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Gabriel Iaculli (Traducteur)
EAN : 9782070728091
216 pages
Gallimard (03/02/1994)
3.5/5   1 notes
Résumé :
Le thème de la captive hante la littérature argentine. César Aira le reprend ici avec le personnage d'Ema, jeune femme amenée avec un convoi de prisonniers et de délinquants des bas-fonds de Buenos Aires au fort de Springles. Octroyée à l'un des officiers du fort, puis enlevée par un Indien et conduite dans les profondeurs de la forêt, elle découvre une société indolente marquée par l'esthétisme et le culte de l'instant, société onirique aussi, où l'auteur développe... >Voir plus
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Commencer par le commencement.

« Ema la Captive » est le premier roman de César Aira, écrit en 1978 et publié en 1981, puis traduit par Gabriel Iaculli (1994, Gallimard, La Nouvelle Croix du Sud, 224 p.). Une captive, thème récurrent de la littérature argentine. Ema est cette captive, arrêtée dans les bas-fonds de Buenos Aires, et amenée au pénitencier de Coronel Pringles, avec d'autres prisonniers et délinquants. Elle est tout d'abord au service d'un des officiers du fort, avant d'être enlevée par un indien, et emmenée dans la forêt dans une communauté indienne. C'est tout le thème de la relation entre blancs, colonisateurs et les sociétés indiennes, illustré par cette Ema, qui de prisonnière, devient libre et même libératrice.
En fait ce roman n'est pas tout à fait le premier de César Aira. Avant il y a eu la nouvelle « Les Brebis », écrite en 1970, et traduite en 1988 par Sylvie Koller, avec une autre nouvelle « La Robe Rose » (1998, Maurice Nadeau, 150 p.). Nadeau Infatigable découvreur et surtout éditeur de perles rares.
Puis, par la suite, une grande quantité d'ouvrages, dont un bon nombre non traduits que ce soit en français ou en anglais. Dommage, cela d'autant plus que ces romans peuvent être séparés en grands thèmes. Tout d'abord, cet ouvrage de jeunesse « Ema la captive » qui retrouve les traditions du « Martin Fierro » et des bases de la littérature argentine avec en prime « La Robe Rose » et « Les Brebis » ou « Canto Castrato ». Puis ensuite des thèmes par pays. le Panama avec « le Magicien », « Varamo » ou « La Princesse Printemps » ou le Vénézuela avec « le Congrès de Littérature » ou « le Testament du Magicien ténor ». Un thème général ensuite avec la tétralogie du « Lièvre Lébrigérien » qui comporte « le Lièvre », « Embalse », « La Guerre des Gymnases » et « Les Mystères de Rosario ». Puis on en arrive à des lieux plus marqués, comme Coronel Pringles avec « le Tilleul » et « Esquisses Musicales », et Buenos Aires en général « Prins », « La Preuve », « le Divorce » et « Les Fantomes », le quartier de Florès en particulier avec « le Prospectus », « La Guerre des Gymnases », « le Manège » et « Les Nuits de Florès ». Il reste encore quelques essais littéraires, « Edward Lear », « Copi », « Alejandra Pizarnik », « Les Trois Dates » et « Les Larmes » ou son « Dictionnaire des auteurs latino-américains » des choses inclassables comme « Un épisode dans la vie du peintre voyageur » ou « L'ombre de Humboldt », écrits sur l'art. soit au moins une quarantaine d'ouvrages en autant d'années.

Quatre grandes parties dans ce petit roman « Ema la Captive » en vingt-trois chapitres. Tout d'abord le convoi de prisonniers et détenus, en marche vers Coronel Pringles depuis Buenos Aires. « Une caravane se déplaçait lentement dans le petit jour ». La plupart des déportés sont blancs. 500 km à pied à travers la pampa, sous bonne escorte militaire. Parmi eux, une figure se détache celle d'un ingénieur français Duval, « engagé par le gouvernement pour effectuer des travaux spécialisés à la frontière », qui veille au bon déroulement et aux procédures du transfert. Puis on rencontre Ema, une prisonnière blanche, avec son fils Francisco. En cours de route, lors d'une halte dans une colonie « Fort Azul », cette dernière est attaquée par les indiens. On va suivre le destin de Ema et Gombo, son compagnon d'infortune, un gaucho embrigadé par les martiaux. C'est une allusion directe au mythe de « Martin Fierro », le long poème de José Hernandez (1872-1880), qui scelle la formation de la nation argentine. Voir le récit de Jorge Luis Borges et surtout « Les Aventures de China Iron » de Gabriela Cabezón Cámara, traduit par Guillaume Contré (2021, Editions de l'Ogre, 256 p.). Ils sont vendus par le colonel Espina. Une forme de troc marchand dans le but d'introduire des échanges avec les indiens. « L'argent est une construction arbitraire, un élément choisi uniquement pour son efficacité comme moyen de passer le temps ».
Après l'attaque, on retrouve Ema dans la suite d'un pseudo prince Hual, dans une ile. le tout est englobé dans des discours à tendance nihiliste. « La vie, est un phénomène primitif, destiné à disparaître entièrement. Mais l'extinction n'est pas et ne sera pas soudaine. le destin est ce qui donne à l'inachevé et à l'ouvert leur force esthétique ».
Dans la dernière partie, Ema décide de prendre son avenir et destin en charge, en s'engageant dans les divers échanges entre indiens et les colonisateurs blancs. Ce n'est pas une victoire personnelle pour Ema, mais un mode de vie où l'on retrouve les caractères des différents protagonistes Duval, Gombo, Hual et Espina qui adoptent un mode de vie intermédiaire « Si ce n'était pas impossible, la vie serait horrible.

