Une figure mythique de l'IRA, Tyrone Meehan se fait dénoncer par les Anglais. Durant 20 ans, il a trahi la cause nationaliste irlandaise. Aujourd'hui, il doit faire face à toutes les conséquences d'une trahison aussi complexe que la vie du traitre, seul, incompris et régulièrement traité comme un paria depuis sa jeunesse. Comment une vie d'intensité passionnée et de désespoir peut mener vers l'obscurité et la honte, c'est l'histoire du roman de
Sorj Chalandon adaptée en bande dessinée par
Pierre Alary.
Prendre le point de vue du traitre pour raconter une histoire permet de livrer tous les aspects de la trahison, de sa genèse à ses conséquences en passant par les émotions ressenties lorsqu'on commet un tel acte. C'est l'histoire de Tyrone Meehan, un homme souvent perçu comme un paria, et portant le poids d'un passé complexe pesant encore sur une vie de conflits.
Raconter l'histoire du roman de
Sorj Chalandon, c'était la mission de
Pierre Alary. Après «
Mon Traitre », le dessinateur (qui porte toutes les casquettes sur cet album) signe une nouvelle fois une adaptation et l'emmener dans son monde : celui des bulles. En prenant le parti prix de limiter les couleurs et de travailler avec un trait très efficace, il renforce la force de son propos qu'il met avec brio en lumière.
Si
Pierre Alary soigne avec application chacune des cases, sa force évocatrice saute aux yeux dès les premières cases en gros plan. Sans basculer dans un photoréalisme, au contraire, le dessinateur sait mettre en valeur les expressions de visages qu'il dépeint avec une maitrise rare. le choix du quasi monochrome par case vient mettre en avant avec sobriété la force de l'intrigue, des propos et des visages.
Dès les premières pages, on se laisse embarquer dans une histoire forte qui met en lumière la réalité de l'île d'Irlande, pris dans un scénario efficace et poétique qui sans jamais basculer dans le pathos évoque une réalité historique forte qui n'a malheureusement rien à envier à un scénario de fiction. L'IRA, les guerres irlandaises successives, la division communautaire de cette société sont autant de puissantes toiles de fond pour l'histoire d'un personnage que la vie n'a pas épargné.
À la force de son dessin,
Pierre Alary raconte avec brio dans son adaptation du roman de
Sorj Chalandon la vie de cette figure de l'IRA brisée par une existence de violence et d'exclusion. Saisi à la fois par la beauté du dessin et par un scénario fort et prenant, «
Retour à Killybegs » s'apprécie case par case tout en donnant l'envie de tourner les pages jusqu'à la quatrième de couverture sans s'arrêter.
Porte d'entrée idéale pour découvrir le XXe siècle en Irlande, «
Retour à Killybegs » ne se cantonne pas à une simple retranscription d'événements historiques. Au contraire, le contexte historique vient servir un récit fort sur des vies brisées par la violence, la discrimination, la misère, la guerre, et la culpabilité. Une histoire qui ne vous quitte pas une fois le livre fermé, qui s'imprime jusqu'à vous laisser le souvenir du récit d'un homme qui à la défaveur d'une vie gâchée, brisée, va devoir se résoudre aux choix vers une vie d'obscurité, de souffrance, de honte.