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La Divine Comédie tome 0 sur 4
EAN : 9782296537293
500 pages
Editions Orizons (01/06/2013)
  Existe en édition audio
4.19/5   593 notes
Résumé :
Peut-on encore aujourd'hui aimer Francesca, être troublé par Ugolino, trembler aux tourments des damnés de la Comédie ? L'Enfer de Dante, poétique et médiéval, n'a-t-il pas pâli irréparablement auprès des Enfers tout proches, et actifs, que notre époque n'a pas encore fini, semble-t-il, de susciter ? L'imagination créatrice de Dante est si puissante, et si précise, qu'elle semble décrire par avance, parfois, l'inimaginable horreur moderne.
Le gigantesque ento... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (74) Voir plus Ajouter une critique
4,19

sur 593 notes
Ecrire une critique de cette oeuvre monumentale de Dante, est une mission impossible, même je crois pour un chercheur ou un "dantologue", alors lorsqu'il s'agit d'un modeste lecteur, il lui faut rester modeste, respectueux, et le plus qu'il puisse faire est de déposer un petit commentaire.
Tout d'abord, après avoir découvert L'Enfer, le Purgatoire, et le Paradis en compagnie de Dante guidé par Virgile, Béatrice puis Saint-Bernard, il faut se garder de crier victoire, en claironnant : J'ai lu La Divine Comédie en totalité... oui certes parcourir ce livre et ses notes, qui représentent plus de huit cents pages, n'est pas une mince affaire. le manuscrit n'est pas facile, truffé de références qui ramènent à l'Antiquité, aux auteurs anciens, au Moyen-Age, à la ville de Florence au 13ème siècle, à la politique, à la religion (aux prélats), à la théologie, à La Bible... Même si on le lisait cent fois, je crois qu'il y aurait toujours à découvrir et à approfondir avec ce livre. Alors le lire une première fois est une leçon d'humilité, et renvoie à d'autres lectures, ne seraient-ce déjà que l'Ancien et le Nouveau Testament, et aussi les Evangiles... et puis Homère, Virgile, Aristote et tant d'autres. Il faut aussi se plonger dans l'Histoire du monde de cette époque moyenâgeuse, et pas se contenter de survoler l'histoire de la ville de Florence. Il faut aussi bien saisir l'ordonnancement moral de L'Enfer, du Purgatoire et du Paradis, ces trois parties étant bien distinctes. Et surtout il faut essayer de décoder le message qu'a voulu laisser Dante à la postérité. Pour un lectrice basique, telle que je peux me définir, la découverte de ce texte, qui a traversé les siècles, s'est avéré ardu, assez pénible aussi du fait des très nombreuses notes qui font suite aux vers du poète. La première partie du Paradis m'a aussi semblé complexe et assez monotone... le traducteur de l'ouvrage, Alexandre Masseron, reprend lui-même, cette note d'Etienne Gilson : "On ne peut pas comprendre le sens ultime de la Divine Comédie sans avoir pris contact avec la personne et la théologie mystique de saint Bernard..." Une oeuvre que je suis heureuse d'avoir "survolée", mais un ouvrage à relire à maintes reprises pour pouvoir en partie l'assimiler.
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Je n'aurai garde de critiquer Dante, pour ne pas finir dans son Enfer. Je me limiterai plus modestement à la présente traduction de J-C Vegliante, parue en Poésie Gallimard et donc aisément accessible ; maniable, de plus, malgré ses 1200 pages : le poème tient en un fort gros volume mais qui reste quand même un vrai livre de poche. On peut ainsi l'emporter partout, et mieux vaut, car sa lecture, pour envoûtante qu'elle soit, reste longue, lente, ardue. Pareille au chef d'oeuvre lui-même, c'est un périple initiatique dont le prix ne s'obtient que dans les longs efforts, par vertu et patience. Mais quel prix inoubliable !
Il faut savoir gré à JC Vegliante d'avoir tiré de l'italien médiéval un double, sans doute inégalable, du poème, pour nous permettre d'en jouir dans notre langue autant qu'il soit possible. Son parti pris de versification l'emmène parfois un peu loin de l'original (qui figure en regard - d'où les 1200 pages - mais quel bonheur de disposer du texte authentique !), parfois rend la traduction un peu alambiquée, mais la fidélité de l'ensemble paraît au-dessus de tout soupçon et l'on subit avec délices, par ce tour de force, le charme fascinant et immortel de la Comédie. Non la "Divine" Comédie : détail qui a son importance ; on apprend du traducteur qu'il s'agit en fait d'un titre générique, destiné à souligner l'audace au début du XIVème siècle florentin d'écrire en langue vulgaire et non en latin - surtout pour traiter de choses sacrées. La Comédie de Dante recevra l'épithète "divine" au cours des âges, s'agissant d'un des ouvrages les plus fréquentés de la tradition littéraire européenne.
Alternant les vers de onze pieds qui déroutent et les décasyllabes qui rassurent, selon un savant rythme 4/2 - sans rimes toutefois mais, un peu à la manière d'un Claudel, jouant pour l'essentiel sur le halètement produit par ses longues strophes - second Virgile, M. Vegliante nous emmène pour la traversée successive de l'Enfer, du Purgatoire et (non, là c'est Béatrice...) du Paradis, avec un souffle épique, mystique, politique, tout à fait étonnant. le choix de ne donner que peu de notes, ramassées au début de chaque chant, et entre les trois cantiques, est à notre avis judicieux : certes, on reste quelquefois perplexe devant les allusions...perdues ("les allusions perdues" pourrait décrire assez bien l'impression générale produite par ce livre chez le lecteur vierge de culture italienne médiévale); mais ce que l'on perd en références, on gagne en légèreté, et, comme dit plus haut, en rythme : le pari du traducteur est ainsi gagné.
Une expérience que cette lecture improbable, entre deux produits du prêt-à-porter littéraire contemporain ! A recommander absolument, elle ne laisse pas indemne.
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J'ai enfin trouvé ce que je cherchais ! Une édition qui accompagnât ma découverte du chef d'oeuvre de Dante qui je l'avoue m'effrayait beaucoup.
Il s'agit de l'édition folio bilingue qui propose des morceaux choisis, de longueur variable, des trois parties. Chacun d'eux est précédé d'un résumé très clair sans glose fastidieuse. L'idée a été d'abord et avant tout de donner une idée du contenu plutôt que de commenter la forme. Elle s'impose d'elle-même en lisant le chant en italien. La préface de Gérard Luciani est un modèle de pédagogie. Elle est accompagnée d'une petite iconographie ; de cartes et de descriptions de l'outre-tombe en général puis de l'Enfer avec une liste très bien faite qui permet au lecteur de bien se repérer.

