AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de 5Arabella


La dernière étape du Purgatoire, c'est le jardin du paradis terrestre, lieu intermédiaire, où Dante est spectateur d'un étrange représentation allégorique au sens discuté. A l'arrivée de Béatrice, que Dante espérait, Virgile disparaît : le seuil du Paradis céleste vient d'être franchi, et le poète latin ne peut y accéder.

Le Paradis se compose de 10 parties, 9 sphères mobiles et de l'Empyrée. Les sept premières sphères mobiles correspondent aux neuf planètes connues à l'époque de Dante : Lune, Mercure, Vénus, Soleil, Mars Jupiter, Saturne. Au-delà, il y a la sphère des étoiles fixes, puis le ciel cristallin (Premier Mobile). Ces sphères sont mues par des anges, chaque sphère par une catégorie d'anges spécifiques, il existe une hiérarchie angélique avec 9 niveaux. Je rappelle que la Terre étant au centre de l'univers dans la représentation médiévale, toutes ces sphères tournent autour de cette dernière. Enfin, au-delà de l'espace et du temps, il y a l'Empyrée, le Ciel transcendant où réside Dieu.

Même si le Ciel et la Terre sont deux réalités distinctes, il y a un lien, une relation forte. le Ciel agit constamment sur la Terre, les astres ont une influence sur les hommes. Les astres expriment la volonté divine, sont un instrument de cette volonté, leur mouvement provoqué par les anges en est la conséquence, les hommes subissent l'influence de ces mouvements, qui les poussent vers une direction, des actions. Mais l'homme garde toujours son libre arbitre, la décision finale de suivre ou non l'influence céleste lui appartient.

Dante va traverser les différentes parties du Paradis, dans les 7 premières sphères mobiles, correspondantes aux planètes, il va rencontrer les bienheureux. A chaque ciel correspond une disposition particulière vers le bien, par exemple au Ciel de Vénus, il y a les âmes de ceux qui sont soumis à l'amour, non plus terrestre, mais divin. Au Ciel de Saturne, on trouve les esprits qui ont pratiqué une vie contemplative. le huitième Ciel, celui des étoiles fixes, est réservé au triomphe du Christ, avec la Vierge. Les anges et les bienheureux résident en réalité dans le dixième Ciel, l'Empyrée, près de Dieu, ils sont disposés au sein de la rose sempiternelle, qui est la dernière étape du voyage de Dante.

Raconter le Ciel est bien plus difficile que raconter l'Enfer et le Purgatoire. Tout est à la limite de la compréhension humaine. La lumière éblouissante brouille la vision, les musique célestes saturent l'audition, il est difficile de voir, de saisir, et surtout de mettre en mots ce qui dépasse notre entendement. D'où l'invention par Dante d'un vocabulaire spécifique, dont le plus emblématique est le mot « transumanar » : c'est ce qui est au-delà de l'humain, et c'est le mot qui convient le mieux pour caractériser l'expérience du Paradis. le poète ne peut qu'essayer de donner une image approximative, imparfaite, de ce qu'il a vu et entendu.

Dante fait différentes rencontres dans sa montée céleste. Une des plus importantes, est celle d'un de ses ancêtres, un certain Caccaguida, qui serait parti en croisade, et aurait été fait chevalier par l'empereur. Dante le rencontre dans le Ciel de Mars, celui des combattants pour la foi. Il révèle à Dante son destin, son exil prochain :

« Tu laisseras tout ce que tu aimes
le plus chèrement ; et c'est la flèche
que l'arc de l'exil décoche pour commencer.
Tu sentiras comme a saveur de sel
le pain d'autrui, et comme il est dur
à descendre et monter l'escalier d'autrui. »

Mais il fixe aussi sa mission, qui est de révéler au plus grand nombre ce qu'il a vu, de communiquer la volonté divine par la parole, pour aider les hommes à accéder au Paradis, à devenir des bienheureux. Dante n'est plus seulement un poète, il devient un prophète, il doit rendre sensible aux autres hommes une vision divine pour leur permettre de prendre le bon chemin.

D'autres rencontres ont lieu, certaines très déconcertantes. Ainsi dans le Ciel du Soleil, celui des Esprits inspirés de sagesse, Thomas d'Aquin montre à Dante les onze sages de la première couronne, en quelque sorte le gratin de l'esprit. Et parmi ces 11 figure Sigier de Brabant :

« C'est la lumière éternelle de Sigier,
qui, en lisant dans la ruelle au fouarre
syllogisa des vérités enviées. »

Sigier avait pourtant été condamné par l'archevêque de Paris pour averroïsme, il a du fuir, a fini assassiné, et Thomas avait combattu certaines de ses idées. Ce passage a d'ailleurs donné lieu à de nombreux commentaires, Dante a été soupçonné d'averroïsme, le passage a servi a étayé l'hypothèse d'un séjour parisien du poète, qui aurait pu y rencontrer certains disciplines de Sigier. Mais en réalité Dante met en évidence une sorte de transcendance : ce qui paraît opposé aux hommes, ne l'est pas forcément pour la sagesse divine, deux grands penseurs comme Thomas et Sigier ont pu chacun exprimer un aspect de la vérité, en apparence inconciliables pour l'esprit humain, mais qui ne le sont pas pour l'intelligence divine. Et ils se reconnaissent comme égaux au Ciel, dépassant leur différents terrestres.

Dans le même état d'esprit, l'éloge de Saint-Dominique est prononcée par Saint-Bonaventure, franciscain et celui de Saint-François par Saint-Thomas, dominicain. Alors que les deux ordres s'opposent sur Terre sur le plan de la théologie, ils sont en mesure de reconnaître la vérité dans le propos d'imminents membres de l'autre ordre. Tous les antagonismes sont dépassés, la vision s'élargit, c'est l'un des sens du « transumanar ».

Nous arrivons ainsi progressivement à la fin du voyage, à la Rose céleste de l'Empyrée, l'amphithéâtre des âmes des bienheureux, dont presque tous les sièges sont pleins, ce qui annonce la proximité de la fin des temps. Et Dieu se révèle comme un cercle, qui englobe l‘ensemble de la création.

Au Paradis a lieu l'intégration finale de la philosophie dans la vérité de Dieu, l'élévation de l'amour en principe de tout bien et de tout mal, la résolution des problèmes politiques par la doctrine de la légitimité universelle et éternelle de l'Empire. Dante arrive petit à petit à ces conceptions, en traversant l'ensemble de ce qui humain, l'Enfer et ses damnés, le Purgatoire et ses pénitents, c'est au Ciel qu'il peut tout comprendre et tout embrasser et nous livrer sa vision éclairée par la lumière divine.

Ce n'est pas un voyage facile pour un lecteur, tant le poème de Dante est riche et complexe, tant il est truffé de références. Plus que de lire un livre, il s'agit de pénétrer un monde, un univers. Essayer d'en saisir quelques éléments, se pénétrer d'images, d'idées, se laisser prendre à la beauté des vers. En se disant qu'il faudra sans doute y revenir, relire, y trouver autre chose, puis autre chose encore. Car il est sans doute impossible d'épuiser tous ses sens, explorer tous ses possibles.
Commenter  J’apprécie          245



Ont apprécié cette critique (24)voir plus




{* *}