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Le 24 juillet 1927 Akutagawa Ryûnosuke se suicidait par absorption massive de barbituriques. Les deux textes de ce recueil ont été publiés après sa mort, la même année. Les thèmes en sont la folie, la littérature et la mort. Ils sont d'une intensité exceptionnelle.
Akutagawa est né en 1892. Neuf mois après sa naissance, il est confié à son oncle maternel car sa mère est devenue folle.
Il se nourrit de littérature, aussi bien de classiques chinois et japonais que de classiques occidentaux. Encore simple étudiant en Lettres, il traduit et écrit des nouvelles. En 1916 Sôseki publie la terrible nouvelle Rashomon et le Nez (Hana) dont il fait l'éloge, dans sa revue. Dès 1920 Akutagawa est un écrivain célèbre, apprécié du public et reconnu par ses pairs, tant il sait faire le lien entre les nostalgiques de la tradition et les modernes. Il écrit des essais, des poèmes, des nouvelles et autres textes brefs. Il revisite les légendes médiévales ou les histoires de fantôme pour interroger le présent, angoissant et menaçant. Il est en perpétuelle recherche formelle et ses textes sont d'une remarquable modernité et toujours percutants. Il est devenu le maître incontesté de la forme courte. Dans le même temps, et alors même que le Japon plonge dans le nationalisme militaire, sa santé mentale se dégrade jour après jour et il vit une véritable descente aux enfers.
La mort d'Akutagawa est survenue six mois seulement après la mort de l'empereur Taisho et le début de l'ère Showa. Pour beaucoup, elle représente non seulement la fin d'une époque*, mais aussi la défaite* des intellectuels japonais.

1. Engrenage (« Haguruma », 1927, publication posthume).
C'est un récit à la première personne. le narrateur Monsieur A est un écrivain célèbre. Dans un taxi, son compagnon de voyage, un rondouillard à barbiche, lui apprend qu'un fantôme en manteau de pluie hante une propriété. le narrateur n'y prête guère attention, mais bientôt, il voit un manteau de pluie, à la gare, dans le train, dans les rues qui lui semble être l'ange de la mort. Dès lors les hallucinations morbides s'enchaînent. Il les affronte d'abord avec un calme clinique avant que la honte et l'angoisse ne le submergent totalement.
Ce qui apparaît comme une simple histoire de fantôme devient rapidement le récit bouleversant et extrêmement précis des souffrances du narrateur-auteur. Il scrute les mauvais présages dans des objets ou de simples couleurs, le rouge et le noir qui lui rappelle l'Enfer, il a des hallucinations visuelles et auditives impressionnantes (rires sardoniques, chuchotements dans la nuit). Il se voit dans un miroir déformant et un engrenage flotte dans ses yeux. le récit évoque Gogol, Poe, Dante, Maupassant (Le Horla), Sternberg, Dostoievski et bien d'autres. La littérature semble avoir nourri la bête qui le rongeait depuis l' enfance.

2. le journal d'un idiot est composé de 51 fragments poétiques que l'auteur rédigea en 1927 avant de se donner la mort. Ils sont écrits à la troisième personne. Akutagawa se met à distance et se regarde. On voit comme dans un film expressionniste, instantané par instantané, son cheminement littéraire et personnel. Chaque fragment porte un titre révélateur : 1 Époque*... 2. Sa mère ...6. maladie. 9 cadavre...13 La mort du maître (Soseki) 17 Papillon...31 le grand tremblement de terre...49 Un cygne empaillé. 50 Prisonnier. 51 Défaite*. Chaque fragment est magnifique, intense et marquant.
« La vie d'un idiot était achevée", quand il découvrit un cygne empaillé dans la boutique d'un antiquaire. L'oiseau était debout, le cou tendu, mais ses ailes jaunies étaient trouées par les mites. Songeant à sa vie, il sentit un sourire de dérision brouillé de larmes lui monter aux lèvres. La folie ou le suicide, c'est tout ce qui l'attendait. Il marchait, solitaire, dans les rues où tombait la nuit, résolu à attendre le destin qui, lentement, viendrait l'anéantir ».
(49 Un cygne empaillé)
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Akutagawa n'est pas que le nom d'un prix littéraire japonais prestigieux - un peu l'équivalent du Goncourt en France -, c'est aussi celui d'un écrivain nouvelliste ayant vécu, brièvement, à la période charnière du Japon.

