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EAN : 9782757894392
120 pages
Points (14/10/2022)
3.78/5   100 notes
Résumé :
Si l’on s’en tient aux faits, l’auteure passe la nuit du 7 au 8 mars 2020 au musée du Louvre, section des Antiques, salle des Cariatides, avec un sac en bandoulière dans lequel il y a, entre autres, une barre de nougat illicite.

Les faits, heureusement, ne sont rien dans ce livre personnel, original, traversé d’ombres nocturnes et de fantômes du passé, de glissades pieds nus sous la Vénus de Milo, ce livre joyeux et mélancolique, qui précise vite son ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
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Serait-il tendance de passer la nuit dans un musée ? Après Leila Slimani et son séjour nocturne dans un musée vénitien, c'est Jakuta Alikavazovic qui prend le relais en choisissant cette fois le Louvre.
A partir de quelques oeuvres choisies en raison de ce qu'elles représentent dans l'imaginaire de l'auteur, et des représentations issues de ce que ces oeuvres signifiaient pour son père, l'auteur revient sur son enfance, celle d'une fillette réfugiée, dont l'institutrice affirma qu'elle ne parlerait jamais le français ! Belle revanche, des années plus tard, que l'obtention d'un Goncourt du premier roman !

Les souvenirs affluent donc, dressant le portrait du père, esthète et voleur, une sorte de gentleman cambrioleur …

Mais au-delà de cet hommage, se cachent les motivations de cet enfermement volontaire : et la petite phrase qui revient :

« Et toi, comment tu t'y prendrais, pour voler la Joconde ? », occasion pour l'auteur de revenir sur ce fait divers du début du vingtième siècle, qui fut une des raisons du futur succès de cette oeuvre de de Vinci.

Mais il faudra attendre les dernières pages pour en savoir plus ….

Hormis les qualités de conteuse de Jakuta Alikavazovic, et ce bel hommage à son père, j'ai trouvé assez peu d'intérêt au récit, d'autant que le parfum des fleurs la nuit avait déjà utilisé le même procédé pour évoquer des souvenirs d'enfance.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Voilà un livre bien intéressant et diablement bien écrit.

Jakuta Alikavazovic – un nom imprononçable comme l'aurait dit l'un des jurés d'un prix littéraire à l'autrice (votre livre est très bon, mais j'aurais trop peur de ne pas savoir le prononcer, aurait-il dit) – accepte l'invitation des Editions Stock de passer une nuit dans un musée et d'en rendre compte par l'écrit.

Pour elle ce sera le Louvre. Une nuit donc pour parcourir à nouveau les galeries du Louvre et spécifiquement le salon qui accueille la Joconde, et celui de la Vénus de Milo. Parcourir à nouveau parce que ce trajet l'autrice l'a fait de très nombreuses fois quand, enfant, son père peintre l'emmenait avec lui et lui posait une question rituelle : « Et toi, comment t'y prendrais-tu, pour voler la Joconde ? ». Une nuit pour évoquer ses souvenirs, une nuit pour revivre une enfance qu'elle revisite pendant ces quelques heures seules face aux oeuvres qu'elle connaît bien.

Cette nuit au musée est donc notamment l'occasion pour l'autrice de faire le portrait de son père, ce père yougoslave arrivé en France à l'âge de vingt ans, ce père peintre – mais « peintre en bâtiment » comme les gens le pensent facilement dans ces années là pour un « Yougo » émigré en France, un père énigme pour sa fille qui lui faisait passer des tests pour voir si elle avait tout vu à l'intérieur d'un tableau, et qu'elle avait enregistré la configuration des salons dans l'idée de voler le célèbre tableau.

La Joconde d'ailleurs, comme l'autrice nous le rappelle, qui fit l'objet d'un vol par un peintre en bâtiment (cette fois-là un vrai) italien, un certain Vincenzo Peruggia dont le nom sera mal orthographié sur sa fiche de police, qui voulait « ramener la peinture à sa patrie ». Il se passera deux ans avant que la police ne découvre l'auteur du vol, et c'est l'occasion pour Jakuta Alikavazovic de s'interroger sur "ce que cela fait", de dormir en ayant le précieux tableau caché sous son lit.

Dans « Comme un ciel en nous » nous suivons donc l'autrice dans son introspection sur les traces de l'énigme de ce père admiré puis honni par sa fille : l'autrice traite du thème de l'exil – peut-on tout oublier de sa vie d'avant dans un contexte de guerre pour se fondre dans une vie parisienne – de son rapport à l'art, de littérature, de solitude et même d'un éventuel vol de tableau auquel son père aurait pu être mêlé.

