Il y a longtemps que notre univers est devenu, selon la formule de Charles Perrow, un « univers d’organisations ». À lui se greffe automatiquement, là où règne le capitalisme financier, un « univers de management à l’américaine » dans lequel tout, y compris les institutions publiques, dont l’école et l’université, doit de plus en plus se conformer aux canons de l’« efficacité managériale », qui se mesure à l’aune de la rentabilité purement financière et de la pression des coûts. Mais après l’idéologie managériale, il y a celle du déferlement de la souveraineté mondiale du marché et de ses « lois » qui pousse même l’État à se comporter comme un organisme toujours plus mercantile que social.
À force de techniciser et de rendre strictement utilitaires à peu près tous nos enseignements, nous avons abouti à l’élimination de la culture et des «humanités» des bancs de l’école, sous le fallacieux prétexte que ceux-ci ne font aucun apport direct à la production et à la croissance économique. Mais que signifient donc «humain» et «culture» sans l’enseignement et l’étude des humanités (…) ?
Ne plus être que ce que l'on consomme ou ce que l'on possède, voilà le credo majeur de la modernité. Ce que l'on est ou ce que l'on sait, cela ne compte plus guère que pour les poètes ou les philosophes, les derniers à résister à l'absolu pouvoir de l'argent.