AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Daniel Leuwers (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253005278
310 pages
Le Livre de Poche (20/09/2006)
  Existe en édition audio
3.73/5   8705 notes
Résumé :
Entre Berry et Sologne, lire "Le Grand Meaulnes", c'est aller à la découverte d'aventures qui exigent d'incessants retours en arrière, comme si l'aiguillon du bonheur devait toujours se refléter dans le miroir troublant et tremblant de l'enfance scruté par le regard fiévreux de l'adolescence.
Le merveilleux de ce roman réside dans un secret mouvement de balancier où le temps courtise son abolition, tandis que s'élève la rumeur d'une fête étrange dont la hant... >Voir plus
Que lire après Le grand MeaulnesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (423) Voir plus Ajouter une critique
3,73

sur 8705 notes
À vouloir saisir les ailes d'un papillon, on peut réduire en poussière ses couleurs chatoyantes. Aussi ne ferai-je qu'effleurer "Le Grand Meaulnes", de crainte d'en ôter la magie...

Cette merveilleuse histoire d'amour et d'amitié, publiée en 1913, symbolise à mes yeux le passage de l'adolescence à l'âge adulte, avec tous les déchirements et les tragédies que cela implique. Tragédie cristallisée l'année suivante par la mort de l'auteur, fauché à la veille de ses 28 ans lors des premiers combats, effroyablement meurtriers, de la Grande Guerre.

J'aime le romantisme des personnages, le charme délicat d'Yvonne de Galais, la démesure de son frère Frantz et la quête d'absolu d'Augustin Meaulnes, ce double héroïque du sage narrateur, François Seurel. L'aventure de Meaulnes à la fête étrange du Domaine inconnu conserve la magie d'un songe. Et la nature, si présente dans la description des paysages de Sologne, s'en fait la complice.

Un roman initiatique que j'ouvre de temps en temps, pour respirer dans ces pages qui ont jauni un parfum d'adolescence. J'y ai même retrouvé un trèfle à quatre feuilles, aussi diaphane et léger, maintenant, qu'une aile de papillon.
Commenter  J’apprécie          2579
Le Grand Meaulnes raconte l'histoire d'un premier amour , celui qui ne se concrétisera jamais et dont on garde un souvenir ébloui .
C'est un livre au charme désuet , celui d'une époque qui n'existe plus , un roman très romantique , il y a dans ce livre , une atmosphère particulière qui nous fait pénétrer dans un monde merveilleux , magique , c'est ça la force du roman , il nous emmène au pays des rêves , on est un peu comme dans un état d'hypnose pendant la lecture .
Moi personnellement , jen garde un souvenir émerveillé et je n'ai pas envie de le relire , j'aurais bien trop peur que la magie n'opère plus , pas certaine que ce qui m'avait tant plu à l'adolescence me plairait encore aujourd'hui , je préfère rester sur cette impression inoubliable comme celle que laisse le souvenir d'un premier amour .
Je ne peux m'empêcher de mettre un petit mot sur l'auteur bien que l'histoire soit connue , il est mort pendant la première guerre mondiale , lui non plus n'a pas vieilli , il est resté comme son roman à l'abri du temps qui passe .
Commenter  J’apprécie          19813
Ah ! le grand Meaulnes ! Je me souviens d'avoir fait la découverte d'Alain-Fournier dans ce bon vieux Lagarde et Michard. Et ce qui avait retenu mon attention, ce n'était pas le texte, mais sa photo devant laquelle je bavais ! J'étais au collège à l'époque... Alors bien évidemment, je m'étais jetée sur le bouquin. Roman associant l'onirique, l'autobiographique et la fiction, il me permettait de m'évader pendant quelques heures.

