Grâce à
Eliette Abecassis, une dame pour qui j'ai beaucoup d'estime, ayant lu la plupart de ses livres, j'ai découvert l'univers fascinant des juifs séfarades. J'avais déjà appris pas mal sur les juifs ashkénazes, d'Europe centrale et de l'est, mais des séfarades je savais juste que le grand philosophe Baruch de
Spinoza appartenait à la communauté juive portugaise d'Amsterdam. Mais c'est en lisant "
Sépharade" d'
Abecassis que mon intérêt pour ce peuple a été éveillé. Un peuple chassé de l'île ibérique par la reine Isabelle la Catholique (que Dieu ait pitié de l'âme de cette catholique peu exemplaire), en 1492, la même année où un certain
Christophe Colomb naviguait tranquillement vers l'Amérique. En hébreu le mot 'Sefarad' désigne d'ailleurs l'Espagne. Beaucoup de juifs ont alors traversé la Méditerranée pour s'installer en Afrique du Nord et de là voyager vers l'est, direction Constantinople, le Balkan et plus loin en Europe. Après Israël évidemment, la France compte le plus de séfarades (entre 300.000 et 400.000), dont
Eliette Abecassis, née à Strasbourg.
C'est de descendants séfarades que
David Albahari est né à Peć dans le Kosovo en 1948, pour vivre à Belgrade avant son grand départ pour Calgary au Canada, en 1994. de lui j'ai lu, il y a quelques années, son ouvrage "
Goetz et Meyer". Ces
Goetz et Meyer étaient, lors de la dernière tuerie mondiale, des officiers SS envoyés à la capitale serbe pour y gazer, à bord de leur camion spécialement équipé à cet effet, quelque 5000 vieillards, femmes et enfants séfarades.
'
L'homme de neige" est le second ouvrage que j'ai lu de ses 8 romans et 8 recueils de nouvelles qu'il a écrits en serbe. Sur ma pile à lire, il y a "Ténèbres" et son dernier "
Sangsues".
David Albahari est membre non résident de l'Académie serbe des sciences et des arts . Dans son pays natal, il a reçu le Prix Andrić pour son ouvrage "Description de la mort". Un ouvrage dont le titre me décourage un peu !
Sûrement que ce relativement court roman est largement autobiographique, puisque le protagoniste est un 'etranger' , nommé comme professeur à une université américaine. Seulement cette belle réussite sociale ne le rend pas heureux pour autant. Bien au contraire, il s'ennuie ferme. À ce point même qu'il m'a fait penser à un roman d'
Alberto Moravia avec le titre révélateur "
L'ennui" de 1960, où l'on assiste également aux difficultés d'un homme en crise dans ses rapports avec la réalité qui l'entoure. En somme, un isolement kafkaïen, jusqu'à ce que notre héros découvre dans le sous-sol de la maison qu'il a louée, une armoire fermée à clef, que bien entendu, il ouvre au bout de quelques réticences. Pour ne pas gêner les futurs lecteurs, je dois arrêter ici ce petit résumé.
Voilà donc 2 auteurs d'origine distincte : l'une,
Eliette Abecassis, dont la famille vient du Maroc et qui vit en Alsace et un serbe qui vit au Canada. Deux mondes différents et qui malgré une approche fatalement différente, montre des similitudes dans leur façon d'observer l'individu dans son contexte quotidien : l'héritage séfarade ?
Avant l'indépendance des colonies françaises de l'Afrique du Nord, cette partie du globe comptait presque un demi-million de séfarades. La grande spécialiste des mouvements de ce peuple est bizarrement une jeune dame qui vient de Cracovie en Pologne,
Ewa Tartakowski, docteur en sociologie, professeur à l'université de Paris/Nanterre et membre du Centre Weber, qui a écrit un ouvrage remarquable "
Juifs et le Maghreb". À partir des livres publiés par des auteurs d'origine judéo-maghrébine, elle analyse les fonctions de la littérature d'exil. Une oeuvre peut-être hautement spécialisée, mais passionnante. Une autre dame qui s'est penchée sur la question est
Maïtena Armagnague-Roucher avec son "
Une jeunesse turque en France et en Allemagne", un ouvrage que je viens de me commander et duquel j'espère rédiger une critique bientôt.
Sur son site,
David Albahari note : "La ligne qui sépare le monde réel du monde des rêves est très mince." Et ajoute : "Lorsque j'étais môme, j'avais peur que je ne fusse pas plus qu'une image dans le rêve de quelqu'un et que le soudain réveil de ce rêveur inconnu, signifierait la fin de ma vie." Ou bien l'auteur à vaincu sa peur, ou bien l'inconnu rêve toujours. En tout cas,
David Albahari, adulte, n'a rien perdu de sa très riche imagination, qu'il sait traduire de faconn elegante dans une langue poétique.