Il s'en faut que Chardin, au sortir de l'atelier de Cazes soit un artiste, ait conscience de ce qu'il veut et peut faire. Il cherche à s'employer comme il peut, comme une sorte de manœuvre plein de bonne volonté et d'une heureuse ignorance. Un jour il est chez Noël-Nicolas Coypel comme aide, et l'artiste le juge digne de peindre un fusil dans un portrait de chasseur, quitte à le retoucher. Un autre jour le voilà embauché par Van Loo pour des travaux de restauration à Fontainebleau. Pendant tout ce temps le bon garçon travaille assidûment, ingénument; aucune leçon n'est pour lui perdue, pas plus l'intérêt qu'il peut y avoir à bien peindre un simple accessoire, tel que le fameux fusil, à le bien disposer en bonne lumière, que les enseignements de tel ou tel maître qu'il va suivre à l'Académie, tout en pensant aux moyens de gagner sa vie.
La simplicité, dans l'art comme dans la vie, est la qualité la plus rare et la plus méconnue. Aux yeux des passants vulgaires, au jugement des esprits, superficiels, elle apparaît même comme une qualité négative, sinon comme la négation de toutes les autres qualités ; on la dédaigne, on ne prend point garde à elle.
Charlemagne paraît et de nouveau les arts fleurissent. Sous Louis le Débonnaire ce mouvement se continue et la peinture murale n'est pas une des moins brillantes manifestations. Les peintures de la chapelle et du palais d'Ingelheim, longuement décrites par les contemporains, déroulaient de vastes compositions comportant une quantité d'épisodes et de figures. Quelques noms d'artistes ont été conservés ; malheureusement il n'en est pas de même de leurs œuvres : on cite entre autres Éribert, et Sintramne, moine de Saint-Gall.
La peinture n'était pas alors restreinte comme maintenant au presque exclusif usage de la couleur à l'huile étalée sur une toile ou sur un panneau encadré pour être pendu aux murailles. Une peinture était aussi bien le vitrail, la fresque, la tapisserie, que l'émail ou les parois du meuble relevées de ligures et d'ornements peints. C'était la façon vraiment large de comprendre cet art, et il est vraisemblable que l'on en reviendra plus tard à cette saine et féconde notion.
Nos ancêtres, jusque dans les temps les plus reculés, ont possédé des peintres et de grands peintres. L'enthousiasme que les œuvres de leurs artistes excitaient chez les esprits les plus cultivés se constate dans un grand nombre d'écrits, et ces documents littéraires sont dignes de foi.