L'histoire est la suivante : François Seurel, le narrateur, jeune élève timide de 15 ans, est le fils de l'instituteur. Il mène une existence paisible avec ses parents, dans les bâtiments de l'école lorsqu'un nouvel élève arrive, Augustin Meaulnes. Pensionnaire, il partagera la chambre de François. Cette rencontre va être un tournant dans la vie du calme François. Quelques jours avant noël, Augustin s'offre une escapade hors du lycée. Il découvre un endroit mystérieux, un château abandonné dans lequel se déroule une fête. Il y fait la connaissance d'Yvonne de Galais dont il tombe amoureux et de son frère, Frantz. La fête est donnée pour les noces de ce dernier. Malheureusement, la future promise ne viendra jamais. de retour à la pension, le grand Meaulnes n'a qu'une envie : retourner au château. Il y va en compagnie de François. Mais, chose bizarre, il ne le retrouve pas. Je n'irai pas plus loin, il faut absolument lire ce livre.

Je parlais d'autobiographie... Il s'avère que les trois personnages principaux, François, Augustin et Frantz feraient référence, d'après ce que j'ai pu lire dans quelques études de ce roman, à l'auteur lui-même, à différentes époques.

Souvent lu à l'adolescence, ce roman ne laisse pas indifférent : on aime ou on déteste. Ce voyage initiatique a envoûté bon nombre de lecteurs. Il a marqué des générations et on y fait référence, que ce soit en littérature, au cinéma ou dans la musique.