Dans "Engrenage" et "La vie d'un idiot", il parle de lui. Ces deux textes furent publiés de façon posthume. Qu'il soit le "je" narrateur de la première histoire ou opte pour une distanciation avec "il" dans la seconde, on le voit dépeindre surtout les angoisses qui le conduisirent au suicide en 1927. Dans "La vie d'un idiot", il se déclare possédé par le "démon de la Fin du Siècle", écartelé entre sa japonéité et l'occidentalisation de son pays, à laquelle il succombe en partie à travers son attirance pour la littérature européenne du XIXème siècle et du début du XXème.
Les deux nouvelles regorgent de références à Flaubert, Strindberg, Tolstoï, Dostoïevski, Anatole France, etc.

Mais cet esprit cultivé, connaissant aussi bien ses classiques chinois et nippons que les occidentaux, s'avance dangereusement sur les pentes de la folie. le spectre de sa mère morte enfermée dans un asile psychiatrique le poursuit. "Engrenage" montre tout particulièrement la montée en puissance des troubles qui accaparent ses pensées et sa vie même : paranoïa, hallucinations, impressions de découvrir des signes à lui destinés dans une lumière rouge, la phrase d'un livre ouvert au hasard, etc.
Une phrase de "La vie d'un idiot" résume parfaitement son état psychique lors de la rédaction de ses derniers textes : "La folie ou le suicide, c'était tout ce qui l'attendait".

La mort, souvent volontaire, est un thème récurrent dans la littérature japonaise, qu'il s'agisse du suicide pour retrouver son honneur ou mû par le désespoir. D'ailleurs, nombreux sont les auteurs nippons à être décédés de leurs propres mains, outre Akutagawa (Dazaï, Kawabata, Mishima, etc).

Les deux récits de ce court recueil prennent une signification particulière compte tenu de ce qu'il advint de l'auteur peu après l'apposition du point final. Les textes sont sombres, désespérés et ne laissant aucune échappatoire au narrateur. Pas même la religion puisqu'il soutient à une connaissance à lui, catholique fervent qui lui prône d'accepter le recours de la lumière, qu'il existe des ténèbres sans lumière. Il marche dedans et ses pensées souvent décousues par les prémices de la folie nous plongent dedans avec lui.

Par conséquent, mieux vaut avoir le moral plutôt au beau fixe pour entamer cette lecture. Ou alors prendre suffisamment de distance pour compatir à la situation de l'auteur sans se laisser plomber par sa noirceur. Mais par leurs qualités indéniables, ces textes méritent qu'on se penche dessus avec intérêt.
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Très belle découverte pour moi de cet écrivain majeur de la littérature nippone, qui pour n'avoir écrit pratiquement que des nouvelles n'a pas la même notoriété que d'autres japonais en occident. Il a pourtant donné son nom au principal prix littéraire du pays du soleil levant, c'est dire sa stature.
On ne trouvera ici que deux nouvelles extraites du recueil original, histoire de découvrir leur auteur : Engrenage puis la Vie d'un idiot.

Dans Engrenage, le narrateur, écrivain, est perturbé par la vision d'un manteau de pluie, à plusieurs reprises et en plusieurs lieux, alors qu'on vient de lui parler d'un fantôme en manteau de pluie. L'homme est fragile, sa mère était folle, et au fil des pages, on sent qu'il commence à dérailler dans sa solitude urbaine, ayant laissé sa famille à la campagne. Ses nerfs ne tiennent qu'en prenant une batterie de médicaments, il a des visions, des paranoïas. En déambulant, il croise des personnes et voit des choses qui lui sapent toujours plus le moral. Se complaisant dans la solitude, sa santé mentale se dégrade inexorablement...Il se rapproche de la folie et a des tentations suicidaires...

Dans la Vie d'un idiot, la construction se rapproche étonnamment des haïkus. Chaque "paragraphe" titré est un arrêt sur image, d'une situation ou pensée intérieure du narrateur...En quelques mots, tout est dit de sa souffrance. Car lui aussi ne va pas bien, mais alors pas bien du tout. Déprime profonde, approche de la mort par suicide qu'on sent nettement arriver...

Deux superbes textes, sombres, complètement autobiographiques, qui annoncent le suicide...imminent de l'auteur, puisque les textes seront publiés juste après sa mort, à 35 ans.
J'ai été subjugué par la beauté de l'écriture, et le narrateur désemparé est très émouvant.
Des textes à lire et relire...quand on a le moral !
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Deux nouvelles posthumes du grand auteur de littérature japonaise Ryûnosuke Akutagawa (1892-1927) qui préparent la mise en scène de son suicide.

