Le Gambit turc (1988) est le numéro deux de la série Eraste Fandorine. Ne vous attendez pas à un récit policier historique pépére. Il ressemble davantage à un grand roman d'aventure historique gorgé de péripéties rocambolesques, de sauvetages in-extremis, de trahisons, de duels au sabre et de coups de théâtre. On est en 1877 en pleine guerre entre l'Empire russe et l'Empire ottoman durant le siège de Plevna.
le roman bien qu'à la troisième personne est vu surtout au travers des yeux romantiques d'une femme intrépide, féministe et passablement fofolle. Varvara Souvorovna a décidé de partir retrouver Pletia son terne fiancé engagé sur le front comme télégraphiste. Elle rêve d'aventures. Elle sera servie. Lors d'une halte dans une auberge bulgare, son cocher en profite pour la voler. Heureusement, à l'auberge se trouve Eraste Fandorine, conseiller-détective au service de l'Etat russe,qui ne lui prête guère d'attention . Eraste a pris un coup de vieux depuis Azazel et semble bien las. Ils font route ensemble. Et sont vite attaqués par les terribles Bachi-Bouzouks qui promènent les têtes de leurs anciens captifs accrochées à la selle ...quand…
Eraste et Varvara et leurs sauveurs rejoignent la morne Dobroudja, la forteresse perdue de Plevna en Bulgarie, où se trouve Pétia. Là se trouvent un brillant et séduisant jeune Général (surnommé Achille) et sa petite cour d'admirateurs tous fort galants et bien séduisants. Ils passent leur temps à jouer et à provoquer des duels. On apprend bientôt qu'un télégramme de l'État major a été modifié permettant à l'adversaire de gagner du temps. Petia est accusé de cette manoeuvre et arrêté. Fandorine n'est pas convaincu de sa responsabilité et cherche le véritable traître parmi les officiers russes et les correspondants de guerre français et anglais...
Un peu de vocabulaire pour les Nuls :
-un gambit n'est pas un bellâtre anglais figurant avec la grande Purdey dans l' infâme dernière saison de la série Chapeau melon et bottes de cuir . Non Un gambit est un terme employé aux échecs pour désigner le sacrifice volontaire d'une pièce dans l'ouverture : gambit du roi, gambit dame, etc. afin d'en tirer avantage substantiel par la suite.
-un Bachi-bouzouk n'est pas seulement une des insultes préférées du capitaine Haddock. Non point, un Bachi-bouzouk « (du turc başıbozuk, littéralement « tête cassée ou félée ») est un cavalier mercenaire de l'armée de l'Empire ottoman, avec un armement non standardisé, et en pratique très léger, et une discipline faible. L'ampleur de la répression qu'ils firent subir aux Bulgares au cours de l'insurrection bulgare d'avril 1876 indigna le monde entier »(Wikipedia) . Dans le roman d'Akounine ils sont de redoutables cavaliers, particulièrement sanguinaires.
Le roman qu'on lit avec plaisir au premier degré est aussi un pastiche du roman d'aventure populaire ou des récits de voyage du milieu du XIXème siècle. On peut penser côté français à
Alexandre Dumas ,
Jules Verne (
Michel Strogoff) ou aux Charentais
Pierre Loti et
Eugène Fromentin pour les descriptions orientalistes pittoresques des moeurs ottomanes. Côté russe, on peut repérer quelque parenté du côté du peintre
Vassili Verechtchaguine qui ne ne s'est pas contenté de peindre les belles femmes ottomanes en Burqua ou les combats héroïques de l'Armée Russe lors du conflit ottoman mais a également évoqué la guerre du renseignement (« le Grand jeu »)avec sa toile L'espion (1878-1879) . On peut trouver également quelques airs de ressemblance dans la littérature classique avec Lermontov (Un héros de notre temps) et même Tolstoï (Anna Karénine).
Ce roman est très plaisant, un pur divertissement.
A suivre