John Banville ne cache pas son admiration pour
Henry James (Literary Review), il situe même la naissance du roman psychologique dans le chapitre 27 du "
Portrait de femme", où l'on navigue dans le flux de la conscience d'Isabel Archer. Mieux : le roman de James se termine de façon si abrupte que Banville y voit une invitation du Maître à poursuivre le destin d'Isabel, grande création littéraire, qu'il considère, malgré ses travers et ses erreurs, comme une véritable héroïne (The Irish Times). Arrogance et témérité, l'écrivain irlandais a écrit une suite au portrait !
"The Portrait of a Lady" est un drame joué entre des personnages américains dans un contexte européen (bien que les situations économiques, politiques et sociales ne soient pas évoquées). Isabel Archer, femme vaillante et naïve, découvre que son mari Gilbert Osmond et son ex-maîtresse, Serena Merle, ont agi de concert pour la pousser à ce mariage d'argent. de plus, Pansy, la fille d'Osmond, n'est pas celle d'un premier lit dont l'épouse est morte, mais l'enfant qu'il a eue avec
la Merle. le roman de James se termine lorsque Isabel, abattue et désemparée, fuit Osmond et Rome pour veiller le cousin Ralph Touchett qui se meurt en Angleterre – c'est indirectement grâce à ce dernier qu'elle hérita de sa fortune.
John Banville propose un roman dans la tradition classique, à la façon de
Henry James, rien moins qu'un pastiche. Mon sentiment sur James est positif ("
Le Tour d'écrou" et "La bête dans la jungle" formidables mais "
Washington Square" un peu terne) mais je n'ai pas lu "
Portrait de femme" ; par contre "
Mme Osmond" m'a entièrement conquis, avec une progression très lente, mais jamais ennuyeuse. Intérêt et empathie sont entretenus avec maestria jusqu'à la fin, au point qu'on laisse l'héroïne à regret à la dernière page. Sur une incertitude, cependant... Une suite ?
Que penser du pastiche ? de
Henry James, Banville écrit : ”Quiconque a lu, ou tenté de lire, feu James connaîtra ce sentiment d'être à la fois ébloui et étourdi par le style de prose qu'il a développé au cours des premières décennies du XXe siècle, un style conçu pour saisir, avec une immense, avec un diabolique subtilité, et en phrases d'une complexité labyrinthique, la texture même de la vie consciente.”
Y est-il lui-même parvenu ?
"
The Guardian" qualifie "Mrs Osmond" de superbe imitation et apprécie les surprises qu'offre l'ingéniosité de Banville.
"
The New Yorker" est moins enthousiaste, rappelant que
Henry James recourait aux longues phrases pour aller aux deuxième, troisième, voire quatrième couches de la pensée : "Banville semble confondre cela avec un simple allongement ; le grain de sa pensée et sa prose sont trop grossiers pour rendre sa tentative crédible." Et après des exemples précis : "Banville, en optant pour le pastiche direct, s'est donné le travail le plus difficile de tous et, en conséquence, échoue le plus sévèrement."
"The New York Times", insistant sur les longueurs et le rythme "ruminatif", est aussi critique : "J'ai eu le sentiment étrange de reconnaître ses phrases comme jamesiennes sans avoir l'impression que James les avait écrites, comme si par le fait même de se faire passer pour James, Banville avait réussi à mettre en lumière à quel point James est inimitable."
Je ne suis pas sûr que l'intention de
John Banville était de placer la barre si haut, au plan stylistique.
Jugeons-en nous-mêmes et suivons notre lady avec les principaux personnages de l'histoire originale dans ce prolongement banvillien. de la Tamise à Paris, jusqu'à Florence et Rome, la valeureuse Isabel Osmond trimballe-t-elle un règlement de compte ? Une
vengeance, une réparation ? Je crois que beaucoup sont impatients de savoir et seront enchanté(e)s.
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