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EAN : 9782330023478
544 pages
Actes Sud (04/09/2013)
4.43/5   811 notes
Résumé :
Après soixante-dix ans de marxisme-léninisme, après des millions de morts, après l'implosion de l'URSS, que reste-t-il de l'Homo sovieticus ? Armée d'un magnétophone et d'un stylo, mue par l'attention et la fidélité, Svetlana Alexievitch a rencontré des survivants qui ont vécu la petite histoire d'une grande utopie et témoignent de cette tragédie qu'a été l'Union soviétique.
Ce magnifique requiem fait ainsi résonner des centaines de voix brisées : des humili... >Voir plus
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Vidée... Je sors épuisée, ébranlée et vidée de cette lecture éprouvante et essentielle. C'est à des livres comme celui-ci que l'on prend la mesure de ce que les livres d'histoire ne diront jamais, et j'ai résisté un nombre incalculable de fois à l'envie d'en noter des citations pour les partager : il vaut bien mieux s'y plonger entièrement et le lire...

Il parait que d'aucuns ont questionné le bien fondé du prix Nobel accordé à l'auteure au motif que le mode narratif de l'interview, "ce n'est pas de la littérature". Ce sont des interviews en effet, mais le travail littéraire de réécriture au plus près du réel est aussi spectaculaire qu'invisible, et témoigne autant d'une forte pertinence historique que d'une puissante sensibilité.

Des interviews et rien d'autre : une longue série de monologues entrecoupés de quelques scènes de "conversations de cuisine", multipliant les points de vue dans la bouche d'anonymes d'opinions, confessions, convictions, trajectoires personnelles différentes.

Le résultat est bouleversant : à travers cette litanie de souffrances, de violences, de frustrations et de désillusions, on reconstitue par bribes ce qu'a été qu'être et vivre en Union soviétique, celle des débuts triomphants et implacables, celle des guerres, celle de Staline, celle de la perestroika, puis d'avoir assisté, pris part ou subi son effondrement et son basculement brutal dans un capitalisme barbare.

Du soldat de la première heure méprisé sous l'ère d'Eltsine à l'Arménienne brutalement jetée dans une condition de paria; de la jeune fille calculatrice et matérialiste à l'ex Komsomol enthousiaste condamnée à la mendicité dans ses vieux jours, de l'amour à la fatalité, de la naïveté à l'amertume, chaque voix apporte un éclairage nouveau à cet Homo Sovieticus dont la somme de ces témoignages finit par cerner la diversité, la complexité et la profondeur.

Edifiant, magnifique!

Car une fois l'émotion primale retombée, le caractère universel apparait : il y aura un jour une Svetlana pour témoigner de la chute du monde occidental, comme il doit y avoir eu des témoignages - écrits censurés, narrations orales perdues - de la chute du monde romain, du monde ottoman, du monde maya, de toutes les utopies, de tous les totalitarismes, de toutes les formations sociales crées par l'homme. Toujours la même histoire, les mêmes inégalités de pouvoirs, les mêmes espérances, les mêmes violences.
Va y croire, avec ça...
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« Naître en URSS. Vivre en Russie. » Peau contre peau avec les russes.

« Время секонд хэнд ». Voilà ce que nous propose Svetlana Alexievitch, par son entier retrait de l'oeuvre, elle place le lecteur, brutalement parfois, face aux personnages, témoins désenchantés des transformations sociales que connaît le peuple slave depuis la fin du XXème siècle.

« C'est grâce à ça que je vis maintenant. Grâce à l'aumône des souvenirs. » Ces aumônes de la mémoire - toujours trop avare, faute de se rappeler suffisamment de nos vies écoulées, liquidées - l'écrivaine les a traqués : de conversations sur la place rouge aux chuchotements dans les cuisines, de souvenirs de goulag aux guérillas civiles entre ethnies de l'ex bloc-soviétique, l'autrice parcourt inlassablement les mémoires torturées.

Les livres n'ont pas été écrits pour être lus dans les transports en commun, hagards après une journée de travail. Pourtant ici l'effort de concentration n'a pas été insurmontable. Une fois que ces histoires, très dures mais passionnantes, vous attrapent, elles ne vous rejettent qu'empreint de rage, de tristesse, d'impuissance ou gonflé d'empathie.