Lien : http://www.lydiabonnaventure..
Commenter  J’apprécie          16613
« Mais un homme qui a fait une fois un bond dans le Paradis, comment pourrait-il s'accommoder ensuite de la vie de tout le monde ? »
Le « Grand Meaulnes » ! C'est un roman sur la jeunesse finie et le bonheur manqué, sur les grandes défaites et la fin des illusions.
C'est Augustin, avec son regard exalté, et sa recherche tâtonnante, vaine de l'absolu qui ne s'embarrasse guère des petitesses et des mesquineries de la grisaille du quotidien. C'est l'éternel adolescent qui, le nez dans les étoiles, enjambe les aventures.
C'est l'absolu et indéfectible fidélité de Julien et le respect de la parole donnée.
C'est la grande débâcle de Frantz, et le douloureux sacrifice d'Yvonne…
C'est la fête au domaine perdu vécu comme un rêve, comme une entrée furtive dans le paradis.
J'ai lu une première fois ce livre à quinze ans, les yeux fiévreux et le coeur froissé.
Au risque de briser une idole, d'abîmer un moment précieux, intime de mon existence, j'ai choisi, inquiet, de le relire après tant et tant d'années, après toutes mes longues traversées par temps clairs ou par temps orageux.
Mes amis ! J'ai connu les mêmes gonflements de coeur. La magie est toujours là ! Lumineuse et Intacte.
Oui ! le chemin qui mène au domaine sans nom est toujours à découvrir.
Commenter  J’apprécie          15316
le Grand Meaulnes, publié en 1913, est considéré comme l'une des dix oeuvres majeures de la littérature du XXe siècle. Son auteur Alain-Fournier, mobilisé et mort au champ d'honneur en 1914, n'aura jamais l'occasion d'écrire un autre livre.
Difficile de s'attaquer à un monument pareil pour en faire la critique. Je me suis néanmoins attelé à cette tâche des plus risquées, pour tenir mes engagements dans le cadre de la dernière opération « masse critique jeunesse » de Babelio.
Quelques pages seulement suffisent pour prendre conscience de l'évolution du vocabulaire et du langage courant en un peu plus d'un siècle. Quoi de plus banal en effet dans la conversation que les mots désignant… les vêtements ? Or, ils sont dans ce roman si nombreux, si variés et si délicieusement surannés que ces simples mots de tous les jours finissent par évoquer une reconstitution historique à grand spectacle, en compétition dans la catégorie « meilleurs costumes » : gilet, capote, vareuse, paletot, pèlerine, veston, jaquette… et j'en oublie sûrement. Ces mots usuels pourraient être de nos jours transposés en : smoking, pull, tee-shirt, sweat-shirt, body, top… pour correspondre à une histoire plus actuelle, et c'est ainsi que l'on mesure, à la lecture de ce roman, la montée inéluctable d'une sémantique vestimentaire mondialisée et du leadership, pardon, de l'hégémonie anglo-saxonne.
Mais les costumes ne sont pas les seuls éléments surannés du récit ; car, et c‘est peut-être plus gênant, les mentalités des protagonistes, également, fleurent bon la naphtaline.
Nous sommes dans une littérature classée « jeunesse », estampillée « lectures de toujours ». Les personnages de ce roman sont-ils encore des modèles pour un ado d'aujourd'hui ? Un jeune lecteur, une jeune lectrice, peuvent-ils encore s'identifier à ces héros de 189- et s'approprier facilement leurs valeurs ? Une petite revue de détail s'impose.
En premier lieu, François Seurel, le narrateur, narre, mais ne s'investit dans aucune action particulière pour son propre compte, excepté la réussite de son entrée à l'école normale pour instituteurs. Il reste le faire-valoir absolu de son ami que tout le monde semble adorer, craindre ou respecter : Augustin, dit « le Grand Meaulnes ». François se met intégralement au service des causes d'Augustin : sa quête, ses passions, ses aventures, ses illusions et ses espoirs… il en fait automatiquement les siens. Toujours disponible pour son ami et prêt à se substituer à lui, François, dans l'ombre d'Augustin, vit par procuration.
Jusqu'au bout, François épouse la cause de, et en attendant un hypothétique retour du Grand Meaulnes, va même jusqu'à habiter chez, élever la fille de, enfiler les chaussons de, utiliser le rond de serviette de (celui avec son nom marqué dessus).
Le Grand Meaulnes, parlons-en. Voici un type qui a tout pour lui, le charme, l'intelligence, le mystère, la persévérance, l'humour (non, pas l'humour, je raye)… mais qui fait le choix de jouer sa vie sur un pari. Il s'amourache d'une jeune femme rencontrée pendant dix minutes au cours d'une fête et décide de passer toute son existence à la rechercher pour la revoir. Problème, il ne se souvient plus de l'endroit où elle habite, et à l'époque, on ne s'échangeait pas encore les numéros de portable. Il ne ménage pas sa peine pour tenter de la retrouver et, sur un simple témoignage, il se rendra même à Paris (autant dire sur la planète Mars pour les provinciaux de l'époque) dans l'espoir de la revoir, mais sans succès. Et lorsque des années plus tard, il croisera à nouveau son chemin, il prendra aussitôt la fuite pour honorer un autre engagement stupide, concernant cette fois le frère de la jeune femme (après toutefois s'être marié avec elle et après l'avoir mise enceinte, comme on l'apprendra par la suite). Augustin ne peut vivre que dans la quête perpétuelle d'un objectif inaccessible, d'un amour impossible, et lorsque par un miraculeux hasard, mais surtout grâce aux manoeuvres de son ami François, l'objet de sa convoitise est enfin à sa portée, il ne peut que s'en désintéresser aussitôt pour en choisir un autre.