"Au milieu du chemin de notre vie, je me retrouvai
dans une forêt obscure car j'avais perdu le droit chemin".
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Etant parvenue à un âge avancé, je commence à me préoccuper de ce qui m'attend dans l'Au-delà. Mes nombreux péchés et mauvaises actions, je les confesse volontiers. Mais il m'a paru utile de me renseigner sur ce qui me fera regretter de ne pas aller au Paradis.
Alors autant consulter un vrai guide du Routard qui a fait ses preuves, bien documenté, infos de première main, et avec les illustrations pour ne pas se perdre en chemin. Au premier abord, il semble curieux que ce texte unanimement apprécié qui décrit en détail les tourments des damnées soit classé dans la catégorie "Comédie". Comme si c'était une bonne blague d'aller rôtir dans les flammes et de se faire piquer le cul par les fourches des suppôts de Satan. Moi je mettrais ça plutôt dans "épouvante" ou "film gore".
Mais bon, le sens de l'humour de M. Alighiéri a dû m'échapper. Car dans ce périple aux Enfers, rien de très réjouissant. Une forte odeur de roussi, de la fumée qui pique les yeux et la gorge, des hurlements de souffrance, des visions épouvantables, et nulle pitié à attendre des bourreaux qui châtient les coupables. Les trafiquants sont jetés dans la poix, les magiciens marchent la tête à l'envers, les usuriers sont assis sous une pluie de feu, les suicidés changés en arbres, les dissipateurs déchirés par des chiennes, les hérétiques jetés au fond d'un cratère, ou dans une tombe brûlante, les gourmands noyés dans une eau glaciale et les luxurieux emporté par un ouragan.
Une question me hante: qu'arrive t-il aux gourmands luxurieux ou aux hérétiques usuriers? Certes, l'Eternité, c'est très long, surtout vers la fin.
On peut donc profiter de plusieurs supplices, surtout si on a beaucoup péché.
Mais vous aurez compris que, malgré le ton humoristique de mes propos, je n'en mène pas large. En attendant, et avant que la Faucheuse ne vienne sonner à ma porte, je me réjouis de compulser ce beau livre qui restitue une bonne partie d'une édition commandée par Lorenzo di Pierfrancesco de Medici au XVè siècle à Botticelli, et qui fut dispersée aux quatre coins de l'Europe. Ici sont réunis le texte intégral du poème de Dante et les illustrations du peintre toscan. Une histoire du manuscrit et une présentation du texte permettent de situer ces oeuvres et de mieux les saisir.
Un magnifique cadeau pour soi ou à offrir. Une bonne trouvaille du Père Noël, car en 2017, j'ai été bien sage.
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LA BÉATRICE
Dans des terrains cendreux, calcinés, sans verdure,
Comme je me plaignais un jour à la nature,
Et que de ma pensée, en vaguant au hasard,
J'aiguisais lentement sur mon coeur le poignard,
Je vis en plein midi descendre sur ma tête
Un nuage funèbre et gros d'une tempête,
Qui portait un troupeau de démons vicieux,
Semblables à des nains cruels et curieux.
À me considérer froidement ils se mirent,
Et, comme des passants sur un fou qu'ils admirent,
Je les entendis rire et chuchoter entre eux,
En échangeant maint signe et maint clignement d'yeux :
— « Contemplons à loisir cette caricature
Et cette ombre d'Hamlet imitant sa posture,
Le regard indécis et les cheveux au vent.
N'est-ce pas grand'pitié de voir ce bon vivant,
Ce gueux, cet histrion en vacances, ce drôle,
Parce qu'il sait jouer artistement son rôle,
Vouloir intéresser au chant de ses douleurs
Les aigles, les grillons, les ruisseaux et les fleurs,
Et même à nous, auteurs de ces vieilles rubriques,
Réciter en hurlant ses tirades publiques ? »
J'aurais pu (mon orgueil aussi haut que les monts
Domine la nuée et le cri des démons)
Détourner simplement ma tête souveraine,
Si je n'eusse pas vu parmi leur troupe obscène,
Crime qui n'a pas fait chanceler le soleil !
La reine de mon coeur au regard nonpareil,
Qui riait avec eux de ma sombre détresse
Et leur versait parfois quelque sale caresse.