« La vérité des hommes est un clou auquel tout le monde accroche son chapeau ». Il faut bien comprendre que ce livre est un matériau brut, il ne s'agit pas d'un livre d'histoire. La quête de vérité au sens de vérification des témoignages, de recoupements factuels n'est pas l'objet de l'écrivaine, prix Nobel de littérature.
C'est la subjectivité du vécu que propose l'autrice minskoise et c'est ainsi que je l'ai lu, me rappelant soudainement que peut-être, on me mentait, et qu'en tout cas je n'avais qu'un son de cloche. Et ce n'est pas grave. Il ne s'agit pas d'opposer subjectivité humaine et vérité des documents : « j'ai travaillé dans les archives, je sais que les papiers mentent encore plus que les hommes », souligne l'un des protagonistes.

« Nous avons une âme d'esclaves ». S'il est exact que le mot « slave » (esclave en anglais) vient bien du peuple slave, historiquement un des premiers peuples à avoir été réduit en esclavage, j'ai peine à croire à la prédisposition des russes à la soumission. C'est un thème récurrent pourtant dans les témoignages, les russes « aiment souffrir » ne se « préparent pas au bonheur », « La liberté ! Les russes ça leur va comme des lunettes à une guenon. Personne ne sait quoi en faire ».
Voilà bien l'exemple de subjectivité du livre car il est tout à fait possible d'appliquer les préceptes de la « servitude volontaire » à bien des peuplades par le monde. Mais les russes, spécialement depuis la chute de l'U.R.S.S, se comparent aux occidentaux et à leur système politique plus libéral : «et à la télévision, ils nous montrent la façon dont vivent les allemands... les vaincus vivent cent fois mieux que les vainqueurs ».

« Il croyait que le communisme serait là pour toujours. C'est ridicule de dire ça maintenant ». Que s'est-il passé en 1991, lorsque la Russie a tourné le dos au communisme et rejoint le capitalisme ?
C'est la question à laquelle se propose de répondre Svetlana Alexievitch grâce à ses entretiens, ainsi nous avons l'avis d'anciens membres du parti, de nouveaux riches, d'intellectuels dépassés, d'anciens déportés. le choc a touché les russes mais s'est vite propagé aux biélorusses, géorgiens, tchétchènes, arméniens, azéris, kazakhs etc, réveillant les nationalismes et les antagonismes entre les « camarades » d'hier.

« Nos parents ont vendu un grand pays pour des jeans, des Marlboro's et du chewing-gum ». Ce que constatent les russes, c'est qu'ils n'étaient pas prêts pour ça. L'esprit d'entreprise, l'accumulation ne faisait pas partie de leur logiciel. Chacun recevait selon son rang, dans des écarts jugés limités et qui semblent avoir explosés, de l'avis de certains récits, avec l'arrivée du capitalisme.
Il y a comme un malentendu, les russes ne seraient pas tous sortis lors des évènements de 1991 pour qu'Eltsine déclare le pays « capitaliste », ce que lui reprocha aussi Gorbatchev, mais simplement pour que des ruines d'un communisme autoritaire naisse le véritable progrès socialiste et non pas ce qui a été vécu, de la pérestroïka à l'avènement de la Fédération de Russie comme une trahison des élites, ainsi que le regrette cette manifestante « la liberté de parole m'aurait suffi ». Finalement « après tous les changements, les gens simples finissent toujours par se faire avoir ».

« Des communistes auraient jugé d'autres communistes, ceux qui avaient quittés le Parti le mercredi auraient jugé ceux qui l'avaient quitté le jeudi... ». Mais l'homo sovieticus n'a pas disparu pour autant, l'homme rouge n'est peut-être plus à la mode dans les grandes métropoles, mais la Russie périphérique reste fortement imprégnée par le communisme. Les méthodes de la police russe ne sont pas forcément très éloignées des méthodes communistes, les écoutes, la paranoïa et la surveillance orwellienne généralisée et de tous par chacun non plus. Les anciens déportés aux goulags reviennent parfois vivre dans le quartier où réside ceux qui les ont dénoncés : « notre drame c'est que chez nous les victimes et les bourreaux se sont les mêmes personnes ».