Au passage elle raconte cette anecdote au cours de laquelle, petite, son père l'avait conduite au Louvre et l'avait laissé pendant quelques temps au pied de la Joconde, lui intimant de l'attendre. Mais ce père ne revenait pas et les gardiens s'étaient émus de cette fille qui ne voulait pour rien au monde quitter l'endroit où elle était censée retrouver son paternel. Celui-ci avait fini par arriver, au moment où la petite s'arcboutait sur son ancrage au près du célèbre tableau – pas question de faillir au serment de ne pas bouger en l'attendant.

Avec beaucoup de style, l'autrice dresse aussi un portrait de cette France des années 70 où les émigrés yougoslaves tentent de se fondre dans la masse, de se faire oublier, et où les enfants tentent de jouer la partition que leur propose la République en réussissant à l'école malgré les paroles calamiteuses d'une institutrice qui déclarera devant son père « Cette petite ne parlera jamais français ». Et de raconter le dilemme de ce père, tenu d'oublier sa propre langue, ses souvenirs, son deuil des parents laissés là-bas, pour se consacrer à l'apprentissage d'une langue dans laquelle il ne pourra que maladroitement transmettre ses émotions intimes à sa propre fille.

Jakuta Alikavazovic livre ici un récit plein de pudeur et de tendresse pour un père un père disparu, examinant le temps d'une nuit tous les malentendus et incompréhensions mutuels qu'ils ont pu entretenir.

Il restera une dernière énigme à nous livrer : l'autrice a réussi à introduire un objet caché dans son sac de voyage, un objet qu'elle ne nous dévoilera pas, qui lui servira pourtant a laissé une trace sur place, nous bornant à quelques conjonctures sur sa nature, mais avec l'intuition qu'il lui aura permis d'adresser un dernier signe à ce père disparu.

On peut comprendre à la fin que ce récit est une ultime tentative pour le rejoindre par le truchement de l'écriture - et c'est magistralement réussi.
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[Acquis 10 octobre 2021 / Librairie Caractères- Issy-les-Moulineaux ]

Un nouveau texte acquis dans cette excellente collection que j'affectionne spécialement… »Ma nuit au musée » !

Ouvrage poignant aux multiples récits et tons, intime essentiellement mais aussi historique, sociologique , philosophique, mêlant gravité, tendresse, et quelque cocasserie avec un brin de « provoc. » et d'esprit de transgression !

Une nuit entière, seule au Louvre est proposée à notre auteure… ce qui la réjouit et la ramène à son amour pour son père, qui adorait ce musée-ville et rêvait de « voler » la Joconde !!!

La phrase-jeu de son père quand ils arrivaient au Louvre : « Et toi, comment tu t'y prendrais, pour voler la Joconde ? Dans cet amour pour ce père, il y a tant et tant de sentiments intenses et contrastés.
Un « papa » yougoslave qui a dû se reconstruire, se réinventer totalement ; Père ayant fui son pays pour rejoindre Paris avec sa bien-aimée, fuite aussi d'un service militaire, et puis la guerre fratricide… qui détruira en profondeur cette famille, dont la mère de l'auteure, écrasée par le chagrin des proches assassinés… qu'elle n'a pu sauver !

Un hommage à un père, figure vénérée et adorée… des souvenirs tristes ou joyeux, le plus souvent reliés à ce Musée du Louvre ! Que le père étudie le français, seul, en lisant des biographies de peintres ou livres sur l'Art … ou qu'il emmène sa fille , voir les oeuvres, dont cette « Joconde » tant convoitée !!!, ou même qu'il l'oublie dans ce même Louvre, lieu absolu des rêves paternels…Le lieu central est ce Gigantesque Louvre, consolation et refuge car espace consacré à la Beauté, où le père s'évade !