Baudelaire fait du rire de la sainte le rire d'une démone parmi les démons alors que Dante dessine sur la bouche de Béatrice le sourire de Mona Lisa. Assurément, ils ne parlent pas de la même femme.

Dante, contemporain de son premier amour, fait de Béatrice l'Éternel féminin, elle qui fait l'offrande de ses larmes et qui descend jusqu'en enfer pour demander secours à Virgile, afin qu'il apporte son soutien à Dante, qu'il soit le soutien, le bâton du pèlerin qui l'a tant aimée, celui qui s'apprête à gravir la montagne du premier chant de la Comédie. Ce texte est une initiation contre la peur, la lâcheté étant par ailleurs le premier des vices à être puni dans l'Enfer de Dante. L'initié doit dépasser sa peur (de la mort ?) franchir les différents cercles, pour aller au-delà, il doit passer par des chemins escarpés, faire la traversée, et Virgile le mène à travers la vallée des ombres de la mort, parce que Dante, ne pouvant gravir la montagne a fait demi-tour, il revient sur ses pas aussi s'apprête-t-il à revivre les épreuves du royaume des ombres en empruntant “la route abrupte et sauvage”. Il entre dans l'outre-tombe dès le chant II. Il passe la porte et son inscription et il est dit plus loin de cette porte qu'elle est “la porte dont le seuil n'est interdit à personne”. En effet, l'Enfer reste le plus accessible dans la Comédie de Dante et c'est en Enfer qu'on crie ce qui n'est en vie et c'est là qu'il sonde les abymes.