« Les hommes n'ont de pitié que pour eux-mêmes ». La répression des camps est toujours présente dans les mémoires, les horreurs staliniennes sont racontées par les survivants ou leurs enfants : « en hiver, les crevards qui n'avaient pas rempli la norme quotidienne étaient arrosés d'eau. Et des dizaines de statues de glace restaient là, devant le portail du camp, jusqu'au printemps. ».
Mais la fin de l'U.R.S.S a également son lot d'avanies, ainsi les anciens soldats, ivres de vodka, qui retrouvent une vie miséreuse en rentrant de la Seconde Guerre Mondiale, d'Afghanistan ou de Tchétchénie et perpétuent eux-mêmes sur les femmes une violence sordide, insoutenable car presque banale : « la guerre et la prison se sont les deux mots les plus importants de la langue russe ».

Mais malgré les atrocités vécues, il semble à nombre des protagonistes que « si on rouvre des camps, on n'aura aucun mal à trouver des gens pour les garder ». Ainsi, l'heure où l'on enraillait les téléphones pour empêcher les « tchékistes » d'espionner les conversations, où l'on se faisait passer des livres « samizdat » sous le manteau est peut-être passée mais les réflexes policiers sont bien présents. Les récentes manifestations pour des élections libres en Russie ou en Biélorussie le montrent.
Preuve de l'impasse dans laquelle s'engouffre les russes, l'écoeurement face aux méthodes de la police et du pouvoir politique actuel alimente une nostalgie nauséabonde : « il faudrait que Staline sorte de sa tombe tiens ! (...) il aurait dû en arrêter et en fusiller encore plus, de ces petits chefs ».

“que les héros se sont ceux qui achètent quelque chose dans un endroit pour le revendre trois kopecks de plus ailleurs. C'est ce qu'on nous rentre dans le crâne maintenant.” En effet, la Russie semble être revenue aux temps pré-communistes. Désormais il faut faire de l'argent, la télévision vante les mérites des oligarques dans chaque foyer démuni, on montre sans pudeur leurs résidences secondaires avec piscine, leurs vacances à Miami, leur personnel de maison « comme les propriétaires terriens au temps des tsars ».

« L'argent, ça aime ni la pitié ni la honte ». Alexievitch, adaptée au théâtre des Bouffes du Nord, dont la série « Tchernobyl » et le film « Une grande fille » en 2019, sont inspirés par l'oeuvre, n'a pas fini d'interroger l'âme slave trente ans après la chute du mur de Berlin. A l'heure où la Russie s'est convertie au capitalisme débridé « en trois jours » (contre plusieurs siècles en Occident), les inégalités ont métastasées, un seul crédo : « comme nous l'avait dit le prof de physique : chers étudiants ! N'oubliez jamais que l'argent résout tout ! Même les équations différentielles ! ».

« Comment as tu fais pour rester en vie là-bas ? J'ai été très aimé dans mon enfance. La quantité d'amour que nous avons reçu, c'est ça qui nous sauve. » Mais « faute d'amour », beaucoup n'ont pas survécu…

Il ne tient désormais qu'à vous d'enfiler une chapka et d'aller à la rencontre de l'Homme rouge, ou ce qu'il en reste, il ou elle vous recevra dans sa datcha, vous proposera des pirojkis et une vodka et peut-être alors vous ouvrira ses entrailles et remembrera ses souvenirs pour vous, trop longtemps étouffés, comme des lames de rasoir impuissantes à franchir le pas de sa gorge. Spasiba.

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Âmes sensibles, déprimés, mois de 16 ans, s'abstenir! Les textes sur la guerre sont éprouvants, les textes sur les goulags nauséabonds, la misère écrite est déprimante : ici le lecteur se prend de plein fouet un condensé des trois.

Svetlana Alexievitch a collecté « les voix de centaines de témoins brisés » pour créer ce ce testament accablant de ce que fut l'URSS.


Le désespoir :

C'est la perte de l'espoir. Sous un régime politique dont on a pu apprécier après coup l'abomination, une lueur guidait ce peuple : celle de lendemains meilleurs, celle d'une souffrance nécessaire pour le bonheur des générations futures. Et pour ceux qui n'y croyaient déjà plus, la résistante verbale occulte, celle qui refaisait le monde à voix basse dans les cuisines des appartements communautaires, après avoir camouflé le téléphone sous un oreiller. Les lendemains qui chantent sont restés des chimères, la perestroïka est passée par là, la nostalgie est tout ce qui reste, quand de nouvelles règles bannissent le passé.

