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Un joli livre. Les éditions Vibration ont bien fait les choses.

Joli aussi son contenu.

Avec une grâce allègre, sans peser, sans s'apesantir, sans coudre entre elles les pièces colorées de ce manteau d'arlequin, Jean d'Albis papillonne d'un personnage à l'autre, esquissant le tableau impressionniste d'une Russie hantée par son passé et vivant des années 80 intemporelles. On croise Orok le chasseur impénitent, Lisaveta la nostalgique héritière d'une lignée disparue et d'un peuple en osmose avec les poissons, Dmitri le porcelainier devenu bureaucrate malgré lui, et surtout Nikolaï et Giliak, les cousins aventureux rêvant d'expéditions nocturnes et de chasse au trésor.

Ses personnages, l'auteur les effleure sans les effeuiller, au rythme des saisons, se faufilant entre les pages d'une Histoire qui semble trop lourde pour qu'il la prenne au sérieux- les fièvres sanglantes de la révolution russe, la ruine ou l'exil de l'aristocratie, la mise à l'index des Vieux Croyants, ces dissidents irréductibles de la religion orthodoxe ou celle de tout un peuple, les nivhk animistes au manteau bariolé de peaux de poissons séchées, tous un peu chamanes, et qui parlent aux bêtes et au fleuve Amour.

Un seul fil rouge mais qui est loin d'être un point fixe : l'irrésistible remontée d'un vieux saumon au fil des saisons et des rivières, qui ponctue de sa présence le ballet des quatre saisons comme un motif musical. Idée magistrale et leit motiv poétique qui relie entre eux ces chapitres volontairement décousus, fugaces, clos sur eux mêmes comme autant de petites nouvelles brillantes et aériennes.

Alors pourquoi ce final laborieux, soudain tragique, redondant, qui vient brutalement clore tous ces moments de légèreté, aussi bien pour les hommes que pour les animaux?

Jean d'Albis est un conteur, c'est une évidence. Pourquoi a t il soudain abandonné cette futilité légère où il excelle pour un pesant travail de menuise, avec clous et marteaux, fermant toutes ces écoutilles qu'on aurait bien laissées béantes ?
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Il est des ouvrages qui font la une des journaux et des conversations, trônent sur les tables des librairies et qu'il faut "absolument" avoir lus. Et puis il en est d'autres, plus discrets, qu'il faut rechercher, voire commander. C'est le cas du premier roman de Jean d'Albis : "Les quatre saisons du fleuve Amour". C'est bien dommage, je trouve.

Oui, c'est bien dommage car, très beau est ce roman, belle, cette promenade au bord du fleuve Amour, belle aussi cette leçon de sagesse et de tolérance. Nous sommes, en 1980, Brejnev est secrétaire du parti communiste. Et, à l'image du saumon remontant le cours du fleuve, "Il a traversé la mer de Béring puis rejoint la côte de la mer d'Okhotsk, là où, face à l'île de Sakhaline, le fleuve Amour se jette dans le Pacifique.", l'auteur dévide le fil de l'histoire des Russes et des Nivkhes. Les Nivkhes, peuple indigène, vivent en face de l'embouchure du fleuve, sur l'île de Sakhaline. Ils furent sévèrement affectés par la conquête et l'imposition des Russes tsaristes. Nous suivons ainsi deux familles, celle de Lisaveta, à l'ascendance de haute lignée, Dmitri et Nicolaï, douze ans, Russes "vieux-croyants" – une branche séparée de l'église orthodoxe – et celle de Kalinka, Orok, de filiation nivkhe, et Gylyak leur fils. Deux familles, deux origines différentes, deux modes de vie dissemblables et pourtant une bonne entente.

Ce roman est très beau, je l'ai déjà dit, à la fois émouvant, captivant, et plein d'enseignement. J'ai aimé l'écriture, simple, fluide, souvent faite de phrases courtes, de descriptions ciselées, d'anecdotes diverses. J'ai beaucoup aimé les explications précises relatives aux modes de vie de ces deux familles, les précisions sur la porcelaine chinoise, la chasse à l'élan, la pêche à la truite et au saumon. Je pourrais même dire que j'ai fait un beau voyage, car c'est de ça dont il s'agit, un voyage historique dans une contrée inconnue de moi, un voyage érudit aux parfums divers.

Un premier roman original qui nous plonge avec bonheur dans une partie de l'histoire de l'URSS.

