En 1823, Barye avait dû recourir de nouveau au gagne-pain de l'industrie. Il était entré comme ouvrier chez l'orfèvre Fauconnier. Il préludait, par les infiniment petits de la sculpture, à l'étude des infiniment grands de la nature animée. Celui qui devait faire bondir les jaguars ciselait des bijoux ; celui qui devait camper les lions dans une éternelle majesté inventait des modèles de breloques. Jusqu'en 1828, il travailla pour Fauconnier, et certains critiques, notamment Théophile Silvestre, ont tracé des portraits assez malicieux de cet orfèvre qui entretenait plusieurs artistes chargés de faire ses œuvres.
Ce qui est plus sérieux, c'est qu'aussitôt libéré du service militaire, après la capitulation de Paris, ce qui avait été auparavant un instinct devint un goût décidé. A l'âge de dix-neuf ans, Barye commença sérieusement, passionnément, à se mettre à l'étude du dessin, et cette étude absorba tous les moments de loisir que lui laissait son métier, qu'il avait dû reprendre pour vivre.
Pour vivre! Certes, il fallait à cet abandonné une rare énergie, si l'on rapproche du peu de temps dont il disposait, la rapidité du chemin parcouru. Que l'on songe seulement à ce qu'ont d'absorbant des études artistiques complètes, et que l'on se dise qu'après des peines infinies le jeune artisan pouvait, à vingt ans, être jugé digne de l'admission dans l'atelier d'un artiste en vue. Sans doute, ce ne sont pas les leçons de Bosio qui ont pu mettre Barye sur la voie de son rêve.