Napoléon Bonaparte en 1852 qui avait considéré que cette seconde république qui lui interdisait de briguer un nouveau mandat nécessitait un toilettage empirique. Poutine avant Poutine. Pour assurer la survie du village, perpétuer l'espèce et assouvir certains instincts, les femmes trouvant le temps long, décident que le premier bougre en état de marche qui s'aventurera dans les parages devra être partagé dans un pot commun. Je pourrai appeler cela le « cobouturage ». Un appel au mâle à la main verte qui débarque un jour, comme Clint Eastwood dans ses westerns, sans l'aide de Tinder mais disponible et serviable. Il s'entiche de la narratrice, Violette, mais le bonhomme a le sens du sacrifice et accepte d'ensemencer aux quatre vents avant de reprendre la route, repu. Violette est amoureuse mais elle accepte de faire passer l'intérêt général du village avant ses sentiments. Les sens du service public.
A la différence de mon résumé aux teintes grivoises, le récit est au contraire d'une infinie délicatesse. En mode survie, ces femmes tombent tous les artifices, se retroussent les blouses et s'unissent sans masquer leur désir d'amour et d'enfant. Que ce soit la nostalgie des maris et fiancés disparus, l'interminable attente, la résignation puis le pacte de fraternité, tous ces passages semblent avoir été écrits dans un état de grâce ou chaque phrase se murmure comme la caresse d'une plume. Chaque paragraphe mériterait citation. L'auteure utilise des mots perdus dans les champs de l'ancien temps comme lampége, grémoulons, coucoun, poudregeais ou se mirailler qui révulsent mon correcteur d'orthographe mais qui régalent ma gourmandise de lecteur. Il y a les mots mais aussi les images, comme celle de cette femme qui transforme sans rien dire sa robe de mariée en épouvantail, proclamation que les hommes du village ne reviendront pas. Inoubliable.
Que dire de cette couverture qui se limite au dessin d'un spermatozoïde isolé qui semble indiquer le chemin de cette lecture ? Qu'elle dit tout sans rien révéler, tout comme son titre. Une réussite.
Présenté comme un récit autobiographique, la légende et surtout l'éditeur ont raconté que le manuscrit avait été écrit en 1919 par une certaine Violette Ailhaud qui aurait exigé que le texte ne soit publié que par une de ses descendantes des dizaines d'années plus tard. L'histoire est trop belle pour être vraie, mais certains mensonges méritent l'acquittement quand ils participent à la postérité d'une telle histoire qui inspira le théâtre, le cinéma et la bande dessinée.
C'est le bouche à oreille qui fit le succès de ce conte qui donne la parole à d'autres parties de nos anatomies. Une lecture à s'offrir sans souffrir.
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