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Critique de fanfanouche24


Les funambules de Mohammed Aïssaoui… Sous l'émotion de la lecture de cet auteur que je découvre avec cette première lecture… J'avais toutefois noté il y a déjà un long moment son ouvrage sur « l'Esclave Furcy »…dont j'étais très curieuse. Plongée dans ce roman auquel j'imagine quelques échos dans le parcours et l'histoire personnelle de Mohammed Aïssaoui… Je découvre parallèlement un récit personnel d'un écrivain , Medhi Charef, « Rue des pâquerettes » ; je me souviens avec émotion de son premier ouvrage que j'ai vendu au tout début de ma carrière de libraire avec « Un Thé au harem » sous la belle couverture bleue du Mercure de France…Des points en commun : une enfance pauvre dans les cités, l'hommage aux parents qui se sont battus, ont souffert pour apporter une vie meilleure à leurs enfants…Et cette mémoire rendue à des parents vaillants et souvent, si peu considérés… Les mots, la rédaction de ces livres, qui viennent réparer le mépris,l'exil, les chagrins des transplantations…

Le narrateur de ce roman a quitté son pays natal à neuf ans, avec une mère aimante, dévouée, mais fortement handicapée par son illettrisme ; selon les termes de son fils, elle est désormais «analphabète bilingue». Perdue, coincée entre deux pays et les difficultés de survivre , de tenir bon pour ses enfants…

Dans ce contexte, notre narrateur va se souvenir, se sauver grâce aux mots et à la littérature …devenu « Biographe pour anonymes », un écrivain public pour les « sans-voix », il raconte l'histoire Des autres, et plus particulièrement des « démunis ».. . espérant retrouver une dignité, une sorte de reconnaissance de leur chemin souvent malmené… par les « mots qui soignent bien des maux »

À la demande de Jean-Patrick Spak, un neuropsychiatre, il est engagé pour travailler auprès de personnes fréquentant les associations d'aide car les mots réparent , redonnent du sens à leur existence. Des Restos du Coeur à ATD Quart monde en passant par les Petits Frères des Pauvres, il nous raconte ces « funambules » tombés de leur fil à la suite d'un accident de vie, mais aussi la vie de ces bénévoles impliqués, comme Monique, responsable très engagée depuis plus de 20 ans aux restos du Coeur…Une humanité souffrante , en équilibre instable, secouée par des successions de précarités…mais aussi riche de trésors inemployés…une main tendue… et l'espoir , l'envie de vivre renaissent!


… A travers ce travail, et cette écoute… une obsession l'habite, il aimerait retrouver l'amour de sa jeunesse à qui il n'a pas su dire les mots justes pour exprimer ses sentiments. Nadia était bénévole, engagée pour soulager les plus seuls et les plus fragiles…

« Nadia voulait mettre des paroles sur les maux des autres et de la beauté chez les plus démunis. Elle pensait : le livre, c'est aussi important que le pain, l'eau, l'électricité...Je ne comprends vraiment cette idée qu'aujourd'hui. » (p. 20)


S'ensuivent les rencontres, les récits de toutes vies cabossées qui ont chacune leur valeur, leur richesse…Et le narrateur se rend compte à quel point chacun de nous sommes des funambules, en équilibre sur le fil de la vie ; que rien n'est jamais acquis, que la chute peut survenir, alors que l'on se croit à l'abri, installé dans l'existence… Cela me fait songer à une phrase d'Aragon : « Rien n'est jamais acquis à l'homme ni à sa force… »


Un livre fort , émouvant qui incite à l'écoute, à l'empathie, au souci des autres, tant la vie est aussi merveilleuse que périlleuse, violente, dangereuse pour les plus faibles…Un ouvrage tendre, salutaire pour nous rappeler à notre humanité, que nous devons regarder autour de nous… tenter d'aider à notre modeste niveau. ..Que la SOLIDARITE est parmi les mots les plus précieux, indispensables pour rendre notre monde vivable…Je vais poursuivre ma lecture des écrits de cet écrivain me touchant beaucoup, par ses questionnements , son regard sur les autres, ainsi que sur l'histoire de tous ces Justes anonymes, restant des flambeaux d'espoir…des guides , sans omettre la puissance réparatrice des Livres et des mots !

"Je ne peux m'empêcher de trouver toute existence extraordinaire. Pour peu qu'on veuille bien prendre la peine de se pencher dessus, chaque vie est exceptionnelle et mérite d'être contée, avec sa part de lumière, ses zones d'ombre et ses fêlures- il y en a toujours, je sais comment les détecter. D'ailleurs, c'est mon obsession, ça, quand je rencontre quelqu'un je me demande quelle est sa fêlure: c'est ce qui le révèle. Et dans ce domaine, il n'existe pas d'injustice, pas d'inégalité: chacun porte sa fêlure, les misérables et les milliardaires, les petites gens et les puissants, les employés et les patrons, les enfants et les parents. "
(p. 17)

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