Augustin, perpétuel insatisfait, ne peut que fuir, s'échapper, sécher les cours, aller accueillir les grands-parents de François à la gare de Vierzon alors que personne ne lui a rien demandé, courir à la recherche de sa dulcinée puis du frère de celle-ci à travers le monde, à travers les sentiers battus et les chemins vicinaux, par monts et par vaux, toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus fort ! Ah, non… on me dit dans mon oreillette que cette phrase est plutôt destinée à Fort Boyard, au temps pour moi !
Augustin ne retrouvera jamais par lui-même le chemin du domaine mystérieux situé pourtant dans le village d'à côté. Pour lui, tout a commencé par une nuit sombre, le long d'une route solitaire de campagne, alors qu'il cherchait un raccourci que jamais il ne trouva. Depuis qu'il a assisté à cette fête, Augustin sait qu'ils sont là, qu'ils ont pris forme humaine et qu'il lui faut convaincre un monde incrédule que le cauchemar a déjà commencé. Ils sont là, ils sont parmi nous, ce sont… les envahisseurs… Tinlinlin – Tinlinlin – Tinlinlin… Les ENVAHISSEURS !
Ah, non… on me dit dans mon oreillette que c'était plutôt David Vincent. Bon, mais pour le Grand Meaulnes, les filles sont comme des extraterrestres. Elles sont bizarres, elles possèdent d'étranges pouvoirs, elles disparaissent… Et il ne veut pas se l'avouer mais… elles lui font peur !
Yvonne de Galais est la jeune femme « aux traits dessinés avec une finesse presque douloureuse » qui attendra longtemps son prince charmant. Distante et mystérieuse lors de sa première apparition, on comprend lorsqu'elle réapparaîtra bien plus tard qu'elle a vécu dans l'admiration de son frère (qui lui aussi va prendre la fuite, décidément), qu'elle s'occupe de son père (dont la fortune n'est plus ce qu'elle était) ou de son cheval (vieillissant, lui aussi) en attendant un potentiel fiancé (mais le Grand Meaulnes peine vraiment à la retrouver, on finit par douter qu'il y mette vraiment de la bonne volonté) ou à défaut un fidèle confident (qu'elle trouvera en a personne de François, dont la loyauté à toute épreuve envers son ami Augustin interdit de profiter de la situation). Attention, Spoiler : si vous n'avez pas encore lu le grand Meaulnes, veuillez vous rendre au paragraphe suivant sans démasquer ce qui suit. .
Yvonne de Galais n'a en fait rien de la modernité d'une Lara Croft (OK, fantasme masculin, je raye), d'une Élisabeth Bennet (là c'est mieux), et pas même, malgré sa propriété rurale et son cheval, d'une Martine à la ferme, c'est dire. A la fin XIXème siècle, je ne me souviens plus si les femmes disposaient déjà d'une âme et de la liberté de penser (un Concile de Mâcon a bien dû se pencher sur la question à un moment donné), mais je suis bien certain en revanche qu'elles n'avaient pas encore obtenu le droit de vote. Yvonne de Galais, décédée en 189- n'aura eu que peu de revendications au cours de sa trop brève existence, et le seul fait marquant de sa vie sera sa mort.
Frantz de Galais, le fils de bonne famille, le frère irresponsable, rate son mariage, foire la fête donnée en son honneur, pousse ses proches au chagrin, contraint Augustin Meaulnes à l'errance, devient un bohémien et un pathétique voleur de poules. Dans les deux sens du terme, puisqu'il renoue avec son ancienne fiancée, ramenée sur un plateau par le Grand Meaulnes qui avait eu en son temps des vues sur cette aimable personne, dont il ignorait l'identité, après avoir abandonné tout espoir de revoir un jour Yvonne de Galais. Frantz est le mauvais fils, le mauvais frère, le mauvais fiancé, le mauvais ami, mais il bénéficie d'un charme aussi ravageur que celui de sa soeur (on ne s'en méfie donc pas assez), et il est celui par qui tous les malheurs arrivent. Comme on le voit, il n'y a là aucun risque de traumatisme, le personnage le plus trash du roman reste très en deçà de certains chenapans de nos publications actuelles, tels Arsène Lupin, Fripounet ou Fantômette.
Les lecteurs modernes, catégorie dont j'espère faire partie, une fois passé et accepté l'ennui des premiers chapitres dû à l'absence d'action, finiront par entrer progressivement dans l'histoire et prendront plaisir à lire cette oeuvre, pour son charme suranné, sa réelle qualité d'écriture (le roman est passé à quelques voix du prix Goncourt en 1913), pour le témoignage sans fard et tranquille – nous ne sommes pas chez Zola – de la vie rurale et bourgeoise au tournant du siècle, pour son évocation d'une époque à jamais révolue et que certains regretterons (mais sans doute pas nos ados, fans d'Harry Potter et d'Hunger Games).
L'édition sortie chez Gründ en avril 2013 à l'occasion du centenaire est un bel objet qui bénéficie d'une fabrication soignée, rehaussée de nombreuses illustrations en couleur, au charme désuet mais bien approprié au contexte, que l'on doit au talent incontestable de Dorothée Duntze.
Enfin, on se remémorera sûrement à la lecture de ce livre le regard lumineux de Brigitte Fossey (pour les lecteurs les moins jeunes et néanmoins cinéphiles) ou de Clémence Poésy (pour les lecteurs les plus jeunes et tout aussi cinéphiles) qui ont interprété toutes les deux et avec brio, respectivement en 1967 et en 2006, le rôle éthéré de la belle Yvonne de Galais.
Commenter  J’apprécie          11646


