C'était la Reine des Tortues.
La reine agita triomphalement ses arrogantes pattes ... "Toujours de la place pour une de plus au-dessus." Juste à ce moment-là, quelque chose la heurta par-derrière et ce fut la fin de sa courte et glorieuse journée. Glissant, dérapant, s'écroulant, elle déboula la pente du tas emmêlé et sanguinolent et alla atterrir sur le dos près de la table, lançant des signaux frénétiques de tous ses membres.
"Nobles amis et gentils coeurs", télégraphiait-elle en sentant le froid ultime s'insinuer en elle, "laisserez-vous mourir ainsi votre vieille amie ? Je ne désirais rien pour moi-même, ni argent, ni confort, ni puissance, ni sécurité; je ne les ai recherchés que parce que ces chères petites voulaient que je le fasse. (Naturellement, lorsque ces choses étaient à portée de ma main, j'en profitais de temps en temps.) Me laisserez-vous vraiment mourir ici ?
"C'est vrai, je mangeais bien. Mais c'était seulement pour garder mes forces intactes en vue de l'épreuve finale et du sacrifice de ma vie. Car je n'ai jamais fait volontairement le mal à une créature amie, à moins qu'elle ne se mît en travers de mon chemin. Jamais je n'ai triché, à moins que cela ne me profite. Laisserez-vous vraiment mourir une aussi douce tortue ?
"Je fus un père dévoué, un citoyen loyal, un employé honnête, un patron équitable, un voisin considéré, un pratiquant assidu. Par pureté de coeur je respectais les lois de Dieu et des hommes. Par pureté de coeur, et peur de la prison. Pouvez-vous réellement rester insensibles et regarder mourir ainsi une tortue aussi sainte ?
"Ne semble-t-il pas, direz-vous, que j'avais quelque peu l'intention de broyer le cou de mes soeurs il y a un instant ? Je l'avoue ... mais c'était tout à l'heure : maintenant j'ai changé. Pouvez-vous supporter de voir mourir ainsi une tortue aussi franche ?
"Rendez-moi la vie, gentils coeurs, rendez-moi la vie pour que je puisse jeter un dernier regard du haut du tas où je régnais autrefois en maître."
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