Lien : https://memo-emoi.fr
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J'ai dégusté ce voyage. le texte est puissant pour dévoiler la réalité et d'une subtilité rare pour faire voir les mille façons d'avoir une vie emplie de joie, d'érudition et de raffinement sans jamais baisser les armes contre la domination.
La première scène vous fait assister à l'arrivée d'un jeune saumon dans le fleuve Amour, après avoir traversé la mer de Béring, une jolie métaphore de la jeunesse qui se poursuivra jusqu' à la fin du roman.
C'est Nikolaï, jeune garçon de 12 ans qui fait cette découverte, pour lui un enchantement renouvelé car il est épris de nature et d'un amour particulier pour ce fleuve.
C'est le seul garçon et le dernier des quatre enfants de Dmitri et de Lisaveta.
Du côté maternel, ils sont issus d'une haute lignée et Lisaveta quinquagénaire prend conscience qu'elle est la dernière de celle-ci.
Dmitri lui est le plus jeune des descendants de la lignée des vieux-croyants, groupe qui est séparé de l'Eglise orthodoxe, et par conséquent persécutés et isolés. Sa mère est nivkhe donc animiste, croyance selon laquelle la nature est régie par des esprits analogues à la volonté humaine.
Dmitri travaille dans un musée, il est spécialisé dans l'art de la céramique. Mais ses compétences ne sont pas véritablement utilisées malgré une renommée certaine.
« Son savoir et ses contacts auprès des spécialistes de la poterie « populaire » ont fait de Dmitri un animal intouchable et redouté. Dans une sorte de coalition silencieuse, l'entier ministère de la Culture s'est ligué pour ne jamais lui permettre de gravir les échelons d'une hiérarchie réservée à la cooptation et à l'entregent du tout-puissant syndicat des ratés. le plus redoutable d'efficacité. »
Dans leur vie quotidienne les femmes sont accaparées par la représentation sociale de la famille.
Les tâches ménagères sont dévolues aux hommes.
L'auteur nous régale de mille détails savoureux avec beaucoup d'humour.
De l'autre côté il y la famille de Gyliak, le cousin de Nicolaï, son père est un géant Orok, grand chasseur et pêcheur selon les traditions, celles du respect de la nature, on chasse et pêche pour se nourrir et se vêtir. La mère Kalinka est rédactrice du journal local et elle rêve d'ailleurs à travers les contes qu'elle va écouter, son rêve devenir conteuse à son tour.
Le lecteur va partager au fil du récit de ses vies les coutumes des uns les us des autres, si différents et pourtant si complémentaires. Il y a respect et affection entre eux.
Pour les jeunes comme Nicolaï et Gyliak, le passé a peu d'importance, ils n'ont pas l'impression d'avoir perdu un pan de leur histoire, car pour eux tout est découverte et aventure.
« Gyliak montre une grande curiosité pour de nombreux sujets : musique, littérature, histoire, géographie, et évidemment pour tout ce qui touche à la nature, aux animaux, à la chasse, à la pêche et plus généralement à l'aventure. »
J'ai fait un très beau voyage dans cet Extrême-Orient russe avec ces familles très attachantes et passionnantes.
Ils nous sont proches par leur humanité, leur culture et cette façon de faire face à l'adversité et de trouver des trésors de vie, d'être dans l'union quelles que soient les différences. Voir de la richesse en toute chose.
En refermant ce livre je me suis dit que j'aimerais connaître la vie adulte de Nicolaï et Gyliak qui est juste effleurée…
La question du passé répondra-t-elle encore à cela :
« Les garçons ne cherchent pas à imaginer la manière dont les occupants vivaient là il y a presque cent ans. Ils ignorent superbement ce monde de grandes personnes, engoncées du matin au soir dans des tenues inconfortables.
Pour tout l'or du monde, ils n'auraient échangé leur vie et leur monde contre une existence de conventions et de raideurs. »
L'auteur nous embarque dans ces contrées avec une écriture qui sait se couler dans les scènes décrites avec un vocabulaire adéquate, il ne cède jamais à la facilité et cela fait que le lecteur est un hôte privilégié, accueilli avec toute la convivialité qui lui permet de faire une échappée belle.
Une histoire qui montre combien culture et nature ne sont pas antinomiques, écoutons la sagesse de Confucius :
« Nature qui l'emporte sur culture est frustrée, culture qui l'emporte sur nature est pédante. Seule leur combinaison harmonieuse donne l'homme de bien. »
Merci aux éditions Vibration pour cette découverte et à Jean d'Albis pour ce voyage érudit aux mille saveurs.
©Chantal Lafon