critiques presse (2)
BDGest
06 janvier 2012
Collant au plus près de la version d’origine, il en rend avec majesté et une grâce atemporelle le caractère singulier d’un texte qui oscille sans cesse entre rêve et réalité – le grand dilemme d’Augustin -, mais également profondément ancré dans son terroir. Visuellement, tout comme narrativement, cela se transcrit par des scènes de paysages, en apparence immuables, une impression de temps suspendu ou qui s’écoule plus lentement, un aspect passé des personnages et des lieux.
Lire la critique sur le site : BDGest
Sceneario
07 novembre 2011
Les éditions Casterman et Bernard Capo ont donc été inspirés de se lancer dans une telle opération qui aura le mérite d'appréhender le best seller d'alain Fournier dans une autre évocation non dépourvue d'intérêts. Une adaptation d'un classique littéraire abondamment commentée et réussie.
Lire la critique sur le site : Sceneario
Citations et extraits (317) Voir plus Ajouter une citation
— Je vais entrer là, se dit l’écolier, je dormirai dans le foin et je partirai au petit jour, sans avoir fait peur à ces belles petites filles.

Il franchit le mur, péniblement, à cause de son genou blessé, et, passant d’une voiture sur l’autre, du siège d’un char à bancs sur le toit d’une berline, il arriva à la hauteur de la fenêtre, qu’il poussa sans bruit comme une porte.

Il se trouvait non pas dans un grenier à foin, mais dans une vaste pièce au plafond bas qui devait être une chambre à coucher. On distinguait, dans la demi-obscurité du soir d’hiver, que la table, la cheminée et même les fauteuils étaient chargés de grands vases, d’objets de prix, d’armes anciennes. Au fond de la pièce des rideaux tombaient, qui devaient cacher une alcôve.

Meaulnes avait fermé la fenêtre, tant à cause du froid que par crainte d’être aperçu du dehors. Il alla soulever le rideau du fond et découvrit un grand lit bas, couvert de vieux livres dorés, de luths aux cordes cassées et de candélabres jetés pêle-mêle. Il repoussa toutes ces choses dans le fond de l’alcôve, puis s’étendit sur cette couche pour s’y reposer et réfléchir un peu à l’étrange aventure dans laquelle il s’était jeté.

Un silence profond régnait sur ce domaine. Par instants seulement on entendait gémir le grand vent de décembre.

Et Meaulnes, étendu, en venait à se demander si, malgré ces étranges rencontres, malgré la voix des enfants dans l’allée, malgré les voitures entassées, ce n’était pas là simplement, comme il l’avait pensé d’abord, une vieille bâtisse abandonnée dans la solitude de l’hiver.

Il lui sembla bientôt que le vent lui portait le son d’une musique perdue. C’était comme un souvenir plein de charme et de regret. Il se rappela le temps où sa mère, jeune encore, se mettait au piano l’après-midi dans le salon, et lui, sans rien dire, derrière la porte qui donnait sur le jardin, il l’écoutait jusqu’à la nuit...

— On dirait que quelqu’un joue du piano quelque part ? pensa-t-il.

