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Critique de Alzie


Picasso et Casagemas ont vingt ans à l'aube du XXe siècle. Les deux peintres se sont rencontrés à Barcelone où ils partagent, en 1900, un petit atelier. Ils sont doués et se cherchent. Piliers d'Els Quatre Gats qui est aussi lieu d'exposition (l'équivalent du "Chat Noir") ils appartiennent à ce cercle artistique barcelonais totalement aimanté par le tropisme parisien de l'époque et n'aspirent qu'à rejoindre la bande des artistes espagnols déjà installés en France. L'exposition universelle va leur fournir l'occasion de rejoindre leurs pairs lors d'une première escapade financée par le père de Casagemas. Barcelone, Malaga, Madrid et Paris, tel est l'itinéraire de cette bohême, en forme d'allers-retours, qui sera la leur et qu'emprunte ce roman graphique de quatre-vingt quinze pages, très inspirées, auxquelles le désespoir amoureux de Carles Casagemas, repoussé par la belle Germaine Gargallo connue à Paris, confère sa tonalité funeste et son intensité. La vie, le sexe, la mort. Le fil narratif suit celui de la brève et tragique amitié entre Carles (Casagemas) et Pablo (Picasso), du cimetière de Sant Crist à celui de Saint-Ouen, sur fond d'années d'apprentissage à la peinture et à la vie d'artiste. « Feliz año 1901 », oui mais pas pour tout le monde, contrairement au voeu formulé par cette banderole au détour d'un dessin illustrant la soirée de nouvel an à Malaga, ville natale de Picasso où il a réussi à entraîner Casagemas au plus profond de son désarroi…

Ce que l'album offre au-delà de cette rencontre décisive et des événements qui y sont liés, en une manière à la fois poétique et réaliste, c'est l'écho de la période bleue de Picasso et la genèse d'un tableau moins connu très emblématique de son oeuvre « La Vida » ("La Vie"), réalisé à Paris en mai 1903 (conservé aujourd'hui à Cleveland)… Les amateurs de BD retrouveront avec un plaisir certain une partie des éléments biographiques évoqués également dans le tome 1 de « Pablo » (Julie Birmant et Clément Oubrerie, 2012), qu'il est intéressant de croiser avec cet opus, mais ils auront surtout ici sous les yeux une version graphique dont la vision espagnole restitue la dimension tragique de la période à travers le beau travail d'un dessinateur talentueux, Tyto Alba. Le style est beaucoup plus elliptique. Couleurs et subtil rendu aquarellé avec quelques touches plus outrées sont là pour suggérer. Le contour légèrement tremblé des vignettes et l'expressionnisme des figures rendent magnifiquement la part du malheur et de l'insupportable ironie du destin, sources d'inspiration inséparables du geste créateur de Picasso. « La Vida » est peinte sur l'envers d'une autre toile, au sujet tout aussi dramatique, « Les derniers moments », présentée dans le pavillon espagnol de l'Exposition universelle de 1900. Au tournant d'un siècle un peintre disparaît et un autre survient tout cela bel et bien raconté grâce à une oeuvre dessinée.


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