La catabase permet de faire revenir les morts à la vie et Dante, vivant, chemine parmi les morts-vivants qui souffrent et qui se lamentent. Les corps sans corps sont suppliciés, les ombres souffrent de mille tourments et chaque peine est associée au crime. Dante verse des larmes de compassion et souffre le martyre en compagnie des damnés mais il est terrifié par ce qu'il voit. Les scènes se répètent sans se répéter : ils souffrent tous mais ils sont selon l'espace qui leur est assigné : ébranlés par un tremblement de terre, lacérés dans la forêt des suicidés, pris dans un déluge qui les emporte dans un maelstrom comme dans un puits sans fond, réduits en cendre par de la lave, asphyxiés par du soufre, brûlés par le sable sous leurs pieds, assaillis par le ciel qui leur tombe sur la tête comme une pluie de feu. Les flammes de l'enfer ne suffisant pas, toutes les catastrophes naturelles que l'histoire a vécu sont invoquées pour faire souffrir les condamnés. Au fin fond des enfers, Lucifer, qui attire à lui les autres cercles, apparaît dans un éternel hiver, au pôle extrême du Paradis après sa Chute. Ici, les larmes des damnées sont vitrifiées par le gel. Étrangement, il n'y a aucun feu, aucune chaleur, dans le dernier cercle des Enfers. Le portrait de Lucifer est saisissant, puisqu'il apparaît telle une figure de l'Apocalypse comme un monstre à trois faces, plus géant que les géants. Il insuffle l'effroi glacé et il apparaîtrait sublime s'il n'était pas l'horreur elle-même incarnée. Dante parcourt son corps et voir le Grand Ver Maudit avant qu'ils remontent vers les étoiles, laissant derrière eux l'étoile déchue (Lux-cifer), le Porteur de Lumière. Traître parmi les Traîtres avec ses ailes de chauve-souris dévorant les grands traîtres de l'histoire, à la fois celui qui les supplicie tous et celui qui est le plus supplicié d'entre tous.

L'allégorie permet de raconter ce qui ne peut être raconté et les figures de Dante seront de plus en plus abstraites, jusqu'à devenir chantées et chiffrées. Dante propose une réflexion sur l'illusion, sur le vrai et le faux, en langue vulgaire et sublime, et “le vrai semble un mensonge” alors même qu'il crée sa “fabula”. Il donne à voir comme au théâtre la représentation des ombres étant lui-même une ombre dans son tableau. Il s'inspire bien sûr de Virgile dont il fait son guide ( il s'inspire de l'Eneide et de sa descente aux enfers mais pas seulement) mais il ne se présente pas comme un héros, il se contente d'être le spectateur des visions qui s'offrent à lui et l'auditeur de ceux qui viennent se présenter à lui. Il rencontre pas mal de personnes qui ont perdu de leur renommée que j'ai sitôt rencontrés sitôt oubliés, mais je suis surprise de certaines de ses rencontres, dont celles des voleurs au chant XXV des Enfers car le morceau qui s'étend de la page 289 de mon édition à la page 295 est un tour de force poétique où l'homme se transmue en serpent et le serpent en homme. En fait, il est assez incroyable de voir en quoi la description d'une scène horrible peut être belle et Dante m'a rappelé ce passage d'Horace dans l'Art poétique où il parle du monstre à tête humaine mais à l'encolure de cheval, au corps d'oiseau et à la queue de poisson mais au buste de femme. Horace en fait le contre-exemple de l'harmonie poétique mais c'est paradoxalement poétique.

La langue de Dante décrit de plus jolies choses au sortir des Enfers, mais le visible n'est pas toujours lisible.
Je m'attache à partir d'ici à décrire ce qui a retenu mon attention parmi tout le reste, le reste restant hors de ma portée.