« Un jour, je devais avoir huit ou dix ans, mon père m'a oubliée au Louvre. Curieusement, ce n'est pas un mauvais souvenir. Reste avec elle, d'accord, j'ai un coup de téléphone à passer, je reviens. -Elle- c'était la Vénus de Milo. Elle faisait partie de la famille.
Je me suis assise et j'ai attendu. Ce n'était pas difficile pour moi d'attendre et je n'y pensais même pas en ces termes. J'aurais sans doute dit que je regardais. Je regardais les oeuvres. Je regardais les gens. (p. 79)”

Une nuit d'instrospection de Yakuta Alikavazovic sur sa vie, ses rapports passionnés au père, ses questionnements sur les Pouvoirs de l'Art, tant pour les personnes, intimement , que sur le pouvoir brut ,de beaucoup de pays belligérants , au fil des siècles, s'affirmant ainsi, un peu plus, sur les pays annexés , pillant, ou dérobant des oeuvres dans les musées…, des observations fréquentes sur l'exil de sa terre d'origine,les guerres fratricides, le racisme ordinaire vécu, et enfin, la Culture, la Beauté de l'Art, facteurs de « baumes guérisseurs » et d'intégration…

« Que transmet-on à sa fille, sa fille unique, quand on a renié son passé ? Quand on a pu ou cru pouvoir se réinventer, dans un autre pays, une autre langue ? Mon père m'emmenait au Louvre. L'histoire de l'art est une histoire de fantômes pour grandes personnes, me disait-il. L'histoire de l'art, c'est ce qu'il m'a transmis à la place de son histoire à lui, savamment effacée et redessinée au gré du temps. (p. 34)”

Un moment très fort de lecture qui m'a fait connaître pour la première fois cette auteure, qui offre à son père, au-delà de l'absence, un texte magnifique de tendresse et d'admiration, même si il y a eu , à une période donnée, des moments de tangage pour construire sa vie de femme ! Nécessité de s'éloigner… pour mieux revenir vers ce père atypique et très aimant !

Quelle belle revanche , de surplus, en lisant que cette petite fille, à qui une institutrice peu bienveillante, avait prédit de ne jamais pouvoir apprendre le Français…est devenue une écrivaine talentueuse et reconnue !

Un style énergique, fluide, mêlant gravité et légèreté…Toutefois on sent très fort que ce « papa » déraciné , a dû sûrement être très seul intérieurement ; cela ne l'a pas freiné pour tout faire, afin de transmettre le meilleur à sa fille unique !

« Rien de tel chez mon père; au contraire, la maison qu'il professait s'être choisie, c'était le Louvre, justement; si tant est que l'on puisse choisir de s'établir non dans un pays mais dans un art, non dans une nation mais dans la beauté. Et malgré cela, malgré tout, la question de l'appartenance finit un jour ou l'autre par nous rattraper. » (p. 119)



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Une nuit. Une nuit enfermée au musée. le plus grand, le plus beau, le plus chargé d'histoire et de légendes, le plus mystérieux aussi. Une nuit d'enfermée volontaire au Louvre. Une nuit passée à convoquer ses souvenirs et ses peurs. Une nuit sous la seule lumière bienveillante du père absent. Une nuit passée à questionner l'art et son rapport à la construction des êtres. Une nuit passée à ajouter sa propre part aux secrets du lieu.

Prenant - comme d'autres avant elle – son tour dans la collection éponyme pour raconter sa nuit au musée, c'est en fait un énorme cri d'amour à son père que Jakuta Alikavazovic nous livre dans Comme un ciel en nous, le Louvre faisant ici office de trait d'union entre passé et présent, entre père et fille.

Un père à la vie de personnage de roman, qui a fui l'ex-Yougoslavie pour Paris par amour de sa femme, pour échapper au service militaire, pour l'attrait du Louvre, « lieu où la beauté l'emporte ». Et aussi, un peu, « pour le steak tartare ».

Un père qui tout petit entraîne sa fille au musée, capable de citer de tête le nombre de colonnes du Panthéon, d'arcades du Louvre, de cils de Marat dans le tableau de David ou de ceux de la Joconde. Un père qui « collectionnait les gens » et les fréquentations glorieuses ou douteuses, discret et fantasque à la fois, réservé autant qu'accorte.

Un père marqué par les séquelles de la guerre dans l'ex-Yougoslavie, réfugié en France sans jamais s'y sentir étranger, constamment soucieux d'afficher sa joie d'y vivre et de soigner les apparences, celles qui « comptaient davantage que le reste, davantage que le confort ; c'est déjà beaucoup d'être étranger, si en plus on fait pauvre, on est fichu ».

Alors que transmet-on à sa fille, à sa fille unique quand on a renié son passé ? Jakuta aura une vie et une nuit pour y répondre. Et dans cette réponse, l'art figure en place de choix. Dans l'obscurité de la salle des Cariatides, entre Venus de Milo et Hermaphrodite Borghese, elle peut enfin mieux les voir. « Eux : les lieux, les oeuvres. Eux : les souvenirs. »

Car l'obscurité change tout, éloigne les faux reflets, dépouille les artifices, libère les questionnements. de quoi parle t-on quand on parle d'art ? Qu'est-ce qui fait un chef d'oeuvre ? Quelle est la valeur et l'authenticité d'un souvenir, d'une perception ? Et toi, comment t'y prendrais-tu pour voler la Joconde ?