Mais laissant sa question sans réponse, harassé de fatigue, il ne tarda pas à s’endormir...
Commenter  J’apprécie          322
Après cette fête où tout était charmant, mais fiévreux et fou, où lui-même avait si follement poursuivi le grand pierrot, Meaulnes se trouvait là plongé dans le bonheur le plus calme du monde.
Sans bruit, tandis que la jeune fille continuait à jouer, il retourna s'asseoir dans la salle à manger, et, ouvrant un des gros livres rouges épars sur la table, il commença distraitement à lire.
Presque aussitôt un des petits qui étaient par terre s'approcha, se pendit à son bras et grimpa sur son genou pour regarder en même temps que lui ; un autre en fit autant de l'autre côté. Alors ce fut un rêve comme son rêve de jadis. Il put imaginer longuement qu'il était dans sa propre maison, marié, un beau soir, et que cet être charmant et inconnu qui jouait du piano, près de lui, c'était sa femme...
Commenter  J’apprécie          591
Parfois, au bord de l’eau entourée de bois, nous rencontrions une maison dite de plaisance, isolée, perdue, qui ne voyait rien, du monde, que la rivière qui baignait ses pieds. Une jeune femme dont le visage pensif et les voiles élégants n'étaient pas de ce pays et qui sans doute était venue, selon l’expression populaire, "s'enterrer" là, goûter le plaisir amer de sentir que son nom, le nom surtout de celui dont elle n'avait pu garder le cœur, y était inconnu, s'encadrait dans la fenêtre qui ne lui laissait pas regarder plus loin que la barque amarrée près de la porte. [...] Et je la regardais, revenant de quelque promenade sur un chemin où elle savait qu'il ne passerait pas, ôter de ses mains résignées de longs gants d'une grâce inutile.
Commenter  J’apprécie          531
Avec quel émoi Meaulnes se rappelait dans la suite cette minute où, sur le bord de l'étang, il avait eu très près du sien le visage désormais perdu de la jeune fille ! Il avait regardé ce profil si pur, de tous ses yeux, jusqu'à ce qu'ils fussent près de s'emplir de larmes. Et il se rappelait avoir vu, comme un secret délicat qu'elle lui eût confié, un peu de poudre restée sur sa joue...
A terre, tout s'arrangea comme dans un rêve. Tandis que les enfants courraient avec des cris de joie, que les groupes se formaient et s'éparpillaient à travers bois, Meaulnes s'avança dans une allée, où, dix pas devant lui, marchait la jeune fille. Il se trouva près d'elle sans avoir eu le temps de réfléchir :
« Vous êtes belle », dit-il simplement.
Commenter  J’apprécie          520
Voilà donc ce que nous réservait ce beau matin de rentrée, ce perfide soleil d’automne qui glisse sous les branches. Comment lutterais-je contre cette affreuse révolte, cette suffocante montée de larmes ! Nous avions retrouvé la belle jeune fille. Nous l’avions conquise. Elle était la femme de mon compagnon et moi je l’aimais de cette amitié profonde et secrète qui ne se dit jamais. Je la regardais et j’étais content, comme un petit enfant. J’aurais un jour peut-être épousé une autre jeune fille, et c'est à elle la première que j'aurais confié la grande nouvelle secrète...
Commenter  J’apprécie          610

Videos de Alain-Fournier (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de  Alain-Fournier
Adrien Borne est l'auteur d'un premier roman lauréat du prix Alain Fournier, du prix de la ville d'Angoulême, du prix des lecteurs de Levallois et du festival du premier roman de Chambéry, « Mémoire de soie ».
Pour cette rentrée d'hiver, il publie « La vie qui commence » et partage avec nous son approche de l'écriture, de la lecture et nous dévoile son bureau.
Merci à la librairie Delamain pour son accueil.
autres livres classés : classiqueVoir plus
Notre sélection Littérature française Voir plus


Lecteurs (40437) Voir plus



Quiz Voir plus

Le Grand Meaulnes, d'Alain-Fournier

Quand Meaulnes arrive chez les Seurel c'est pour :

entrer en pension
prendre des cours l'après-midi
apporter des légumes

10 questions
695 lecteurs ont répondu
Thème : Le grand Meaulnes de Alain-FournierCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..