On a un récit cadre où Pandore, "happiness manager", reçoit tour à tour les différents employés / collaborateurs de la boîte où ils travaillent tous. Chaque entrevue donne lieu à une petite nouvelle. Chaque nouvelle aborde une thématique (ou une facette d'une thématique) différente, mais toutes liées à la société dans laquelle nous vivons aujourd'hui : consommation, hyper-connexion, vie virtuelle, réseaux sociaux, solitude, etc.
Et ça marche plutôt bien. le récit cadre permet de créer du lien entre les différentes histoires, certaines se mêlent ingénieusement, et surtout, il permet d'amener une fin assez percutante.
Moi qui ne suis pas fan de nouvelles (même quand il s'agit d'auteurs que j'aime bien), j'ai complètement adhéré ici.
L'autrice a une plume fluide et agréable, mais aussi parfois sarcastique (voire presque parodique) et impertinente. Ça coule tout seul, et ça incite le lecteur à réfléchir un peu à la façon dont il vit, consomme, se socialise.
Derrière l'illusion de joie au travail de cette boîte, on découvre le revers de la médaille. de jeunes actifs qui pourraient avoir tout ce qu'ils veulent (culture, informations, rythme de vie a priori assez confortable) et qui ne sont pourtant pas si heureux.
Leur problème ? La quête de sens. le fameux "pourquoi" des tout-petits qui ne trouve pas de réponse malgré la (sur)abondance d'informations et de connaissances, l'impression d'inutilité, l'absence de but. Et c'est fort intéressant. Parce que très honnêtement, qui ne s'est jamais posé la question du "à quoi bon ?", même sans sombrer du côté dépressif (dans le sens de la maladie), il y a de quoi être parfois un peu déprimé.
Mais même si tout ça était vraiment très agréable, il y a quand même quelques bémols.
Le format : oui, il passe crème. Mais en ne passant que quelques pages avec les personnages, on a surtout l'impression que les personnages servent la thématique, l'idée. Donc qu'ils ne sont pas vraiment des personnages, plutôt des incarnations au service de (alors je vais loin, mais du coup ça fait complètement sens rapport qu'ils n'ont pas vraiment de but en eux-mêmes, effectivement).
Mais la taille même de ces micro-fictions fait aussi que même l'idée a du mal à s'étendre. Oui, ça peut permettre au lecteur de réfléchir tout seul comme un grand. Mais ça donne aussi l'impression qu'on frôle juste le sujet. Bref, il y a un petit côté superficiel (dans le sens qui reste en surface, on s'est bien compris, hein).
Et ensuite, ben il y avait un petit côté caricatural, quand même. Alors, c'est peut-être assumé, mais j'avais un peu l'impression que l'autrice nous généralisait toute une génération (dont elle fait partie, oui, mais quand même). Et pour en faire partie également (rapport que j'ai un an de moins qu'
Anne Akrich et à peu près le même âge que les personnages représentés), ben je me suis pas tant que ça reconnue dans ce qui était décrit.
Oui, je vais sur Netflix et il m'arrive parfois de binge-watcher une série.Le mot important étant "parfois". Oui, j'ai un compte Facebook et un compte Twitter, mais non, je ne passe pas mon temps dessus (et les infos qu'on y trouve sont celles que j'ai bien voulu montrer) (=sur ma page FB, zéro chances que quelqu'un à qui je n'ai pas parlé depuis des années mais qui est mon "ami" ne devine que j'ai un gosse, par exemple, et faudrait qu'il se transforme en Sherlock pour trouver qui est mon mec). Et pour bosser dans le social, ben mon monde du travail est bien loin de ce qui est représenté ici. Et comme on a souvent des proches qui nous ressemblent un peu, ben ça ressemble pas non plus au quotidien des gens que je fréquente. À la limite, la personne que je connais qui serait le plus proche de cette histoire, ce serait ma belle-mère, et elle a une génération de plus.
Alors je sais que mon cas et ma vie ne sont pas une généralité, mais justement, je n'avais pas envie de me sentir incluse dans une généralité qui ne me ressemble pas.
Bref, je crois que pour montrer une évolution de la société, il aurait été assez pertinent d'avoir d'autres tranches d'âge. Parce qu'on croirait qu'on a juste affaire à un problème générationnel d'insatisfaction chronique, alors qu'il s'agit à la limite de problèmes de société, pas induits par les enfants des 90's ou les millenials.
Bref, c'était très chouette et intéressant, c'était bien écrit, ça prêtait à la réflexion. Juste, 2-3 choses auraient pu donner un résultat encore plus mieux (ceci est évidemment une opinion subjective et personnelle).
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