Des questionnements systématiquement brouillés par des fulgurances issues de sa propre histoire ou de celle du lieu. « Je voulais parler d'art, seuls des crimes arrivaient ». Mais aussi un sac, des voyages, un rapport particulier au langage et à la langue.

Comme un ciel en nous est un essai intime mais pudique, instantané d'une nuit où l'art sert de fil rouge au récit d'un parcours et d'une construction. Et même si « ce qu'on appelle grandir est une série de trahisons », Jakuta Alikavazovic retrouve le temps d'une nuit au musée, l'occasion d'un rendez-vous touchant avec son père et son enfance.

Un régal de style chez une auteure que je ne connaissais que de nom, mais dont je vais m'empresser d'explorer les livres précédents !
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Dans la collection « Ma nuit au musée » que j'aime beaucoup, voici Jakuta Alikavazovic au Louvre.

« Et toi, comment t'y prendrais-tu pour voler la Joconde ? » : la phrase d'un père à sa fille, un jeu bien sûr, une énigme, ou bien plus encore…

Une phrase à multiples strates. Des pensées révélées, auprès de la Vénus de Milo.

L'obscurité aidant aux confidences, se retrouver, la nuit tombée, dans la Section des Antiques, Salle des Cariatides, laisse libre court à l'imagination… une histoire autour de toute une symbolique.

“Le Louvre est la première ville française où je me suis senti chez moi, disait mon père”.

Déambulation et introspection en cette nuit. La nuit transporte dans une autre dimension, parallèle.

« La ligne de démarcation entre réel et fiction n'est pas la même pour chacun de nous ».

Une nuit pour redevenir la fille de son père.
Une nuit chargée d'ombres, des mystères de l'art, et des zones d'ombres et de souffrances laissées par la guerre de 1990 en ex-Yougoslavie.

Un père, venu en France pour sa beauté, et par amour, à l'âge de vingt ans, depuis la Yougoslavie et son Monténégro natal. Un père et l'exil vécu. Se réapprendre à vivre après avoir tout quitté. Est-il déjà trop tard, lorsqu'on part ?

Des souvenirs, parfois douloureux, surgiront librement de cette nuit entière au Louvre, la magie de l'art invoquant de profondes réflexions.

« Qu'est-ce qui fait un chef-d'oeuvre ?»

Je trouve un côté mystérieux, curiosité et sens en éveil, à s'imaginer seule la nuit au Louvre. Excitant et un peu effrayant aussi.

Une obscurité, une atmosphère chargée de merveilles, des milliers d'années d'histoires, une ambiance presque mystique… Des conditions appropriées pour explorer ses pensées profondes.

Je découvre l'auteure dans ce récit autobiographique, d'une légèreté qu'apparente et très enrichissant, à la fois intime et pudique. Douceur et émotions.

« L'histoire de l'art, c'est une histoire de fantômes pour grandes personnes ».

J'ai trouvé l'idée passionnante, se retrouver seule au milieu de ces oeuvres d'art, c'est séduisant, paradoxal et intrigant ; et je m'y serais retrouvée ou perdue là-bas, bien volontiers !

« (…) l'amour. Un sentiment comme un ciel en nous. Et comme un ciel, toujours changeant. L'amour et les formes que nous essayons de lui donner. (…) Parfois l'amour subsiste, seul ».
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critiques presse (2)
LesInrocks
10 janvier 2022
Parce qu’il n’y a de plus bouleversante histoire d’amour filial, d’incompréhension et d’occasions manquées entre un enfant et son père que ce récit.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
LesInrocks
19 octobre 2021
Jakuta Alikavazovic prend le Louvre comme prétexte pour se souvenir de son père amoureux de ce musée. Un très beau texte.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (54) Voir plus Ajouter une citation
Les musées nous ont habitués à l'idée que les oeuvres ont été faites pour être vues. Qu'elles sont faites pour la lumière, pour les regards. Notre passion du visible est devenue une passion de la visibilité. Les écrans ont fait pour nos corps et nos visages ce que les musées ont fait pour les oeuvres - ces écrans miniaturisés jusqu'à tenir dans nos poches, à nos poignets.
Les hommes qui, comme mon père, ont des secrets et les gardent semblent presque appartenir à un autre monde.
C'est une autre façon - temporelle, morale, plutôt que géographique - d'être étranger. Etranger à une époque où notre goût pour l'exposition a basculé dans celui de l'exhibition.
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Cette petite ne parlera jamais français. Et lui me l’avait raconté. N’avait pas pu s’en empêcher. Pas tout de suite, bien entendu. Pas sur-le-champ, à l’époque où en effet je ne parlais pas français, où je ne parlais d’ailleurs pas du tout. Mon père n’était pas cruel. Il a attendu non seulement que je le parle, le français, mais que je l’écrive. Que j’obtienne le Goncourt du premier roman. Alors il me l’avait dit. Mon succès, si modeste fût-il, était sa revanche ; et j’avais compris combien ma main, celle qui encore aujourd’hui écrit au stylo – combien cette main que je croyais mienne, et qui l’était, était aussi celle qui prolongeait, qui achevait un bras que je croyais mien, et qui l’était, mais qui en même temps était le bras de mon père.

