Fils de personne de Roberto Aljamo est pour moi une belle découverte littéraire. le récit peut surprendre le lecteur, dérouté par une situation ubuesque, des personnages déjantés dont la logique, face au meurtre, appartient à un univers mental proche des tragédies antiques. Tissée dans l'univers contemporain, la situation de crise subie par la famille Ciraulo donne alors une farce noire, amorale, qui en appelle au sacrifice de l'agneau plutôt qu'à la justice des hommes.
L'écrite est parfaite (la traduction aussi). le puzzle qui prend forme au fil des pages demande contradictoirement une lecture linéaire et attentive, si on veut avoir la chance d'y comprendre quelque chose. Ce ne sont pas les dialogues qui aideront le lecteur ou les policiers ; les personnages savent très bien parler sans rien dire et enfumer allégrement leurs interlocuteurs.
Il serait possible de s'en tenir là, à une comédie humaine jubilatoire et un peu vaine. Pour ma part, j'y vois plutôt une critique sociale affreusement réjouissante, dans l'esprit des grands moments du cinéma italien des années d'après-guerre, où rire et satire sociale entremêlés, le néo-réalisme témoignait de la misère d'une grande part de la population italienne réduite au chômage, privée de perspectives et contrainte à la débrouille pour survivre.
En braquant le projecteur aujourd'hui sur les laissés pour compte, invisibles dans une société d'abondance mal répartie, en s'inscrivant dans la reconnaissance des particularismes régionaux que la mondialisation veut nier,
Fils de personne est une pépite.