Au Purgatoire, on attend la suite, la fin ou l’Éternité et l'attente s'éternise. Le lecteur doit prendre son mal en patience s'il veut voir la Béatrice de Dante, qui n'apparaîtra qu'à la fin du Purgatoire. Le poète accomplit un rite de purification sur l'île où se trouve la montagne qu'il lui reste à gravir avant d'atteindre au Paradis. Il voit ceux qui ne gravissent pas la montagne, coupables de leur négligence. Dante perdra conscience dans la vallée des fleurs au chant de Te lucis ante. Il rêve d'une lumière éclatante, d'un incendie, et découvre au réveil que Sainte Lucie, patronne des aveugles, l'a porté jusqu'aux Portes du Purgatoire. Le gardien des Portes le marque de sept P sur son front, et ces marques s'effaceront au fur et à mesure de sa progression ; son parcours lui permettant de s'amender ainsi se rend-il digne, en cheminant, de la Grâce qui lui est accordée. Mais il reste troublé par certaines visions dont celle page 625 de la femme in-forme aperçue en songe qui le jette dans la confusion. La femme éparse s'assemble et se présente comme une sirène le charmant de son chant. Virgile le met en garde et la présente comme l'antique sorcière. Dante voit Béatrice sous un arbre pour y voir une seconde plus tard une putain lascive en compagnie d'un faune géant, et la vision s'estompera dans la sylve. Il y a quelques ombres dans le tableau qui inspireront sans doute Baudelaire. Dante est-il tenté ? En tout cas, il semble que tout n'est qu'illusion mais qu'en est-il de sa quête de Vérité et de Beauté ? Dante rêve encore d'une jeune fille cueillant des fleurs et de sa sœur se mirant dans un miroir, et on lui explique que la Beauté vient de l'ouvrage et de la vision. Dante traversera le mur de feu bien qu'il s'en effraie et le feu qui le brûle le purifie. Il profitera dans les dernières pages du Purgatoire du jardin d’Éden, inspiré des Bucoliques de Virgile, en compagnie de Béatrice. Le jardin sert de cadre à leurs retrouvailles et c'est le jardin de l'âge d'or, le jardin de la Belle Dame, figure du printemps renouvelé et de la fertilité, figure de la Muse. Au chant XXX, Béatrice apparaît sur un char alors qu'on entend le Cantique des Cantiques entonné par la procession, et elle porte les attributs de Minerve (couronne d'olivier). Il tombe en larmes, abandonné par Virgile. Son cœur fond, la glace se brise, il verse des larmes de repentir en voyant Béatrice. Elle retrace leur histoire et lui fait quelques reproches et l'histoire raconte que son amour à lui faiblissait alors même qu'elle gagnait en vertu et en puissance. Honte de Dante. Amertume amoureuse. Grâce accordée. Virgile enseignait à Dante l'amour selon la raison et Béatrice sera l'initiatrice de l'amour dans la foi. Elle apparaît telle le mystère féminin en compagnie d'un griffon, telle la sphinge mais ses yeux et son sourire l'apaisent et le conduisent jusqu'au Paradis.

En effet, elle l'y mène après l'avoir fait boire à la source de l'Eunoé, après le Léthé. Il progresse de plus en plus aisément à mesure qu'il se rapproche du Paradis, le chemin étant plus sûr, moins escarpé mais le lecteur ( en tout cas, la lectrice que je suis) progresse de plus en plus difficilement. En effet, les paroles de Béatrice sont difficiles à déchiffrer, Dante est pétrifié et elle lui dira : “la clarté de mon dire t'aveugle”. Elle est celle qui dit la Vérité, qui éclaire, mais elle est paradoxalement sibylline, et la Vérité reste cachée à celles et ceux qui comme moi, ne parviennent pas à déchiffrer ses mots, son sourire ou son rire qui éclate.
Au Paradis, Dante voit les sphères célestes, les joyaux du Royaume, les perles, quintessences de la Beauté. Il admire le vol des anges,qui tourbillonnent comme les étoiles, il entend à grand-peine leur chant. Tout virevolte, c'est la révolution des anges. Ils annoncent le jour du Jugement : diligite iustitiam, qui iudicatis terram. Alors que Dante n'avait de cesse d'interroger autour de lui, parce qu'il a cette soif de savoir, on l'interroge à son tour sur sa foi, sur son espérance. Il est en compagnie de Béatrice et dit d'elle qu'elle est celle “qui emparadise mon âme” et qu'elle est “le soleil de mes yeux” mais à travers elle, il voit le Paradis. Il boit à sa demande de l'eau du fleuve du Paradis comme un enfant le ferait du lait maternel aussi s'efface-t-elle peu à peu parce qu'elle se fond dans la rose éternelle, dans le Royaume où elle siège au 3ème rang. Il y revoit les saintes dont Sainte Lucie patronne des aveugle et il remonte les degrés après avoir parcouru du regard les gradins ou les pétales de la rose, il voit Marie à qui Saint Bernard requiert pour Dante le droit de contempler Dieu et Dante se retrouve tel l'Homme de Vitruve :