Les conséquences immédiates sont dramatiques : fossé générationnel qui font des anciens des radoteurs, culte de l'argent, et surtout disparition du ciment qui unissait les républiques soviétiques. La guerre civile fait rage, au nom d'un dieu ou d'une ethnie, les liens sont détruits : la sauvagerie mène une danse macabre entrainant dans sa farandole femmes, enfants, vieillards, jusqu'aux défunts qui sont profanés. L'ami d'hier est un ennemi à abattre, avec toute la cruauté possible. A Moscou, les jeunes loups qui ont compris le système n'ont rien à envier aux ex-dirigeants : la violence est partout et compassion ou empathie sont des mots qui ont disparus du lexique. On tue, on viole selon les nouveaux rapports de force nés avec la chute de l'ancien régime.

J'ai dû interrompre cette lecture pour reprendre mon souffle, lire une bluette. Décidée cependant à aller jusqu'au bout, dans l'espoir d'y trouver quelque chose de positif : que nenni! A part le récit d'une jeune femme amoureuse et libre, tout n'est que drame et tragédie.

A la lumière des événements récents, ces textes retentissent à la façon d'un glas et on tremble pour l'Ukraine.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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On a beaucoup parlé ces mois derniers de Svetlana Alexievitch. On a même cité son nom pour le prix Nobel de littérature. Cette écrivaine, née en 1948 dans l'ex-URSS, aujourd'hui biélorusse en opposition ouverte avec le régime de Loukachenko, a développé depuis près de trente ans une oeuvre originale à mi-chemin de l'histoire et du journalisme. Elle se revendique du « roman de voix » de Ales Adamovitch . Ses essais entrelacent les voix de témoins ordinaires : les femmes ayant combattu contre l'Allemagne nazie (La guerre n'a pas un visage de femme, 1985), les jeunes recrues envoyées au front en Afghanistan (Les cercueils de zinc, 1990), les victimes de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (La supplication, 1997).
Prix des libraires en Allemagne, prix Médicis essai en France, élu meilleur livre de l'année 2013 par la rédaction de Lire, son dernier ouvrage a une ambition démesurée : dresser une « encyclopédie de l'époque soviétique » non pas en en relatant les faits historiques mais en sondant l'âme et le coeur de l'Homo sovieticus. Car Svetlana Alexievitch dit se défier de la méthode historique : « Moi, je regarde le monde avec les yeux d'une littéraire et non d'une historienne » (p. 22). Dans la préface de la guerre n'a pas un visage de femme, elle expliquait : « Je n'écris pas sur la guerre, mais sur l'homme dans la guerre. J'écris non pas une histoire de la guerre, mais une histoire des sentiments ». Dans celle de la fin de l'homme rouge, elle surenchérit : « L'histoire ne s'intéresse qu'aux faits, les émotions, elles, restent toujours en marge » (p. 21).

