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Critique de ay_guadalquivir


Alexakis n'a de cesse d'exposer dans ce livre, une idée parfois exagérément fraternelle, selon laquelle toutes les langues ont quelque chose à se dire, à apprendre les unes des autres, sans hiérarchie, primauté ou antériorité. La narratrice a beau chercher le premier mot qui fut prononcé jadis par l'homme, en mémoire de son frère disparu, elle ne le trouve pas vraiment. Sans doute se laisse-t-elle bercer par le brassage des nombreuses théories que lui exposent tous ceux qu'elle rencontre au cours de sa quête, et sans doute n'a-t-elle nulle envie d'en valider une plus qu'une autre. Chaque mot originel que lui délivrent successivement les éminents savants - linguiste, paléontologue, psychiatre, neurochirurgien - nourrit un univers imaginaire, enfantin, naturel, émotionnel ; quelle folie ce serait de vouloir réduire tout cela à un seul mot, toute l'histoire de l'homme ! Ses nombreuses rencontres forgent aussi l'expérience même de ce qu'est la langue, de façon plus forte encore quand elle est le sujet même de la rencontre. Français, grec, langue des signes même, toute langue sait se faire comprendre à qui veut écouter. Toutes les rencontres sont prétextes à triturer les mots, à des connexions infinies vers d'autres lieux, d'autres hommes.
Alexakis tourne et retourne aussi la question de l'héritage de la culture et la langue grecque. Peut-être pour conjurer la désolation présente de son pays. On peut lire Homère ou les philosophes pour un autre son de cloche, mais Alexakis ramène à un sentiment grec contemporain qui n'oublie pas la fierté et là d'où il vient. A l'aide d'un personnage impertinent de théâtre d'ombres, Karaghiozis, il questionne sans cesse la diversité grecque que nous connaissons mal (Macédoine, Alexandre, Homère, les îles), et la rend ainsi un peu moins classique.
Mais le vrai coeur du livre, c'est le chant incessant du frère disparu. Comme si toute cette quête, toute cette énergie dépensée à vivre, à parler, à chercher à aimer, n'était qu'une façon un peu moins banale qu'une autre de « faire son deuil ». Alexakis convoque avec tendresse de délicats fantômes, des souvenirs d'enfance, des arbres magiques, des poupées traditionnelles, des bateaux pour que la transmission ait lieu, et que la vie de l'un n'emporte pas celle de l'autre.
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