L'auteur décrit le sort des femmes qui voyagent dans ce type de caravane à travers la pampa. Ema est d'abord montrée comme un objet sexuel ou comme une pièce d'échange ou une monnaie de circulation. Elle est d'abord offerte par le lieutenant Lavalle à l'ingénieur français voyageant dans le convoi et est emmenée par lui-même avant d'atteindre le fort d'Azul. A Coronel Pringles, elle vit temporairement avec le lieutenant Paz qui la donne au soldat Gombo, un gaucho. A cette époque, Ema a une liaison avec un Indien doux, Mampucumapuro. Enceinte et avec un enfant dans les bras, elle est emportée par un Indien étranger pendant une période délicate et entre ainsi dans le monde des nomades de la forêt. Là, elle circule comme marchandise ou comme élément de plus parmi ceux que les hommes indigènes. Ema est ensuite vendue à un chef du sud, Dodi. Plus tard, elle est désirée et prise par d'autres hommes de différents groupes indigènes et de différentes dignités : le prince Hual, un guerrier anonyme, Evaristo Hugo, ministre de la cour de Catriel, et un ingénieur zoologue d'une ferme de faisans. Trois ans après le l'attaque des indiens, de sa propre initiative et sans que personne ne l'arrête, Ema revient avec ses fils Francisco et ses deux filles à Pringles, où elle vit temporairement avec un lieutenant et ses autres femmes, et a des amants.
Par opposition l'homme blanc, généralement un militaire, va et vient parmi les captives. Ils sont nombreux, décrits en tant que soldat ou officier, mais ils ont perdu les attributs qui ennoblissaient leur métier. En effet, les militaires ne sont pas courageux, ils ne recherchent pas l'honneur, ils ne défendent pas la liberté, la patrie, la religion, les valeurs de civilisation. L'étranger européen est décrit comme un observateur de ces carences, comme un témoin de la perte de civilisation qui augmente avec la progression vers le sud. La barbarie devient la norme dans la pampa, une barbarie de boue, qui souille tout : il n'y a pas d'éducation, il n'y a pas de religion, il n'y a pas d'instinct de travail efficace, la paresse règne. La plupart des hommes blancs ont adopté la vie et le caractère de la pampa. Cette transformation est essentiellement destinée à un lecteur contemporain conscient de la tradition qui est à l'origine de cette écriture. La distorsion et l'exagération prédominent dans l'histoire.
Les indiens, généralement décrits comme une seule entité, sont montrés avec force de détails. Ils sont si divers que même le mot étranger ne convient pas, puisqu'il désigne les Indiens des différents royaumes qui habitent et traversent la forêt. Ceci à l'opposé des blancs Européens. Ce n'est pas seulement la quantité qui entre dans le jeu du conteur, mais les qualités des Indiens. On les présente avec des détails qui semblent plus typiques des Indiens de la conquête que ceux du XIXeme siècle. C'est ainsi que leur nudité et leurs décorations sont si minutieusement décrites qu'on croirait le rapport de ceux qui les voient pour la première fois.
Les Indiens d'Aira pêchent « au timbo, un narcotique végétal » et chassent les oiseaux « avec des gaz paralysants ». Ema qui va vivre parmi eux prend conscience « qu'ils n'étaient pas des artistes, mais l'art même, la fin dernière de la mélancolie » ; et que leur errance qui les mène « au bout de la route » leur permet de « regarder la frivolité en face ». Ils sont des funambules qui marchent sur du vide, comme le suggère Aira dans deux pages s consacrées à « l'art des équilibristes indiens ». Pour eux, « la condition humaine n'est autre que la vision picturale ou théâtrale des choses, un regard qui embrasse tout et fait de tout un nid douillet ». Ils démontrent une culture si raffinée qu'ils apparaissent comme des esthètes
L'expérience d'Ema dans le sud est utilisée dans un projet qui non seulement change sa vie mais aussi celle des autres. A l'opposé de la fragilité qui la décrivait au début du roman, elle utilise sa connaissance du monde indigène et les opportunités d'une certaine légalité établie dans le fort. Plus tard, elle organise une ferme de faisans en partant de presque rien. Cette entreprise va procurer à Ema et à beaucoup d'indiens, une vision différente de la vie, ainsi que des possibilités d'émancipations.

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