Svetlana Alexiévitch se trompe. Il y a belle lurette que les historiens ont élargi leurs horizons au-delà des faits matériels, des batailles militaires, des chronologies dynastiques. Les sentiments, les émotions sont, eux aussi, des « objets » que l'historien peut et même doit prendre en compte. L'historiographie française de la Première guerre mondiale a été révolutionnée par les analyses de Annette Becker et de Stéphane Audoin-Rouzeau qui ont replacé le soldat au coeur de la guerre. Harald Welzer et son équipe de sociologues de l'université de Hanovre ont montré comment le souvenir de la Seconde guerre mondiale s'était transmis chez les Allemands selon une logique de déculpabilisation collective . Troisième exemple récent : la thèse de Hélène Dumas soutenue en 2013 à l'EHESS qui décrypte, à l'échelle d'une commune rwandaise les dynamiques d'exécution des tueries de 1994 .
Même si elle y répugne, Svetlana Alexievitch participe de la même démarche. A travers les centaines de témoins qu'elle a interviewés, qui évoquent l'URSS avec nostalgie (car on y vivait moins misérablement que dans le capitalisme post-soviétique) mais non sans lucidité (les témoignages rassemblés constituent une masse interrompue d'horreurs à la limite du soutenable), elle brosse l'histoire kaléidoscopique d'une génération perdue : des ressortissants de l'ex-URSS orphelins de leur pays.
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« Je tiens à être une historienne au sang froid, et non une historienne brandissant un flambeau allumé. »
...
Un Livre d'Histoire.
De ces livres indispensables, dont la lecture est remise à de beaux lendemains…
Et puis à la fin, on est tout idiot de ne pas l'avoir lu plus tôt.
...
Réfléchir; transformer ce qui relève des émotions, par leur accumulation, en un début de conclusion, impossible.
Impossible pour ceux qui ne l'ont pas vécu, et pourtant… Il y a la littérature pour essayer, approcher, jusqu'à saisir…
Car il s'agît bien de littérature, dans le sens où les mots, leur enchainement, dépassent le récit, écrivent l'histoire, et témoignent de tout ce que l'on va oublier, l'utopie en premier, nous qui continuons comme d'habitude, pensant sans hésitations que le capitalisme est le moins mauvais système, jugeant ce que l'on a pas vécu à l'aune des camps, des morts et de l'absurdité.
...
« Je tourne, je n'en finis pas d'explorer les cercles de la souffrance. Je n'arrive pas à m'en arracher. Dans la souffrance, il y a tout: les ténèbres et le triomphe… Parfois, je crois que la douleur est un pont entre les gens, un lien secret, et d'autres fois, je me dis avec désespoir que c'est un gouffre. »
...
Chaque histoire entrainera un brouillard de pensées, mouillé de larmes des autres, trop précieuses à une simple identification.
Tenter cette critique parait vain, la résumer à un claquement de bottes ou de fouet dérisoire.
...
Il y a l'histoire de cette mère dont le fils adolescent, poète, se suicide. Elle conclue par cette interrogation, vertige dont je ne me suis toujours pas remis:
« Il m'arrive d'avoir une pensée affreuse. Et si jamais, lui, il vous avait raconté une histoire complètement différente ? »
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critiques presse (6)
NonFiction
06 mars 2015
La forme du témoignage rend la lecture aisée et permet de découvrir le point de vue de citoyens de l'ex-URSS sur leur réalité.
Lire la critique sur le site : NonFiction
LaLibreBelgique
19 novembre 2013
Prix Médicis de l’essai, cette radioscopie de la Russie profonde, son auteur la livre sans commentaires, dans sa terrible nudité. Elle aide à comprendre sur quoi surfe Poutine, entre Église orthodoxe et oligarques, entre nostalgie impériale et résignation populaire.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeMonde
18 octobre 2013
Une collecte de documents et de témoignages s'étalant sur plusieurs années, qui suppose un art subtil de l'écoute puis de la composition.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeFigaro
26 septembre 2013
L'Homo sovieticus existe: Svetlana Alexievitch l'a rencontré.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Lexpress
06 septembre 2013
Sous son oeil implacable et tendre, l'Homo sovieticus, pantin pantelant, n'aura cessé de balancer entre l'homme tragique et le sovok, le pauvre type.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Telerama
28 août 2013
Poursuivant son patient recueil de témoignages, Svetlana Alexievitch ausculte le coeur et l'âme de l'Homo sovieticus, passé brutalement du totalitarisme au nihilisme.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (299) Voir plus Ajouter une citation
Après Staline, chez nous, on ne voit plus la mort de la même façon... On se souvient des frères qui tuaient leurs frères... Des exécutions massives de gens qui ne savaient pas pourquoi on les assassinait... C'est resté en nous, ça, c'est toujours présent dans notre vie. Nous avons grandi parmi des bourreaux et des victimes... Pour nous, c'est normal de vivre ensemble. Il n'y a pas de frontière entre l'état de paix et l'état de guerre. Quand on allume la télé, tout le monde parle la langue des truands : les hommes politiques, les hommes d'affaires, et... le président. Graisser la patte, verser des pots-de-vin, des bakchichs... une vie humaine, ça ne vaut pas un pet de lapin. Comme dans les camps...
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Les femmes russes n'ont jamais vécu avec des hommes normaux. Elles leur servent de médecins, elle les soignent. Elles considèrent l'homme un peu comme un héros, et un peu comme un enfant. Elles sont là pour le sauver. Aujourd'hui encore, elles continuent à jouer ce rôle. L'Union soviétique s'est écroulée... Maintenant nous avons des victimes de l'effondrement d'un empire. De sa faillite(...) On réduit les effectifs de l'armée, les usines ne fonctionnent plus.... De ingénieurs et des médecins deviennent vendeurs sur les marchés. Des scientifiques... Combien y en a-t-il autour de nous, de ces gens tombés du train ! Ils restent là-bas, sur le bas-côté... à attendre on ne sait quoi... Je connais une femme dont le mari était aviateur, il commandait une escadrille. Il s'est retrouvé dans l'armée de réserve. Elle, quand elle a perdu son travail, elle s'est tout de suite recyclée. Elle était ingénieur, et elle est devenue coiffeuse. Mais lui, il reste enfermé à boire pour noyer son chagrin, il boit parce que, lui qui était un aviateur, un combattant (il a fait l'Afghanistan), il doit faire chauffer la bouillie des enfants... Alors voilà... Il en veut à tout le monde. Il est plein de haine. Il a demandé à être envoyé à la guerre, en mission spéciale, mais on n'a pas voulu de lui. Ce ne sont pas les volontaires qui manquent. Nous avons des milliers de militaires au chômage, des hommes qui ne connaissent que les mitrailleuses et les blindés. Qui ne sont pas adaptés à une autre vie. Chez nous, les femmes sont obligées d'être plus fortes que les hommes. Elles sillonnent le monde entier avec leurs grands sacs à carreaux. Depuis la Pologne jusqu'à la Chine. Elles achètent, elles revendent. Elles se coltinent leur maison, leurs enfants, leurs vieux parents. Leurs maris... Et le pays tout entier. C'est difficile à expliquer à des étrangers. Impossible.
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L’avenir… il devait être magnifique… il allait être magnifique, plus tard … j’y croyais ! On y croyait à une vie magnifique ! C’était une utopie … Vous, vous avez votre utopie à vous. Le marché. Le paradis du marché. Le marché va rendre tout le monde heureux… C’est une chimère ! Des gangsters se baladent dans les rues en veston rouge avec des chaines en or sur le ventre. C’est la caricature du capitalisme, comme sur les dessins du Crocodile, le journal humoristique soviétique. Une parodie ! Au lieu d’une dictature du prolétariat, vous avez la loi de la jungle : dévore les plus faibles que toi, et rampe devant ceux qui sont forts. La plus vieille loi du monde.