"Tel un géomètre, tout entier cloué
à la mesure du cercle, qui ne trouve
nulle idée du principe qui lui manque,
tel j'étais, à cette vision nouvelle :
je voulais voir comment avait pu se joindre
la figure au cercle, et quel lieu elle y scelle ;
mais à cet envol ne suffisaient mes plumes :
or mon esprit fut ébranlé d'un éclair
dans lequel son souhait fut accompli.
Ici défaillit la sublimée vue ;
mais déjà menait mon désir et vouloir,
comme est régulièrement mue une roue,
l'amour qui meut le soleil et les étoiles."*

La fin de la Divine Comédie s'applique parfaitement à retranscrire ma découverte du texte. Ma vue s'est affaiblie étant aveuglée par tant de lumière. Plus on se rapproche de la fin, et plus c'est difficile parce que le chemin n'est pas moins escarpé pour le lecteur qui marche avec ses yeux. D'ailleurs, à un moment, le soleil se réfléchissait sur ma page alors là oui j'étais complètement aveuglée. Mais je vais m'éblouir encore un peu en admirant les gravures de Gustave Doré et les illustrations que Dali a fait de la Divine Comédie.

PS : Je n'ai pas parlé de toutes les références politiques présentes dans le texte mais c'est normal, je n'y ai pas compris grand chose ! Il faut être un monstre d'érudition pour suivre Dante sur ce terrain-là. J'ai compris qu'il déplore entre autres et surtout dans le Paradis la corruption de l’Église, l’Épouse du Christ.

*L'amour apparaît comme l'élément moteur de la Divine Comédie, d'autant plus lorsqu'on se rappelle que la plupart des chants commencent par le relevé de la position des étoiles et qu'il progresse selon la position du soleil dans le ciel.
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Citations et extraits (153) Voir plus Ajouter une citation
Lorsque par le plaisir ou par la douleur
qui s’empare de l’une de nos facultés,
l’âme se recueille bien en elle,

il semble qu’elle ne comprenne plus que celle-ci,
et ce fait contredit l’erreur qui croit
qu’une âme en nous s’allume sur une autre.

Aussi, quand on entend ou qu’on voit une chose
qui attire l’âme très fort à soi,
le temps s’en va sans qu’on le voie,

car autre est la puissance qui le perçoit,
autre est celle qui tient l’âme tout entière :
la première est liée, la deuxième libre.

PURGATOIRE CHANT IV - Traduction Jacqueline Risset / Édition de la Pléiade

Quando per dilettanze o ver per doglie
che alcuna virtù nostra comprenda,
l’anima bene ad essa si raccoglie,

par ch’a nulla potenza più intenda;
e questo è contra quello error che crede
ch’un’anima sovr’altra in noi s’accenda.

E però, quando s’ode cosa o vede
che tegna forte a sé l’anima volta,
vassene ’l tempo e l’uom non se n’avvede;

