Qui a dit que la parole est gratuite, qu'elle n'engage pas les actes ? Faux. Parler de sexe est déjà s'y adonner. La parole est une composante de l'énergie sexuelle.
Hier, le Voyageur m'a révélé sa devise : je baise, donc je suis. Il me la livre en français, dans la langue de Sade. Je la prends comme une boutade et je répète après lui en riant.
Quand il parle en arabe, le Voyageur utilise ce verbe à la forme passive : je suis baisé. Cet emploi dépréciatif m'étonne de lui, car il se présente comme un baiseur invétéré, dans ses histoires. Il me vient à l'esprit que, moi, j'aime ce verbe seul et libre : baiser, point. [...]
Je traduis en arabe la phrase du Voyageur : je baise donc je suis. Je baise, tu baises...je conjugue et je fouille le champ des dérivés. Sur mon écran, le correcteur orthographique a souligné tous les mots en rouge; il ne les connait pas ! Lui aussi, est programmé pour la dissimulation. Cet ordinateur est une oie blanche. Un eunuque, plutôt. Qui a castré la langue. [...]
Plus tard, des années après le départ du Penseur, j'ai compris que chacun de nous a un Penseur, un ou une, unique ou multiple, qui l'attend quelque part en ce monde pour le révéler à lui-même, pour l'aider à déployer ses pouvoirs, pour aller plus loin dans son labyrinthe intérieur.
"Je ne connais pas mon âme ni celle des autres, mais je connais mon corps et je connais leurs corps. Et je m'en satisfais."
"L'amour est pour l'âme, le désir est pour le corps. Je n'ai pas d'âme. (...) Qui désire mon corps m'aime. Qui aime mon corps me désire. C'est le seul amour que je connaisse; le reste est littérature."
"En arabe, sarir est le lit, sir est le secret, deux mots de la même racine. Le désir est secret. Le plaisir est le secret. Le sexe est le secret. Le sexe est le secret des secrets."
Les écrivains arabes estiment que, parmi les bienfaits du coït, outre la perpétuation de l'espèce, figure un aperçu du paradis.
Avant toi, je n'avais jamais connu de femme dont on pouvais lire sur le visage son érection.
Ainsi en est-il pour tous les parents : quand ils prennent conscience de la nécessité d’entrouvrir la porte, leurs enfants sont déjà dans le jardin.
Je rédige en arabe en me fondant sur les textes originaux.
En arabe ? Le problème, dans ce cas, est la censure. Utiliser un mot explicite dans une langue étrangère n’est pas un problème.
En arabe, c’est différent. Les textes existent déjà. Publiés, ils sont vendus en librairie. Je n’invente rien. Je le répète : c’est un essai. Je ne suis pas la première.
Et si on vous l’interdit ?
J’ai répondu, sarcastique :
Je serai célèbre.
Aujourd’hui, les auteurs rêvent qu’on interdise leurs livres pour devenir célèbres. Pourquoi pas, si la censure en est à ce degré de bêtise ?
Très tôt, j’ai su quel chemin serait le mien, à quel jeu je jouerais. Ce jeu m’amuse, il compose une part de ma vie secrète. Personne ne peut se dire l’organisateur de mes libertés. Ma vie est mienne, et mes secrets aussi.
Je me suis entraînée à cacher aux amants l’amour de l’époux, je l’ai appris de Marguerite Duras. Cacher à l’époux l’amour des amants, je l’ai appris de toutes les femmes.