Dans la 1ère "Engrenage", le narrateur, un écrivain neurasthénique, voit dans les choses qui l'entourent autant de signes prémonitoires de sa mort prochaine : un manteau de pluie, une pantoufle manquante, les couleurs blanc et noir...des signes qui le poussent toujours un peu plus vers la folie.
La seconde "La vie d'un idiot" est le journal autobiographique et testamentaire de l'auteur avant son suicide en 1927.

Ces deux nouvelles sont les dernières qu'a écrites Ryûnosuke Akutagawa peu avant son suicide en 1927.
Publiées à titre posthume, elles expriment avec un sentiment de malaise croissant, les peurs et les angoisses de l'auteur, la crainte de devenir fou comme le fut sa mère, la lassitude de vivre dans un monde dont il ne voit que la noirceur.
Si elles illustrent son état d'esprit, sa superstition, son interprétation des signes vus par le spectre de son obsession de la mort, elles reflètent également sa grande passion pour les auteurs occidentaux.
A découvrir.
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Je suis tombée sous le charme de l'écriture de cet auteur japonais si tourmenté. Ces deux nouvelles, censées préfigurer son suicide, sont empreintes d'un désespoir qui m'a presque contaminée, le temps d'une journée.

Toujours à mi chemin entre réel et rêverie - ou plutôt cauchemar, tant l'angoisse de l'auteur est omniprésente - Akutagawa livre son mal être, ses obsessions. Il trouve sans cesse des mauvaises augures sur son chemin, comme si le destin le narguait, et craint sans cesse de verser dans la folie qui a emporté sa mère.
Son amour pour les auteurs occidentaux - Anatole France, Radiguet, Rousseau - éclairent furtivement ses pensées, avant qu'il ne replonge dans ses pensées suicidaires et s'inquiète de sa mauvaise santé.

J'ai réellement adoré la force de ses images, et me sens touchée par ce destin si sombre. Je vais donc m'attaquer au reste de ses oeuvres - notamment "Rashomon", dont je vais regarder l'adaptation ciné.
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La vie d'un idiot contient deux nouvelles posthumes d'un auteur majeur japonais. Les deux textes sont très différents dans leur prose mais expriment tous deux l'angoisse de leur auteur. Celui-ci a vu sa mère basculer vers la folie et s'imagine suivre le même chemin.

Le premier texte, Engrenage, a une atmosphère lourde et pesante. L'auteur y décrit les événements traumatique qu'il traverse. Il ne s'accepte plus. Il nous montre à travers ses écrits ce qu'il endure et à quel point il attend avec impatience la fin de sa vie. Il y voit une délivrance. Entre sensibilité et désespoir, cette nouvelle est d'une grande beauté.

La deuxième, La vie d'un idiot, a donné son titre au livre. A l'inverse du premier texte écrit de façon plus conventionnelle, celui-ci se présente comme "un journal autobiographique reprenant la forme des haïkus". En d'autres termes, il est constitué de courts paragraphes très poétique.

« Il lisait un livre d'Anatole France, la tête appuyée sur l'oreiller du scepticisme qui dégageait un parfum de feuilles de rose ; sans s'apercevoir qu'un centaure s'était glissé à son insu dans cet oreiller.»

Ce texte est un bijou. On y trouve toute la sensibilité de l'auteur et on voit qu'a l'instar du premier texte ou il espérait la mort, il est maintenant prêt à se la donner. C'est son testament, à la fois grave et doux. La mort y est une fin inexorable, comme le suicide de l'auteur qui ne tardera guère.

«Je vis à présent dans le plus malheureux des bonheurs. Mais, aussi étrange qu'il puisse paraître, je ne regrette rien. Je plains seulement ceux qui ont eu le mauvais mari, le mauvais fils, le mauvais père que je suis. Alors adieu.»

Pour conclure, ce livre est indispensable aux amoureux de la littérature japonaise. La sensibilité qui s'en dégage ne pourra vous laisser indifférent.

Note : 8/10
Lien : http://www.les-mondes-imagin..
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Ce livre rassemble ici deux nouvelles publiée à titre posthume en 1927 de Ryunosuke Akutagawa. Ces deux nouvelles sont poignantes et m'ont beaucoup touché, elles racontent la progressive plongée de l'auteur dans la folie. Ces deux textes sont d'autant plus glaçantes qu'elles nous font plonger dans l'intimité d'un Akutagawa conscient de sa maladie mais qui ne peut rien faire pour lutter contre cette maladie qui peu à peu prend le dessus sur lui, gangrénant son esprit et minant ses forces.