Le bras armé de mon père.
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Il entourait les mots qu'il ne connaissait pas-il n'y a pas mille et une façons d'apprendre une langue, je procéderai de même, dans les années 1990, pour l'anglais. Aujourd'hui encore on peut suivre, de livre en livre, l'évolution de son vocabulaire. Il lisait : des biographies de Léonard de Vinci; La Théorie de l'art moderne de Paul Klee; et, même si la fiction, les romans, n'ont jamais eu sa préférence, La Ronde de nuit , de Patrick Modiano. Il s'est forgé un français châtié, il y tenait; d'une certaine manière c'était, je suppose, comme porter un beau manteau. Aussi, en dépit de son accent, parlait-il comme un livre. Comme les livres que j'écrirais plus tard. (p. 23)
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Que transmet-on à sa fille, sa fille unique, quand on a renié son passé ? Quand on a pu ou cru pouvoir se réinventer, dans un autre pays, une autre langue ? Mon père m'emmenait au Louvre. L'histoire de l'art est une histoire de fantômes pour grandes personnes, me disait-il. L'histoire de l'art, c'est ce qu'il m'a transmis à la place de son histoire à lui, savamment effacée et redessinée au gré du temps. (p. 34)
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De quoi parle-t-on quand on parle d'art ? De conservation. De permanence. D'un voeu d'éternité.
Alors, de quoi ne parle-on pas quand on parle d'art ?
Pour moi, c'est souvent une façon détournée, presque cryptée (...) d'évoquer la violence, la destruction, la mort. Une oeuvre d'art, une fois reconnue comme telle, semble extraite de ce cycle qui nous concerne tous. Elle est éternellement soignée, éternellement choyée. (Cette éternité est, bien sûr, une illusion; mais cette illusion est efficace. Elle est suivie. Elle marche.) (p. 103)
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Videos de Jakuta Alikavazovic (16) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jakuta Alikavazovic
Avec Catherine Cusset, Lydie Salvayre, Grégory le Floch & Jakuta Alikavazovic Animé par Olivia Gesbert, rédactrice en chef de la NRF
Quatre critiques de la Nouvelle Revue Française, la prestigieuse revue littéraire de Gallimard, discutent ensemble de livres récemment parus. Libres de les avoir aimés ou pas aimés, ces écrivains, que vous connaissez à travers leurs livres, se retrouvent sur la scène de la Maison de la Poésie pour partager avec vous une expérience de lecteurs, leurs enthousiasmes ou leurs réserves, mais aussi un point de vue sur la littérature d'aujourd'hui. Comment un livre rencontre-t-il son époque ? Dans quelle histoire littéraire s'inscrit-il ? Cette lecture les a-t-elle transformés ? Ont-ils été touchés, convaincus par le style et les partis pris esthétiques de l'auteur ? Et vous ?
Au cours de cette soirée il devrait être question de Triste tigre de Neige Sinno (P.O.L.) ; American Mother de Colum McCann (Belfond), le murmure de Christian Bobin (Gallimard) ; le banquet des Empouses de Olga Tokarczuk (Noir sur Blanc).
À lire – Catherine Cusset, La définition du bonheur, Gallimard, 2021. Lydie Salvayre, Depuis toujours nous aimons les dimanches, le Seuil, 2024. Grégory le Floch, Éloge de la plage, Payot et Rivages, 2023. Jakuta Alikavazovic, Comme un ciel en nous, Coll. « Ma nuit au musée », Stock 2021.
Lumière par Valérie Allouche Son par Adrien Vicherat Direction technique par Guillaume Parra Captation par Claire Jarlan
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