ch’altra potenza è quella che l’ascolta,
e altra è quella c’ha l’anima intera:
questa è quasi legata e quella è sciolta.
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Maintenant je commence à entendre les accents douloureux; maintenant je suis arrivé là où me frappent de nombreux gémissements.
Je vins dans un lieu privé de toute lumière, qui mugit comme la mer, par la tempête, lorsque la frappent des vents contraires.
L'ouragan infernal, qui jamais ne se calme, entraîne les esprits dans sa tourmente : il les roule, il les heurte, il les moleste.
Quand ils arrivent devant l'éboulement, ce sont des cris, des pleurs, des lamentations; là ils blasphèment la puissance divine.
Je compris qu'à ce genre de supplice étaient condamnés les pécheurs charnels qui subordonnent la raison au désir.
Et comme les étourneaux sont emportés par leurs ailes, au temps de froidure, en troupe large et serrée, ainsi fait cette rafale des esprits pervers;
de-ça, de-là, en bas, en haut, elle les mène; nul espoir jamais ne les réconforte, non de repos, mais de moindre peine.
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J'ai vu déjà, au lever du jour, le ciel paraître à l'orient tout rose, et par ailleurs teinté d'un bel azur,
et la face du soleil alors naître voilée, de sorte que les yeux pouvaient supporter longtemps son éclat tempéré par les vapeurs;
de même, dans un nuage de fleurs, qui, des mains des anges, montait et retombait sur le char et tout autour, couronnée d'olivier sur un voile blanc, une dame m'apparut en manteau vert, vêtue d'une robe couleur de flamme ardente.
Et mon esprit qui, depuis si longtemps, n'avait été par sa présence accablé de stupeur et de crainte,
sans avoir besoin d'autre secours des yeux, par une vertu secrète qui émanait d'elle, sentit la force irrésistible de son ancien amour.
Aussitôt que m'eut frappé dans mes regards la haute vertu, qui déjà m'avait blessé avant que je ne fusse sorti de l'enfance,
je me tournai à gauche, avec la confiance qui fait le petit enfant courir à sa mère, quand il a peur ou qu'il est affligé,
pour dire à Virgile : "Pas une goutte de mon sang ne m'est restée qui ne tremble : je reconnais les traits de mon ancienne flamme!"
Mais Virgile nous avait abandonnés, Virgile, mon très doux père, Virgile, à qui, pour mon salut, elle m'avait confié;
et tout ce qu'a perdu notre antique mère n'empêcha pas que mes joues, purifiées par la rosée, ne fussent de nouveau ternies par les larmes.
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Il me répondit, en homme informé de mes pensées : "Ici, il faut bannir toute crainte; il faut qu'ici soit morte toute lâcheté.
Nous sommes arrivés au lieu où je t'ai dit que tu verrais la race douloureuse de ceux qui ont perdu le bien de l'intelligence."
Et après qu'il m'eût pris la main dans la sienne, d'un air joyeux qui me réconforta, il me fit pénétrer dans le monde du mystère.
Là des soupirs, des plaintes et de profonds gémissements résonnaient dans l'air sans étoiles, ce qui d'abord me fit pleurer.
Langages étranges, horribles blasphèmes, paroles de douleur, accents de colère, voix hautes et sourdes, qu'accompagnaient des battements de mains,
faisaient un tumulte qui tournoie toujours dans cet air éternellement sombre, comme le sable quand soufflent des tourbillons de vent.
Et moi qui avais la tête ceinte d'horreur, je dis : "Maître, qu'est-ce-que j'entends? et qui sont ces gens qui paraissent si accablés de douleur?"
Il me répondit : "Cet état misérable est celui des âmes douloureuses de ceux qui vécurent sans infamie et sans louange.
Elles sont mêlées à ce choeur abject des anges qui ne furent ni rebelles ni fidèles à Dieu, mais qui ne pensèrent qu'à eux-mêmes.
Les cieux les chassent pour ne point perdre leur beauté et le profond enfer ne les reçoit pas, car les damnés en tireraient quelque gloire."
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Au milieu du chemin de notre vie, ayant quitté le chemin droit, je me trouvai dans une forêt obscure. Ah ! qu’il serait dur de dire combien cette forêt était sauvage, épaisse et âpre, la pensée seule en renouvelle la peur, elle était si amère, que guère plus ne l’est la mort ; mais pour parler du bien que j’y trouvai, je dirai les autres choses qui m’y apparurent.

Comment j’y entrai, je ne le saurais dire, tant j’étais plein de sommeil quand j’abandonnai la vraie voie, mais, arrivé au pied d’une colline, là où se terminait cette vallée qui de crainte m’avait serré le cœur, je levai mes regards, et je vis son sommet revêtu déjà des rayons de la planète qui guide fidèlement en tout sentier, alors la peur qui jusqu’au fond du cœur m’avait troublé durant la nuit que je passai avec tant d’angoisse fut un peu apaisée.

Et comme celui qui, sorti de la mer, sur la rive haletant se tourne vers l’eau périlleuse, et regarde ; ainsi se tourna mon âme fugitive pour regarder le passage que jamais ne traverse aucun vivant.
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Pour qualifier le pire de l'épouvante ou du macabre, on utilise souvent l'adjectif dantesque. Mais savez-vous d'où vient ce mot ?
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