Lien : https://jai2motsavousdire.wo..
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Très jolie histoire qui donne envie de voyager et de s'asseoir près d'un lac. Les personnages sont touchants et la cadre est splendide. Cependant, je n'ai pas trop apprécié le style d'écriture qui est une énumération d'action courte passive resssemblant à un journal intime. On a pas vraiment le temps de rentrer dans péripéties que les personnages en entament d'autres. Cela reste une très belle histoire, dévoré en une journée qui nous fait voyager pendant ce petit lapse de temps.
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Une ode à la vie
Dans un incroyable foisonnement de mots s'ouvre à nous un espace sans borne, imaginaire ou réminiscence de vies passées, comment savoir,  la vie à foison dans tous les cas.
Chaque phrase est un récit, la richesse du vocabulaire donne corps à un ailleur inimaginable autrement. Il y a un rythme qui est propre à chaque existence même si tous convergent vers la mort, les hommes, les animaux, les maisons. La nature seule est magnifique et immuable, pour elle seulement les saisons se répètent. le vieillissement des hommes, des maisons, chacun à son propre rythme, un peu comme des mondes parallèles qui par instant en se croisant viennent enrichir la vie de chacun.
On pourrait pleurer un peu à la fin face à la dure réalité du temps qui passe, à l'hiver qui arrive trop vite, à toutes ces épreuves qui font partie du lot de la vie, de cette vie qui coule comme ce fleuve qui porte un si joli nom mais cache une si dure réalité s'il n'y avait cette correspondance entre la nature et les hommes, ce sentiment toujours que malgré tout la vie continue. 
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« Ils se remirent a marcher sans but, au hasard, puisqu'il ne leur restait rien d'autre a faire. Un moment l'espérance parut renaitre, sans raison, simplement parce que l'espoir est chose naturelle chez les êtres humains tant qu'il n'a pas été émoussée par l'âge et l'experience.”
- Mark Twain, Les aventures de Tom Sawyer

Ce passage évoque cet éspoir naturel des deux cousins, Nikolaï et Gilyak, dans l'oeuvre de Jean d'Albis. Cette soif aussi de s'égarer. Nous sommes face à un vrai labyrinthe, à un monde aux mille couleurs.

Face aussi à cette croyance pure qui est a la fois l'esprit véritable d'un enfant et celle du peuple Nivkhe ganimiste. le lecteur est transporté à travers ces paysages inouïs, la Sibérie, pays endormi, avec sa taïga a perte de vue, ainsi que ses déserts arctiques, le long du fleuve Amour, le fleuve du dragon noir d'après les Chinois.

La pêche du fameux saumon, qui à la fin de l'été et au début de l'automne, vient du Pacifique pour frayer en eau douce. Ainsi que la fête de l'ours, cet éternel rappel à la nature, cet égal de l'homme, évoque aussi ce passage d'Arseniev dans Dersou Ouzala,
“C'est l'homme principal, riposta le Gold en montrant le soleil. S'il périssait, tout périrait autour…/…Le feu et l'eau sont aussi des hommes puissants. S'ils disparaissaient, ce serait la fin de tout”

Ce premier roman, très attendu parmi les fidèles lecteurs, est une ode a l'amitié, a la vie, au temps qui passe, à la mort et au esprits qui nous éclairent. Poète, autodidacte, et libre penseur, Jean d'Albis nous entraîne dans une aventure, a la fois riche d'anecdotes autobiographiques, et de légendes d'un peuple dont la croyance est en train de se dissoudre dans notre monde moderne.

Un début prometteur.
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Dans le roman de Jean, on apprend que l'Amour est un fleuve au sens propre et figuré ; un lien entre les vivants, un irrigateur de vie.
D'une belle vie.
Et rien que cela c'est précieux.
Tout est donc beau, sensible et "witty as can be" .
Chaque saison est un merveilleux tableau.

Ce n'est pas facile de parler d'Amour, c'est même courageux.
"Les quatre saisons du fleuve Amour" selon moi c'est Tchekhov pour l'élégance, Gogol pour l'humour si séduisant, Balzac pour la matrice sociale finement rendue et les petites saillies bien positionnées, John Fante aussi pour la rapidité et le "Take it or leave it dude".
Enfin ce n'est que mon humble décortiquage, vu que c'est ma première et seule critique littéraire.
Je lis à 99% des romans d'écrivains morts, depuis toujours, ça me rassure moi, le passé, mais ce récit là je l'ai adopté. Il a la beauté de "l'inflexion des voix chères qui se sont tues" comme le dit Verlaine.
Je vous recommande le voyage.
Un splendide voyage.
Les Arts du feu et les Arts des lettres, quel beau mariage.
Merci Jean et mille bravos !!

Bravo aussi aux éditions vibrations, vous pouvez commander le livre sur leur site, vous le recevrez très vite avec un gentil mot manuscrit, une délicate attention !

BRAVO aussi à Olivia 😘
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