La première nouvelle, Engrenages, est sans doute la plus belle des deux du point de vue stylistique, le style d'Akutagawa se fait sobre sans renier une certaine élégance classique, ce qui n'empêche pas l'auteur d'insérer des passages très poétiques. En outre l'auteur parvient à créer un sentiment de trouble et de malaise croissant chez le lecteur qui ressent une compassion douloureuse car teintée de tristesse pour le personnage qui semble démuni face à l'évolution de son état de santé. Cela est encore renforcé par le fait qu'Akutagawa s'est largement inspiré de sa propre existence pour développer son récit. En ce sens, Engrenages est sans doute la nouvelle qui par la beauté de son écriture et la présence de sentiments exacerbés est la plus édifiante des deux récits sur le processus qui a mené Akutagawa à sa folie et son suicide par l'inexorable contamination de son esprit par la folie. le lecteur ne peut qu'être touché devant ce spectacle si tragique de la perte par un homme de ce qui fait son humanité :sa faculté de raisonner.

La deuxième nouvelle, intitulée la vie d'un idiot est également très touchante car elle semble la plus explicite que l'auteur ait écrit concernant son cheminement vers la folie, cause de son suicide.Par le choix de transposer l'esprit des haïkus dans une version romanesque rend les passages intenses, par leur concision, l'auteur a voulu, comme il le dévoile au début décrire explicitement sa vie, qu'il nomme par dérision la vie d'un idiot. Si l'auteur a choisi de prendre une forme de distance, privilégiant le il au jeu, ce choix ne peut empêcher le lecteur de découvrir dans ce récit sans détours et à la sombre clarté l'épuisement d'un homme traqué par la propre défaillance de son esprit et qui arrive au bout de ses ressources physiques et mentales et que ne guette que la mort, envisagée finalement comme ultime délivrance.

Akatagawa livre ici son propre portrait, description du malheur d'une vie avec un courage teinté d'un désespoir certain qui ne pourra qu'émouvoir chaque lecteur de par la sincérité de cette démarche et le style véritablement superbe de l'auteur. Un magnifique et cruel récit de la vie de l'homme qui restera un des plus grands écrivains japonais.
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On se retrouve ici avec deux nouvelles du célèbre Akutagawa. La première s'appelle Engrenages. Tout commence avec l'histoire qu'on raconte à notre narrateur. Une légende locale prétend qu'un fantôme se déplace en manteau de pluie. Comme c'est intriguant ! Petit à petit -d'où le "engrenages"- notre narrateur sombre dans la folie. J'ai trouvé cette nouvelle très touchante car je m'étais vraiment attachée à cet écrivain qui lit du Maupassant et Dostoievski. Il est difficile à dire où s'arrête la fiction et où commence la réalité que vit l'auteur, Akutagawa, au moment où il écrit cette nouvelle. Tout parait tellement réaliste et faire écho à sa propre vie !

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Lien : http://iluze.over-blog.com/a..
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Ouf! Voilà un très cour recueil extraordinairement intense mais étouffant. Ce basculement dans la folie, cette peur constante mais aussi cette sensibilité à fleur de peau du beau, de l'instant, des impressions et leur perversion en présages malheureux. L'auteur connaît son destin, le construit, s'y achemine. Pas facile d'entrer dans un tel esprit, surtout dans ces instants miroirs qu'on comprend trop bien. Il n'y a que la perception pour basculer… une perception juste un tout petit peu plus affûtée pour couper le fil de la rassurante réalité
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Hyper enthousiaste après avoir lu Rashomon et autres contes, je voulais poursuivre ma découverte d'Akutagawa et je disposais de ce petit Folio 2€ dans ma bibliothèque.
Je dois avouer que ces deux récits autobiographiques posthumes m'ont un peu déçue.

"Engrenage" est rédigé à la première personne et m'a fait penser à certains récits De Maupassant avec cet individu angoissé craignant la folie, voyant des signes néfastes partout, l'écriture faisant bien sentir la montée de la paranoïa - qui constitue à elle seule "l'intrigue", Akutagawa craignant de devenir fou comme sa mère.
Personnellement, je suis restée extérieure.

J'ai davantage apprécié "la vie d'un idiot" que j'ai trouvé original et intéressant : récit en fragments courts voire très courts (51 sur 33 pages), numérotés et titrés, montrant les points majeurs de sa vie (rapport à sa mère, amours, mariage, paternité etc.), de ses goûts (littérature européenne, arts), on pourrait parler d'un récit par touches, comme un peintre impressionniste. A relire, je pense, pour bien apprécier le tableau complet.
Particularité pour un récit autobiographique, c'est écrit à la troisième personne.
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