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Moi, la seule chose dont je me lasse pas, c'est de regarder le blé jaunir. J'ai eu tellement faim dans ma vie que ce que j'aime le plus, c'est voir le blé mûrir, les épis qui se balancent. Ça me fait le même effet qu'à vous de regarder un tableau dans un musée...même maintenant, je raffole pas du pain blanc, ce qu'il y a de meilleur, c'est du pain noir avec du sel, et du thé bien sucré.

Récit de Marina Tikhonovna ISSAÏTCHIK - Dix histoires dans un intérieur rouge
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Les hommes, ça peut se programmer ... Ils ne demandent que ça. Une, deux ! Une, deux ! Au pas ! À l'armée, on marche et on court beaucoup. Vite et longtemps. Et si on n'y arrive pas, on n'a qu'à ramper ! C'est quoi, un vrai dur ? C'est un homme qui ne flirte pas avec la mort, ses rapports avec elle sont clairs. Tu discutes ? Il te plante une fourchette dans la gorge. Il a brûlé tous les ponts, il n'a plus rien à perdre. Un type comme ça, ça bondit et ça mord. Si vous mettez ensemble une centaine de jeunes gars, ils se transforment en bêtes féroces. Une meute de jeunes loups. Que ce soit en prison ou à l'armée, la loi est la même : pas de quartier. Premier commandement : ne jamais aider les faibles. Les cogner. Les faibles sont immédiatement mis au rebut ... Deuxième commandement : on n'a pas d'amis, c'est chacun pour soi. [...] Mais la règle est la même pour tout le monde : ou tu te fais écraser, ou tu écrases les autres. C'est simple comme bonjour. Pourquoi est-ce que j'avais lu tous ces bouquins ? Je croyais Tchékhov ... C'est lui qui a écrit qu'il faut extraire l'esclave de soi-même jusqu'à la dernière goutte, et que tout doit être beau dans l'homme [...] Mais c'est le contraire ! C'est exactement le contraire ! Parfois, l'homme a envie d'être un esclave, ça lui plaît. C'est l'homme qu'on extrait de l'homme jusqu'à la dernière goutte.
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Vidéo de Svetlana Alexievitch
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Qui a dit « Des livres et de la vodka, c'est là que repose le secret de l'âme russe » ? Peut-être la plus grande représentante des lettres russes actuelles… Vous la connaissez ? Prix Nobel de littérature en 2015…
« Les cercueils de zinc », de Svetlana Alexievitch, c'est à lire en poche chez Babel.
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